Portrait
Une installation portée par l'AOP Crozes-Hermitage

Installé depuis janvier dernier en EARL avec son père, Adrien Pochon a bâti son projet en s'appuyant sur le dynamisme de l'AOP Crozes-Hermitage.

Une installation portée par l'AOP Crozes-Hermitage
Adrien Pochon, entouré de ses proches, de représentants de JA 26, d'élus et d'élèves du lycée du Valentin, pour l'inauguration de son installation le 9 mai à Chanos-Curson. ©AD26-CL

Depuis le tout début de l'année, Adrien Pochon et son père, Étienne, sont associés. L'exploitation compte 16 hectares de vignes (12,8 ha en cépage syrah pour le rouge et 4 ha en cépage marsanne et roussanne pour le blanc) et 23 ha de noisetiers. Le vignoble, certifié en agriculture biologique depuis 2017, se situe sur l'aire d'appellation Crozes-Hermitage, principalement dans la plaine de Chanos-Curson ainsi que sur des coteaux à Gervans. Le domaine a été créé par Edouard Pochon en 1964, année de la première plantation de vignes toujours existantes. En 1988, son fils Étienne a commencé à vinifier dans le Château Curson et à commercialiser en bouteilles ses Crozes-Hermitage blanc et rouge. Désormais, Adrien et son père poursuivent l'histoire familiale professionnelle qui fêtera, l'année prochaine, son soixantenaire.

60 000 bouteilles sont vendues annuellement : au caveau du domaine (5 % du chiffre d'affaires), à l'export vers la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, les États-Unis, le Japon... (20 %), chez des grossistes (la majeure partie du chiffre d'affaires) ainsi que chez des cavistes, restaurateurs… « On fait aussi un peu de vente en vrac », précise Adrien Pochon à l’occasion de l’inauguration de son exploitation organisée par Jeunes Agriculteurs (JA) de la Drôme le 9 mai.

Être sécurisé sur l'eau

Le projet d'installation d'Adrien Pochon a été prioritairement bâti autour de l'atelier viti-vinicole. ©CL-AD26

Le verger de noisetiers, lui, s'étend sur la commune de Marsaz et comprend cinq variétés. Les premières plantations ont été réalisées par le père d'Adrien il y a quarante ans, en remplacement progressif de vergers de cerisiers, pêchers, poiriers et pommiers. « L'an dernier, avec la sécheresse, nous n'avons récolté que 34 tonnes alors que le potentiel est de 60 t », fait remarquer Adrien Pochon. La récolte, entièrement mécanisée, est mise en big bag avant d'être acheminée par camion vers la coopérative Unicoque, située dans le Lot et Garonne. « Le plus gros boulot avec les noisetiers, c'est la taille », confie le jeune agriculteur. Et l'une des principales inquiétudes est la sécheresse car le verger, en micro-aspersion, est implanté sur des terres sableuses. « Si on nous coupe l'eau, on arrêtera la production », tranche Adrien Pochon, avant d'ajouter que l'atelier noisette est peu rémunérateur : « Le chiffre d'affaires de la vigne, c'est 700 000 euros pour 16 ha, celui des noisetiers, autour de 100 000 euros pour 23 ha. Ce n'est pas très rentable compte tenu des investissements matériels à effectuer. ». Une diversification a été tentée avec des pistachiers, mais les résultats n'ont pas été probants. « Tant que nous ne serons pas sécurisés sur l'eau, on ne fera pas de gros projets », insiste-t-il.

Une nouvelle cuverie

Le projet d'installation a donc été prioritairement bâti autour de l'atelier viti-vinicole. D'ailleurs, Adrien Pochon s'est formé dans ce sens. Après un bac STAV au lycée du Valentin (obtenu en 2017), il a poursuivi avec un BTS viticulture-œnologie à Beaune (2019) puis une licence professionnelle en commerce des vins à l'université de Suze-la-Rousse (2020). Avant de s'installer, Adrien Pochon avait prévu de se rendre en Nouvelle-Zélande, projet avorté en raison de la crise sanitaire Covid-19. « Du coup, j'ai été salarié de l'exploitation pendant deux ans avant de m'installer », dit-il, sans regret. Deux années mises à profit pour bâtir son projet avec le CER France (qui tient la comptabilité de l'EARL)et obtenir 31 000 euros de dotation jeune agriculteur (DJA). Outre l'achat de parts auprès de son jeune frère qui ne souhaite pas s'installer, les investissements comprennent une éolienne mobile, un groupe électrogène, vingt fûts pour assurer le renouvellement du parc qui en compte 160, un tracteur ainsi qu'un véhicule utilitaire. Le plus gros projet reste la construction pour 2025 d'une nouvelle cuverie « car nous manquons de place, justifie Adrien Pochon. Le bâtiment sera tout enterré avec une cuvaison par gravité. » Pour l'instant, il n'envisage pas de protection type filet sur le vignoble mais d'équiper les nouvelles plantations d'un système de goutte à goutte. À noter, toutes les cultures sont assurées contre les aléas climatiques.

Préparer la relève

Lorsqu'on l'interroge sur les points forts de son exploitation, Adrien Pochon cite sans hésiter l'AOP Crozes-Hermitage et son « marché positif » ainsi que sa participation au groupe de jeunes vignerons de 20 à 30 ans baptisé « Génération Crozes ». Autres points forts, la certification AB du vignoble et le portefeuille clients important constitué par son père et son grand-père. Quant aux points faibles de l'EARL, Adrien Pochon évoque la faible rentabilité de l'atelier noisettes, l'exposition aux aléas climatiques, la difficulté à recruter de la main-d'œuvre ainsi, et surtout, que le départ à la retraite d'ici cinq ans de son père et d'un des deux salariés permanents œuvrant aux tâches techniques du domaine. « C'est l'un de mes gros soucis », confie le jeune homme.

La pénurie de main-d'œuvre qualifiée est un défi à l'heure où le métier devient toujours plus technique. Selon Jordan Magnet, vice-président de Jeunes Agriculteurs de la Drôme, « le plus important, c'est donner sa confiance et mettre en confiance. Cela s'apprend. »

Christophe Ledoux

Le château Curson : un lieu d'histoire
©AD26-CL

Le château Curson : un lieu d'histoire

Le château Curson, dont la façade sud date de la fin du XVIe siècle, a appartenu à la célèbre Diane de Poitiers, née à Saint-Vallier en 1499, maîtresse du roi de France Henri II, décédée en 1566. Sa fille, Louise de Brézé, a vendu cette propriété à Jean de la Croix III, seigneur de Chevrières en 1584. Plusieurs générations se sont succédé pendant plus de deux cents ans. En 1774, Nicolas Amédée de la Croix de Chevrières, marquis de Chevrières, loue le château et les terres l’entourant aux aïeux de la famille Pochon, Jean et Jacques Barret, qui étaient agriculteurs à Mours près de Romans-sur-Isère. Jean Denis René de la Croix de Chevrières (fils de Nicolas) leur a vendu cette propriété quelques années plus tard.

Formation : proposer une offre adaptée

Lors de l'inauguration de son installation, Adrien Pochon a souhaité consacrer un temps d'échanges à l'offre de formation des agriculteurs, des salariés permanents et saisonniers, et ce dans un contexte de pénurie de main-d'œuvre qualifiée et de départ à la retraite de toute une génération d'agriculteurs dans les dix prochaines années. Le coût des formations, la suppression de certains dispositifs (comme les formations « Ocapiat » réalisées sur les exploitations) ont été évoqués. « Aujourd'hui, il y a davantage de problème de recrutement que de formation, a réagi Claude Rigot, ingénieure formation à la chambre d'agriculture de la Drôme. Il faut arriver à motiver davantage de jeunes à venir travailler en agriculture. » Qu'il s'agisse pour les financements d'Ocapiat pour les salariés, de Vivea pour les agriculteurs, différents types de formations existent : longues, courtes, certifiantes…, a-t-elle poursuivi. Et des organismes de formations, comme la chambre d'agriculture, peuvent aider à construire des dispositifs de formation.

C. L.