« Future Pac : ne pas fragiliser une agriculture de haute qualité »
Agribiodrôme a tenu son assemblée générale le 7 juin. Interview de l’un de ses deux porte-parole, Jean-Maxime Buisson, éleveur de poules pondeuses bio et producteur de céréales à Bourdeaux.

De grosses inquiétudes se manifestent chez les producteurs bio quant au visage de la nouvelle Pac. Pouvez-vous décrypter ce qui est redouté ?
Jean-Maxime Buisson : « C’est un sujet qui nous préoccupe fortement et depuis longtemps à l’échelle de notre structure régionale, la Frab, et nationale, la Fnab. Nous nous inquiétons de ce que la nouvelle Pac va engendrer au niveau du développement de la bio et notamment de la bio paysanne. Nous craignons que certaines exploitations ne se désengagent de l’agriculture biologique avec la suppression définitive de l’aide au maintien, par exemple chez les céréaliers, dont les systèmes économiques reposent en grande partie sur ces aides. Il y a aussi un risque de voir se désorganiser certaines filières locales ou régionales au profit d’outils industriels. En élevage par exemple, je pense aux filières avicoles pour lesquelles il n’y a pas d’aide directe sur l’agriculture biologique mais où des aides considérables au développement ont permis de créer des outils industriels déconnectés de la vision sociétale mais rentables en termes de main d’œuvre. »
La suppression de l’aide au « maintien en agriculture biologique » est actée depuis 2018. Aucun nouvel engagement pour cette mesure ne peut être souscrit en Auvergne-Rhône-Alpes depuis cette date. Qu’attendiez-vous de la nouvelle Pac ?
J.-M. B. : « Nous alertons depuis cinq ans sur ce choix politique régional qui fait que nous avons perdu l’aide au maintien [Depuis 2018 l’État ne co-finance plus l’aide au maintien. Les Régions avaient le choix de continuer à la financer ou pas via le Feader, Ndlr]. Et cela va désormais se confirmer à l’échelle nationale. C’est très inquiétant car on fragilise une agriculture de haute qualité pour valoriser une agriculture intermédiaire, la HVE pour parler clairement. En quelque sorte on tire par le médian ou par le bas plutôt que de tirer vers le haut. Pourtant la bio connaît une évolution à deux chiffres depuis cinq à six ans. Le consommateur plébiscite ces produits. Il apparaît donc illogique que le gouvernement français, dans ses orientations autour de la Pac, se désolidarise de l’agriculture biologique. Si les aides s’orientent désormais uniquement sur la conversion, encore faudra-t-il que les nouveaux producteurs restent en bio ensuite. Il faut pérenniser la transition, peut-être en modulant le système d’aide, mais pas passer de tout à rien. D’autant que les exploitations bio s’imposent des contraintes qui ont un impact positif sur le bien public : eau, environnement...»
Au delà de la défense des intérêts des producteurs bio dans le cadre de la future Pac, quels sont les objectifs que se fixe Agribiodrôme pour l’année à venir ?
J.-M. B. : « Nous allons poursuivre notre travail sur le volet biodiversité, à commencer par l’autoconstruction de nichoirs. Plus de 4 000 ont déjà été installés en Drôme, essentiellement en viticulture et arboriculture, et nous ouvrons cette action à d’autres filières comme le maraîchage, la polyculture-élevage. Nous travaillons aussi sur l’implantation de mares et, avec d’autres partenaires sur la question des haies, de l’agroforesterie, des couverts végétaux… Enfin, nous continuons à favoriser l’approvisionnement en graines d’engrais vert locaux entre fermes de Drôme, ainsi qu’à développer l’offre en légumes secs.
Une autre de nos priorités est l’abattage de proximité. Nous avons accompagné le projet de Cuma d’abattage de Saint-Auban-sur-l’Ouvèze, qui a ouvert il y a un an. Il concerne une dizaine d’éleveurs en ovins et caprins, bio et non bio. Nous travaillons aussi avec les éleveurs des territoires de Dieulefit-Bourdeaux et l’agglo de Montélimar sur cette question. Nous avons réalisé un diagnostic et aujourd’hui il y a une volonté politique d’aller plus loin pour porter collectivement une solution d’abattage de proximité. Des pistes comme l’abattage mobile, l’utilisation de caisson ou un micro-abattoir local du type de celui de Saint-Auban vont être étudiées. L’objectif est d’alléger la charge de travail pour les éleveurs qui doivent aller à l’abattoir de Die ou d’Aubenas. Une association de préfiguration vient d’être créée avec un noyau dur d’une douzaine d’éleveurs, bio et conventionnels, et nous espérons pouvoir bientôt tester le caisson lancé en Loire Atlantique. »
D’autres projets ?
J.-M. B. : « Notre troisième axe pour 2021 est la création d’un poste d’accompagnement technique en maraîchage. Nous avons une très forte demande sur ce sujet depuis de nombreuses années, à laquelle nous répondons déjà partiellement. Nous souhaitons désormais spécialiser un poste qui devrait être opérationnel en septembre 2021.
Par ailleurs, nous allons poursuivre le développement de nos actions sur l’approvisionnement en produits bio locaux de la restauration collective. Nous accompagnons les collectivités, les cuisines centrales, les cantines en gestion concédée ou en gestion directe. Nous proposons des formations et un accompagnement pour les équipes de cuisines avec un maître-mot : bio local à budget constant. Cette demande explose aujourd’hui avec la loi Egalim [au 1er janvier 2022, la restauration collective gérée par des organismes publics devra proposer au moins 20 % de produits bio dans ses menus, Ndlr]. En parallèle, nous travaillons sur le développement de l’approvisionnement et les questions de logistique, notamment avec l’association Agri Court. Voire, pour certaines cantines sur la gestion directe avec le producteur si c’est la solution la plus logique en matière environnementale pour limiter les kilomètres parcourus par le produit. »
Propos recueillis par Sophie Sabot
L’association Agribiodrôme en chiffres (2020)
- 300 adhérents.
- 20 formations techniques suivies par 160 stagiaires.
- 12 groupes d'échanges de pratique, toutes filières confondues (gestion de la fertilité, biodynamie, couverts végétaux, légumes secs...).
- 38 collectivités et restaurations scolaires accompagnées en 2020-21 pour atteindre les objectifs de la loi Egalim.