Enquête
Gestion de l'eau en Drôme : la chambre régionale des comptes alerte

Dans son rapport sur la gestion quantitative de l'eau en période de changement climatique, publié le 17 juillet, la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes a ciblé le département de la Drôme.

Gestion de l'eau en Drôme : la chambre régionale des comptes alerte
« 22 % des eaux superficielles font l'objet de prélèvements excessifs », alerte la chambre régionale des comptes. ©AD26-CL

Le code de l’environnement reconnaissant à l’eau le statut de patrimoine commun de la nation, la Cour de comptes et les chambres régionales des comptes ont mené une enquête sur la gestion quantitative de l’eau en période de changement climatique. Ont ainsi été contrôlées les interventions de l’État, des collectivités locales et de leurs opérateurs au cours la période 2016-2022 sur six bassins hydrographiques en métropole.

En Auvergne-Rhône-Alpes, la chambre régionale des comptes (CRC) s’est penchée sur la gestion des trois schémas d’aménagement et de gestion des eaux (Sage) de la Drôme : celui du Bas Dauphiné Plaine de Valence porté par le Département de la Drôme, celui de Bièvre Liers Valloire porté par le Syndicat mixte isérois des rivières Rhône aval (Sirra) et celui de la rivière Drôme porté par le Syndicat mixte de la rivière Drôme et de ses affluents (SMRD). Le 17 juillet à la préfecture de la Drôme, le président de la CRC Auvergne-Rhône-Alpes, Bernard Lejeune, a présenté les conclusions de l'étude, laquelle a fait l'objet d'un rapport de 226 pages. Ce même jour, la Cour des comptes a délivré ses conclusions à l'échelle nationale (voir ci-dessous).

Des points à améliorer

Le département de la Drôme compte 13 109 km de cours d’eau dont les principaux sont du nord au sud : la Galaure, l’Isère, la Drôme, la Roubion, le Lez, l’Eygues, et l’Ouvèze. S'ajoutent onze masses d’eau souterraines, dont neuf de type alluvions (le long d’un cours d’eau) et deux de type molasses (roches sédimentaires dans lesquelles l’eau est stockée).

« La situation de la ressource en eau est préoccupante, constate la CRC. Les cours d’eau de surface et les eaux souterraines présentent un début de déséquilibre entre la disponibilité de la ressource et les prélèvements qui s’accentuent. Si les eaux souterraines paraissent moins menacées aujourd’hui, leur interaction avec les eaux superficielles en tension est encore mal connue. » Pour la CRC, les actions menées en matière de gestion quantitative de l'eau « n’apparaissent pas à la hauteur de l’enjeu du changement climatique ». La chambre régionale des comptes vise également « l'insuffisance de planification stratégique visant à réguler l’usage de l’eau ». Elle pointe aussi la « fragmentation » des contrôles entre plusieurs administrations avec des systèmes d’information ne permettant pas un « suivi consolidé correct ».

Dans l'attente de projets structurants

« Les perspectives à cinq ans ne sont pas bonnes. Les masses d'eau souterraines sont victimes de prélèvements excessifs à hauteur de 10 %. En dehors du Vercors, la situation est encore plus dégradée pour les eaux superficielles dont 22 % font aussi l'objet de prélèvements excessifs », alerte Bernard Lejeune. À ses côtés, la préfète de la Drôme assure que les contrôles sont nombreux (400). Par ailleurs, « je déplore de ne pas avoir sur mon bureau des projets structurants, que ce soient des retenues ou tous projets pertinents adaptés aux territoires, ajoute-t-elle en lançant un appel aux collectivités territoriales drômoises. Les territoires peinent à produire des projets. Pourtant nous sommes dans les starting-blocks pour les examiner en priorité avec la plus grande rapidité. »

À noter, sur le périmètre du Sage Bas Dauphiné Plaine de Valence, la chambre régionale des comptes note la mise en œuvre de plans d’action ciblant l’amélioration des rendements de l’irrigation et la modification des pratiques culturales. « Mais aucun bilan n’a encore été réalisé », constate-t-elle.

Christophe Ledoux

Prélèvements d'eau : + 18 % en Drôme
Selon la Banque nationale des prélèvements en eau, en 2020 pour le département de la Drôme, plus de 202 millions de m³ ont été prélevés à hauteur de 52 % dans les eaux souterraines et de 48 % dans les eaux superficielles. (Source : BNPE).

Prélèvements d'eau : + 18 % en Drôme

L’ensemble des prélèvements comptabilisés par la Banque nationale des prélèvements en eau (BNPE), hors énergie et eau turbinée, augmente de 18 % sur le département de la Drôme entre 2016 et 2020, constate la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes. L’alimentation en eau potable (AEP) est stable. Mais tous les autres usages augmentent. En valeur absolue, l’augmentation de 30,7 millions de m³ est due pour 48 % à l’irrigation, 33 % à l’alimentation des canaux et 20 % à l’industrie et aux activités économiques, ajoute-t-elle. Concernant l’irrigation, l’augmentation constatée est en partie due à des régularisations de déclarations qui n’ont pas pu être chiffrées. Les années de sécheresse 2017, 2019 et 2020 ont accru les besoins en eau de l’agriculture. Pour tous les usages, les prélèvements inférieurs à 10 000 m³, ou 7 000 m³ dans les zones de répartition des eaux, ne sont pas comptabilisés, ce qui exclut de la BNPE les forages à usage domestique. Ces éléments confirment le manque de fiabilité des données de la BNPE », estime la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes.

La Cour des comptes formule des recommandations

Dans son rapport sur l’amélioration de la gestion quantitative de l'eau en période de changement climatique publié le 17 juillet, la Cour des comptes estime qu’une « stratégie déterminée de réduction des prélèvements d’eau et d’utilisation raisonnée de la ressource est [la] seule susceptible d’apporter une solution de long terme ». Du point de vue de l’agriculture, le rapport considère que le financement partiel des réserves de substitution n'incite pas les agriculteurs « à réduire l’irrigation mais à valoriser ce qu'ils appellent des "droits de l’eau" en s’orientant vers des cultures à plus forte valeur ajoutée ». La Cour des comptes formule plusieurs recommandations : améliorer la connaissance de l’état de la ressource, simplifier la procédure d'élaboration des Sage, assurer la cohérence des politiques publiques, réduire les prélèvements d’eau et réformer les redevances, conditionner le financement public des infrastructures de sécurisation de l’irrigation agricole à des engagements pris par les bénéficiaires, notamment de réduction des consommations et des prélèvements…