TALENTS TECH&BIO
Partenariats locaux et filière ultra-courte, les choix de Loriane Mazard

Loriane Mazard, 25 ans, avicultrice à Eurre, fait partie des quatorze lauréats de l’édition 2021 des « Talents Tech&Bio de la performance durable ». Rencontre avec une jeune femme déterminée, qui a su mener à bien son projet d’installation en poules pondeuses bio avec vente en circuits courts.

Partenariats locaux et filière ultra-courte, les choix de Loriane Mazard
Après dix-huit mois sur l’exploitation, les poules de Loriane Mazard sont vendues à des particuliers et rejoindront des poulaillers familiaux. ©AD26 - S.S

Ils sont quatorze, de toute la France et dans toutes les filières (riziculture, maraîchage, arboriculture, grandes cultures, bovin lait, ovin, aviculture…) et sont les lauréats 2021 des « Talents Tech&Bio de la performance durable ». Parmi eux, une jeune avicultrice drômoise, Loriane Mazard, à la tête de la Ferme Horéa à Eurre. Loriane, aujourd’hui âgée de 25 ans, a démarré son activité il y a quatre ans. « Après un parcours de formation dans le domaine horticole, je m’étais orientée vers un stage reprise sur une exploitation maraichère, mais ce projet n’a pas abouti. J’avais de toute façon en tête, quelle que soit l’exploitation, d’élever des poules », confie la jeune femme. Une passion héritée de son père qui a toujours élevé des poules d’ornement. En 2017, elle décide de valoriser les trois hectares de prairies dont sont propriétaires ses parents en installant un premier poulailler mobile de 30 m² accueillant 180 poules. Ce modèle, dont le bardage et la toiture sont en panneaux sandwich isolants, est conçu par une entreprise du Tarn. Après deux années « test » en tant que cotisant de solidarité, elle récupère en 2019 quatre hectares supplémentaires de prairies et concrétise son installation en investissant dans quatre autres poulaillers mobiles [coût : environ 10 000 euros HT par poulailler]. 

Poulaillers autonomes en énergie

Ses cinq bâtiments sont aujourd’hui totalement autonomes en énergie. Ils disposent chacun de 0,5 m² de panneaux photovoltaïques. Ceux-ci permettent d’assurer l’éclairage pour la ponte en hiver, l’alimentation en eau - depuis une cuve de mille litres par bâtiment qui est réapprovisionnée tous les quinze jours - et enfin d’électrifier les parcs. Chaque bâtiment dispose en effet de 5 000 m² de parcours, répartis en quatre parcs, avec une rotation toutes les six semaines. 

180 poules sont accueillies par poulailler pour une durée de 18 mois. « J’achète des poulettes de 17 semaines auprès de Valsoleil. En parallèle, je fais également de la reproduction de Grises du Vercors en partenariat avec l’association qui a relancé la race. J’élève des jeunes poulettes pour d’autres collègues », explique Loriane Mazard. Elle participe ainsi à la démarche initiée depuis 2018 par l’association pour créer une Grise du Vercors « pro ». Objectif : améliorer par croisement avec une poule fermière lourde de race moderne les résultats techniques et économiques de la Grise du Vercors et permettre ainsi sa valorisation dans des élevages professionnels. « Je me suis prise de passion pour cette race, notamment parce que c’est une race de chez nous et je la trouve belle », confie la jeune éleveuse. 

Sécuriser les résultats

A terme, elle projette d’élever ses propres poulettes pour les œufs et de valoriser les mâles en volaille de chair. Dès le mois de novembre, elle démarrera une nouvelle bande dans l’un de ses bâtiments où, pour la première fois, elle va introduire un tiers de Grises du Vercors, soit 60 poulettes. « En 2020, mon système m’a permis d’atteindre un taux de ponte de 80 %. Pour l’instant je préfère sécuriser ces résultats avec l’achat de poulettes à l’extérieur. Mais je souhaite aussi tester les performances techniques des Grises du Vercors », justifie Loriane.

Pour l’alimentation, elle a opté pour l’association d’un mélange protéiné (45 % de la ration) de chez Cizeron Bio et de céréales (maïs, blé, fève, tournesol) qu’elle achète directement à des producteurs drômois et broie et mélange sur l’exploitation. « C’est important pour moi de créer des partenariats avec d’autres producteurs et d’être sur une filière ultra-courte », affirme l’éleveuse. D’ici quelques années, elle souhaiterait également pouvoir récupérer de nouvelles terres pour produire ses propres céréales. 

Sur l’exploitation elle dispose d’un centre de conditionnement agréé CE. La production est commercialisée en extra-frais (moins de neuf jours) sur le marché de Crest le samedi matin et un marché à la ferme à Beaumont-les-Valence chaque jeudi soir (50 % des volumes), au magasin de producteurs « A travers champs » à Loriol (35 %). Le reste se répartit entre Amap, épiceries, boulangeries et restaurateurs qui viennent chercher les produits directement sur la ferme. 

Quatre ans après le démarrage de son activité, la jeune femme est satisfaite de ses choix. Son installation a nécessité environ 70 000 euros d’investissements (poulaillers, salle de conditionnement, petit matériel et tracteur). Et elle se réjouit : « J’ai atteint les objectifs de mon prévisionnel DJA dès la première année et j’arrive à sortir un salaire de mon activité ». 

Sophie Sabot

Les points forts de l’exploitation de Loriane Mazard
Loriane Mazard est accompagnée techniquement par François Gaudin, conseiller à la chambre d’agriculture de la Drôme. ©AD26- S.S

Les points forts de l’exploitation de Loriane Mazard

« Le système d’exploitation de Loriane Mazard est bien calibré. Elle s’est installée sur une petite surface, avec des investissements assez réduits mais avec des effectifs qui lui permettent d’avoir son propre centre d’emballage d’œufs. Elle parvient ainsi à bien valoriser sa production en vente directe », décrit François Gaudin, conseiller volailles à la chambre d’agriculture de la Drôme. 

Il estime également que ce système est « plus simple à gérer en termes de charge mentale ». La production est bien maîtrisée mais sans qu’il y ait une pression énorme sur les résultats techniques. 

Autre atout du système : sa souplesse, avec des bâtiments faciles à déplacer, à modifier, un aliment en parti fabriqué sur l’exploitation… 

Enfin, le fait de gérer de petits effectifs sur cinq bâtiments différents permet de limiter la pression sanitaire. Ainsi Loriane Mazard peut travailler essentiellement en préventif avec des solutions alternatives. Une stratégie dont elle est aujourd’hui totalement satisfaite, à la fois en termes de résultats et de coût. 

S.S.

Poulaillers mobiles

Poulaillers mobiles

Après chaque bande, le poulailler est désinfecté sur place puis déplacé grâce à un kit sur roues qui permet de l’atteler derrière le tracteur. Un vide sanitaire de quatre semaines est respecté sur le nouvel emplacement avant l’arrivée d’un nouveau lot.

Qui sont les talents Tech&Bio ?

Lors de chaque édition, les organisateurs du Tech&Bio mettent à l'honneur des agriculteurs qui se démarquent par leur savoir-faire, leurs résultats technico-économiques et socio-environnementaux : ce sont les Talents Tech&Bio de la performance durable. 

Pour dénicher ces talents dans toute la France, les organisateurs s’appuient sur un ensemble de partenaires : le réseau des chambres d'agriculture, Coop de France, les interprofessions, les instituts techniques qui identifient ces Talents potentiels. Une fois les candidatures proposées, un diagnostic de ces exploitations est effectué par les étudiants et professeurs de licence professionnelle « Agriculture biologique, conseil et développement » de l’université Clermont Auvergne. Ce diagnostic est réalisé selon la méthode Idea (indicateurs de durabilité des exploitations agricoles). Celle-ci analyse et qualifie les pratiques agricoles et activités de l’exploitation au regard de ses impacts sur l’environnement, de sa contribution au développement socio-territorial et de sa performance économique globale. 

Pour faire connaissance avec les quatorze lauréats de l’édition 2021 du Tech&Bio, rendez-vous sur le site www.tech-n-bio.com, dans la rubrique les temps forts. Chaque exploitation y est présentée dans une vidéo de trois minutes. Les lauréats seront également présents à tour de rôle sur le stand « Osez la bio » et sur celui de la CNR, partenaire des Talents Tech&Bio.