Stratégie
Climat : « S’emparer du sujet pour ne pas subir »

La chambre d’agriculture de la Drôme lance un vaste projet en faveur de l’adaptation aux changements climatiques. Objectifs: identifier comment l’évolution du climat va impacter les productions drômoises et accompagner les agriculteurs vers de nouvelles productions et pratiques.

Climat : « S’emparer du sujet pour ne pas subir »
De g. à d. : Bruno Darnaud, Jean-Pierre Royannez, Thierry Mommée et Alice Bouton ont présenté le projet d’actions en faveur de l’adaptation au changement climatique mené par la chambre d’agriculture de la Drôme.

L’adaptation aux changements climatiques est au cœur du plan stratégique porté par la chambre d’agriculture de la Drôme à l’horizon 2025. Le 12 mars, le président Jean-Pierre Royannez et les élus du bureau en charge de ce dossier, Bruno Darnaud et Thierry Mommée [ainsi que Nathalie Gravier, absente ce jour-là] ont présenté leur feuille de route sur ce sujet. 

« Le changement climatique, nous le vivons, nous le voyons arriver, témoigne Thierry Mommée. C’est une réalité incontournable, nous en voyons les impacts avec des épisodes de gel sur des cultures trop précoces, des températures extrêmes, des effets sur la pollinisation, le pâturage, la nécessité d’engager une vaste réflexion sur l’irrigation, mais aussi sur la conception des bâtiments pour préserver les élevages de la chaleur... », énumère-t-il. Autant de défis que les agriculteurs drômois vont devoir relever. « Il y aura des changements de pratiques, souligne Bruno Darnaud. Il est nécessaire d’en tenir compte dans les projets agricoles et surtout d’anticiper. » 

Simuler le changement sur 25 sites en Drôme

Si la chambre d’agriculture travaille déjà de longue date sur ces questions*, il est temps pour son président « de passer le braquet supérieur ». En premier lieu, comprendre où l’on va. C’est le travail qui est en cours de réalisation grâce à l’outil ClimA-XXI (lire ci-dessous). Celui-ci va permettre, à partir des scenarii établis par le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), d’analyser les dynamiques agro-climatiques à l’échelle de la Drôme. L’analyse sera fine puisqu’elle portera sur onze zones géographiques du département et vingt-cinq sites d’études. Les simulations réalisées sur un horizon proche (2021-2050) et lointain (2071-2100) vont permettre d’identifier les impacts du changement de climat sur l’agriculture. Il sera alors possible de mesurer la faisabilité des productions existantes à moyen et long terme et d’identifier les productions nouvelles qui pourraient s’adapter dans ce contexte. 

Réunions sur le terrain

« Nous avons déjà testé ClimA-XXI sur trois zones. D’ici la fin du mois de juillet, les calculs seront effectifs pour les vingt-cinq sites d’études. Les conseillers vont expertiser ces résultats filière par filière pour en sortir des projections qui seront présentées aux agriculteurs lors de réunions sur le terrain à l’automne », détaille Alice Bouton, chef de projet climat à la chambre d’agriculture. Deux premières réunions se tiendront dès ce printemps suite aux premiers tests réalisés : le vendredi 26 mars (de 14 h à 17 h) à la salle communale de Vesc, sur la thématique fourrages et grandes cultures pour le territoire Bourdeaux-Dieulefit ; le mardi 13 avril (de 14 h à 17 h) à la ferme expérimentale de Mévouillon sur la thématique fourrages, plantes aromatiques et médicinales pour le territoire des Baronnies. 

Ces réunions vont permettre de restituer les résultats des simulations aux agriculteurs et d’échanger sur ce que chacun constate déjà à l’échelle de son exploitation.  « Nous avons un message à porter et aussi beaucoup à entendre. Mais il est certain que les éléments issus des simulations interpellent, avertit Jean-Pierre Royannez. Il faudra certainement oublier certaines choses en matière de production. » Bruno Darnaud se veut cependant rassurant : « D’après les résultats des scénarios, la Drôme ne sera pas le Sahara. On pourra davantage se comparer à ce qui se fait aujourd’hui chez nos voisins d’Espagne, de Grèce, avec certainement des cultures dont on n’a pas l’habitude ici. » D’où l’enjeu, insiste Thierry Mommée, de « s’emparer du sujet maintenant pour ne pas subir demain. » 

Une charte agricole « climat »

La chambre d’agriculture compte être moteur et mobiliser les forces vives drômoises sur ce sujet : établissements de coopération intercommunale, parcs naturels régionaux, département, services de l’État, mais aussi représentants des filières agricoles et de la forêt. Tous seront associés à la rédaction d’une charte agricole « climat ». Celle-ci rappellera les actions déjà entreprises sur le département et identifiera les objectifs à atteindre pour atténuer les effets du changement climatique et adapter les pratiques agricoles. 

« Nous savons que notre outil de simulation climatique intéresse les collectivités. Il leur apporte des éléments concrets pour mener des réflexions à l’échelle de leur territoire », précise Jean-Pierre Royannez. 

Un vaste chantier est donc lancé pour, rappellent les élus de la chambre d’agriculture, « pérenniser nos exploitations et assurer l’alimentation de nos concitoyens. » 

Sophie Sabot

* Par exemple avec les expérimentations sur le méteil lancées il y a plus de 20 ans ou plus récemment, les associations maïs-lablab. En viticulture la chambre d’agriculture participe à la recherche de nouveaux clones. Sans oublier des expérimentations en arboriculture sur la protection contre le gel ou les filets anti-insectes.

ClimA-XXI : outil de projection climatique

ClimA-XXI (climat et agriculture au XXIe siècle) est un outil de projection climatique pour appréhender les évolutions probables du climat. Développé par l’assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA) en partenariat avec l’école d’ingénieurs en agriculture UniLaSalle de Rouen, ClimA-XXI permet de calculer de nombreux indicateurs climatiques et agroclimatiques à partir des données de DRIAS (portail web qui met à disposition des données régionalisées selon les scénarii établis par le GIEC). Avec cet outil, il est possible d’identifier les contraintes climatiques qui s'imposeront à l’agriculture et d'analyser la faisabilité des productions agricoles. Construit à partir du modèle Aladin de Météo-France, ClimA-XXI offre une précision quasiment à l’échelle communale (maille de 8 kilomètres de côté).