La MSA, « amortisseur social et outil de solidarité »

Après la suppression du régime social des indépendants (RSI) puis de celui des étudiants, la question du devenir de la Mutualité sociale agricole (MSA) est dans toutes les têtes. L'institution dédiée au monde agricole sera-t-elle également fondue dans le régime général de sécurité sociale ? « Aujourd'hui, il n'y a pas de souhait des pouvoirs publics de remise en cause du régime agricole », a indiqué Henry Jouve, président de la MSA Ardèche-Drôme-Loire, face aux élus de la caisse réunis en assemblée générale le 10 avril à Châteauneuf-sur-Isère. Tout au long de son intervention, il a mis en avant les bons résultats de l'institution en matière de coût de gestion et de productivité. « Cela nous encourage dans notre légitimité d'acteur de référence sur les territoires ruraux », a-t-il souligné. Cependant, pour faire face à l'inexorable baisse du nombre de ses ressortissants non salariés agricoles, la MSA Ardèche-Drôme-Loire cherche à étendre son périmètre d'actions. Et les exigences de performances vont se poursuivre. « Nous avons atteint 79 % des objectifs de la COG1 2016-2020, a expliqué Dominique Gential, directeur général, en présentant le rapport d'activité de la caisse. Il nous reste trois ans pour aboutir en totalité. » Ce plan d'économie passe, notamment, par une réduction de la masse salariale et des réorganisations.
« Répondre à l'urgence »
Dans son discours, Henry Jouve a mis l'accent sur les difficultés traversées par le monde agricole. « Même si notre système est parfois décrié et trop souvent perçu comme étant seulement un collecteur de cotisations, il constitue un amortisseur social et un outil de solidarité », a-t-il tenu à rappeler. Diverses actions destinées à « répondre à l'urgence » ont été citées, notamment les 1 342 échéanciers de paiement de cotisations sociales accordés l'an dernier, ainsi que les 851 000 euros de prise en charge pour 780 exploitants des trois départements de la caisse. Mais aussi le dispositif « aide au répit » par lequel 215 exploitants agricoles en situation d'épuisement professionnel ont pu bénéficier de journées de remplacement. A également été mis en avant le « kit petites entreprises », un outil destiné à faciliter les démarches salariales auprès de la MSA. Par ailleurs, en complément des actions sociales et médicales de soutien aux éleveurs et bergers confrontés au loup, la MSA proposera un spectacle théâtral, « Entourloupe », le 28 avril au soir à Grignan. Ceci afin de prendre un temps de réflexion sur la problématique de la prédation.
DSN et nouveau Tesa
En matière de cotisations, ainsi que l'a expliqué Dominique Gential, deux évolutions majeures ont caractérisé 2017. S'agissant de la mise en place du régime de micro-bénéfice agricole (en remplacement du forfait), cela a concerné 38 % des exploitants. Quant au déploiement de la déclaration sociale nominative (DSN), elle a touché 2 500 employeurs l'an dernier (soit la moitié de l'effectif). « Le démarrage a été complexe pour tous, a-t-elle reconnu. Mais 2018 démarre sous de meilleures auspices. »
Un autre point important est désormais la mise en œuvre du Tesa2 électronique, entrant dans le système de la DSN. Afin d'épauler ses ressortissants employeurs de main-d'œuvre, la MSA a déployé une offre d'accompagnement. « 1 100 personnes ont participé aux 27 réunions organisées en mars, a précisé Henry Jouve. J'invite les entreprises qui n'ont pas encore basculé dans ce nouveau Tesa à ne pas attendre le dernier moment. » Un accompagnement téléphonique est d'ailleurs en place.
« Préserver le capital santé de chacun »
D'autres nouveautés ont ponctué l'année, notamment le site internet de la caisse, entièrement rénové, ou encore l'élargissement des horaires de la plateforme téléphonique, ainsi que le service de rappel. En matière d'offre de soins sur les territoires, Dominique Gential a évoqué la convention médicale 2016-2021. Des moyens sont prévus pour un accès aux soins sur l'ensemble du territoire, une prise en charge coordonnée des patients ou encore une prévention renforcée. La MSA s'est ainsi dotée d'un dispositif spécifique baptisé « Nouvel'air ». « Il s'agit de lutter contre les déserts médicaux, d'accompagner le "virage ambulatoire" et de cibler les territoires à risque, a-t-elle précisé. Par ses actions, la MSA souhaite préserver le capital santé de chacun. » Il en est de même avec le déploiement d'actions au plus près des besoins du terrain, comme la construction de Marpa3, le dispositif « Bulle d'air » qui offre du répit aux aidants familiaux... Et en ce qui concerne la santé et la sécurité au travail, « la MSA agit pour la prévention des risques professionnels en agriculture », a-t-elle ajouté.
Une activité mutualiste soutenue
En présentant le rapport mutualiste, Raymond Martel, premier vice-président de la MSA Ardèche-Drôme-Loire, a parlé d'une « activité soutenue » en 2017. Une enquête auprès d'un tiers des élus cantonaux de la caisse (soit tout de même 250 personnes) a d'ailleurs révélé le dynamisme et la motivation du réseau. « Les besoins sont nombreux sur le terrain et notre volonté est grande », a-t-il fait observer. Pour accompagner au mieux les 780 délégués cantonaux dans leur mandat, un guide d'animation 2018-2020 est disponible. « C'est un véritable outil pour promouvoir sur le terrain les actions de la MSA », a indiqué Raymond Martel. Les élus locaux restent le maillon essentiel entre les adhérents et les responsables de la caisse, ce sont des acteurs de cohésion. »
En conclusion de son intervention, Henry Jouve a dit : « Nous faisons preuve d'innovation sociale sur les territoires ruraux ». Par ailleurs, évoquant la majoration des petites retraites agricoles à hauteur de 75 % du Smic, il a regretté la remise en cause, dernièrement au Sénat, d'une nouvelle revalorisation. Une nouvelle échéance est toutefois annoncé pour 2020.
Christophe Ledoux
(1) COG : convention d'objectifs et de gestion entre l'Etat et la MSA.
(2) Tesa : titre emploi simplifié agricole.
(3) Marpa : maison d'accueil rural pour les personnes âgées.
Pascal Cormery / Président de la Caisse centrale de MSA, Pascal Cormery est intervenu à l'assemblée générale de la MSA Ardèche-Drôme-Loire. Il est polyculteur-éleveur de porcs et de bovins viande en Gaec en Indre-et-Loire.
« Faire valoir notre rôle d'ancrage sur les territoires et rester performants »

Pour y répondre, Pascal Cormery a évoqué les aides attribuées par la MSA ainsi que les allègements de cotisations sociales. Il espère aussi qu'un équilibre de prix entre producteurs et distributeurs sera trouvé suite aux Etats généraux de l'alimentation. Mais aussi fait part d'une réflexion sur l'amélioration de la production grâce aux progrès technologiques. Par ailleurs, il a pointé les charges de mécanisation, « supérieures en France de 200 à 300 euros par rapport à d'autres pays européens. Il faut que l'on balaye aussi devant notre porte pour diminuer nos coûts de production. » Ainsi, a-t-il préconisé de « revenir à une agriculture où le collectif joue un rôle important ». Evoquant la fiscalité agricole, « notre objectif est de pouvoir lisser les revenus pour faire face aux fluctuations », a-t-il dit. Enfin, il a dénoncé les distorsions de concurrence dont souffrent les producteurs agricoles français.Réformes sociales : des doutes
Faisant part des diverses réformes sociales, Pascal Cormery s'est montré circonspect en ce qui concerne l'extension de le couverture chômage aux non-salariés agricoles. « On ne pourra pas avoir de prestations nouvelles si, en face, on n'a pas de cotisation », a-t-il fait observer. Même circonspection à propos de la réforme du congés maternité souhaitée par le gouvernement. « Aujourd'hui, 60 à 65 % des exploitantes en bénéficient sous forme de journées de services de remplacement. Ce qui permet de prendre des temps de repos. » Dans des moments économiques difficiles, le président de la CCMSA redoute une impasse sur le remplacement. « Ce qui serait préjudiciable en matière de santé », a-t-il estimé.« Notre régime est atypique »
Après s'être excusé pour l'erreur commise dans le versement des pensions de plus de 250 000 agriculteurs retraités l'an dernier, le président de la CCMSA a fait le point sur la revalorisation des petites retraites. « Les promesses de solidarité nationale sous François Hollande se sont transformées en solidarité des actifs, a-t-il regretté. S'il doit y avoir une nouvelle revalorisation, il est nécessaire que l'Etat s'engage. »
D'autres points ont été évoqués par Pascal Cormery, comme le devenir de l'exonération TO/DE*, le nouveau Tesa, l'obligation de dématérialisation des démarches... En conclusion, il a de nouveau mis l'accent sur le devenir du régime social agricole. « Que sera la MSA en 2020-2025 ? Rien n'est écrit à ce jour, a-t-il assuré, renvoyant à la prochaine assemblée générale de la CCMSA. Mais nous avons l'obligation de présenter des objectifs au gouvernement et également faire valoir notre rôle d'ancrage sur les territoires et rester performants. Notre régime est atypique. »
C. Ledoux* TO/DE : travailleur occasionnel / demandeur d'emploi.
MSA Ardèche-Drôme-Loire /
Chiffres clés en 2017
180 400 adhérents
107 400 salariés.
73 000 non salariés.
Prestations santé
94 890 assurés maladie.
Actifs et entreprises
14 900 exploitants agricoles.
5 800 employeurs.
21 100 salariés (équivalents temps plein).
53 240 travailleurs occasionnels.
Prestations familiales
15 170 familles bénéficiaires.
16 610 enfants de moins de 21 ans.
Prestations retraite
113 600 retraités dont 66 130 anciens salariés et 47 470 anciens non-salariés.
Cotisations encaissées
246,5 millions d'euros.
Répartition : 75 % entre les salariés, 25 % entre les non-salariés.
Prestations versées
576,3 millions d'euros.
Répartition : 39 % entre les salariés, 61 % entre les non-salariés.
Ressources humaines de la caisse
434 salariés.
780 délégués cantonaux.
30 administrateurs.
Dépenses de gestion
33,4 millions d'euros.