Les aviculteurs craignent des « ruptures de production »

Lors de leur assemblée générale à Paris le 12 octobre, les éleveurs de la Confédération française de l’aviculture (CFA) ont exprimé leurs inquiétudes sur l’avenir de leur profession. 

Les aviculteurs craignent des « ruptures de production »
Illustration CFA Marc Fesneau CS Actuagri

 « On se prend de plein fouet la hausse de l’aliment, celle des assurances, celle de l’énergie et celle de main d’œuvre, sans compter la grippe aviaire », se désole Jean-Pierre Nallet, éleveur de poules pondeuses en Isère. « Sans réaction rapide des pouvoirs publics, on ira dans le mur », ajoute-t-il, regrettant que tous ces surcoûts ne se répercutent en bout de chaîne.

« L’inflation alimentaire atteint +14,7 % sur la volaille et sur un an entre juillet 2021 et juillet 2022 », assure d’ailleurs Simon Fourdin, directeur du pôle Économie de l’Institut technique avicole (Itavi – lire encadré). Le son de cloche est d’ailleurs identique au sein de la Fédération des industries avicoles qui aimeraient que les matières premières industrielles soient aussi prises en compte dans le prix du produit vendu au consommateur. « La situation devient instable et intenable », souffle son président Paul Lopez, inquiet de voir le coût de l’énergie « dépasser celui de la main d’œuvre ».  Tant et si bien qu’« on a un risque réel cet hiver que des éleveurs arrêtent de produire », avertit Jean-Michel Schaeffer, président de la CFA.

Parlant d’année 2022 « inédite sur le plan sanitaire et économique », il annonce que des producteurs réfléchissent sérieusement à réduire leurs mises en bande « afin de réduire le risque ». Le fait que la grippe aviaire n’ait pas laissé de répit cette année aux éleveurs les « Ils sont traumatisés économiquement et psychologiquement », remarque Joël Limouzin, membre du bureau de la FNSEA. Comme Jean-Michel Schaeffer, il salue l’action de l’État pour la gestion de cette crise.

Directive IED 

Pour limiter l’impact du coût de l’énergie dont les prix ont été multipliés par trois, par quatre voire par dix et par vingt, le président de la CFA demande au ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, de pouvoir émarger aux aides françaises et européennes, au même titre que les autres entreprises. Ce dernier répond qu’il espère que le Conseil européen prévu le 21 octobre parviendra à décorréler le prix du gaz de celui de l’électricité et qu’il parviendra aussi à faire modifier les critères d’éligibilité que sont les années de référence et le chiffre d’affaires notamment. Sur ce dernier « une notification a été envoyée à Bruxelles », certifie-t-il ayant « bon espoir d’aboutir ».

Interpelé sur la directive IED sur les émissions industrielles qui entend placer l’élevage français au même rang que les usines à charbon, Marc Fesneau assure que « ça ne nous convient pas du tout (…) l’objectif est de rassembler des alliés pour amener la Commission européenne à réfléchir ». Et aussi à fléchir.

Quant au vaccin contre la grippe aviaire « qui doit venir en complément de la biosécurité des élevages », demande Jean-Michel Schaeffer, « les premiers essais semblent prometteurs », confirme Marc Fesneau. Il est aujourd’hui expérimenté aux Pays-Bas sur le poulet, en France sur le canard et en Italie sur la dinde. « Il faudra attendre l’analyse de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) et s’il est qualifié au plan européen, éviter d’obérer nos exportations », souligne le ministre. Car les volailles vaccinées ne sont pas acceptées dans toutes les assiettes. 

Christophe Soulard (Actuagri)

Volailles : une consommation en hausse

Selon Simon Fourdin (Itavi), la part des volailles dans la consommation de viande en France a progressé ces vingt dernières années. Elle est ainsi passée de 25,5 % en 2001, à 27,9 % en 2011 puis à 33,1 % en 2021. Elle vient notamment compenser la baisse de la viande bovine qui a perdu 3,2 % de parts de marché entre 2011 (29,5 %) et 2021 (26,3 %). Cette tendance se retrouve aussi au plan mondial avec une production en augmentation pour répondre à une demande croissante.

La production de volailles de l’ordre de 40 millions de tonnes (Mt) en 1990 atteint aujourd’hui près de 140 Mt, devant la viande bovine (110 Mt) et le porc (70 Mt). Surtout, les importations progressent plus vite que la production, un phénomène qui pourrait s’accélérer. En effet « les Français ont l’intention de faire évoluer leurs comportements d’achat dans les semaines à venir en raison de la hausse de l’inflation », assure Simon Fourdin. Et se rabattre sur la volaille, une viande financièrement accessible. Mais une volaille d’importation.