Conférence
Compétitivité de l’agriculture française : le point après deux années de crise

Pour parler compétitivité, inflation, défi alimentaire et productivité de l’agriculture française après deux années de crise, le Crédit Agricole Sud Rhône Alpes a accueilli Vincent Chatellier, économiste à l’Inrae.

Compétitivité de l’agriculture française : le point après deux années de crise
Autour du président et du directeur général du Crédit Agricole Sud Rhône Alpes, Jean-Pierre Gaillard et Pierre Fort, les intervenants et les responsables des Rencontres de l’Agriculture, le 8 novembre à Valence. ©plb

Le 8 novembre à Valence, plus de 180 personnes, administrateurs, agriculteurs, industriels de l’agroalimentaire sont venus écouter Vincent Chatellier, ingénieur de recherche et économiste à l’Inrae depuis une trentaine d’années. Il faut dire que le sujet de son intervention - la compétitivité de l’agriculture française après deux années de crise - est très actuel. « On a tous le sentiment que l’agriculture a été maltraitée depuis quinze ans mais l’agriculture française est résiliente face à la volatilité des prix, a déclaré Vincent Chatellier. Elle est actrice du défi alimentaire, productrice et diversifiée, bien insérée dans le commerce mondial. Nous avons la chance d’avoir de puissantes exploitations performantes. »
S’agissant de la hausse des prix des denrées alimentaires et des céréales dans le monde, et du problème de la guerre en Ukraine qui en serait la cause principale, le conférencier a avancé plusieurs facteurs qui, selon lui, ne sont pas pris en compte dans la plupart des médias. Il a tenu à rétablir quelques vérités. « Les raisons de cette variation des prix ne sont pas liées à la guerre en Ukraine mais au prix de l’énergie, au niveau des stocks, aux taux de change, à la spéculation, à la météo, aux restrictions commerciales et à la progression non régulière de la demande. La spéculation entraînée par la Chine a joué un rôle conséquent dans la variation des prix. »

« Vendre mieux nos céréales »

Vincent Chatellier s’est montré volontiers optimiste quant à l’avenir de notre agriculture qui possède de nombreux atouts pour affronter les défis mondiaux et européens. « L’inflation en France est plus faible que chez nos voisins européens, a-t-il fait remarquer. C’est une chance et une opportunité pour notre agriculture qui est la plus puissante en Europe. » Dans son exposé, il s’est montré confiant sur la croissance de la consommation dans le monde. Une croissance bien réelle en ce qui concerne la viande, les céréales et les produits laitiers, notamment en Asie et en Amérique du Nord où l’on constate une forte hausse de la consommation de viandes (volaille, porc, bovine et ovine) de 2000 à 2020 et dans une perspective de 2030. Sur le territoire français, chose surprenante, est observé le même phénomène compte tenu de la hausse de la consommation de viande de poulet (snacking). Quant aux céréales, la production française ne devrait pas augmenter dans le futur car les rendements n’augmentent pas : « Ce qui est plus grave, a ajouté le conférencier, c’est la perte du foncier sur notre territoire. Notre défi, dans le futur, sera de vendre mieux nos céréales. »

Trois indicateurs clés

Les excédents agricoles dans l’Union européenne (UE) des 27 États membres progressent. Entre 2000 et 2021, ils sont passés de 20 à 46 milliards d’euros. Et la France affiche un solde agroalimentaire de 2,9 milliards en 2021 dans l’UE à 27. Vincent Chatellier a ensuite insisté sur les facteurs de développement de l’agriculture française citant trois indicateurs clés de la performance économique future des exploitations agricoles : la productivité du travail, l’efficience productive et la capacité à faire face à la dette. « Notre agriculture est de plus en plus complexe, avec une multitude de formes sur notre territoire national, et le nombre d’exploitations baisse considérablement, a-t-il noté. On remarque une hétérogénéité de la performance économique. » Face à un tel constat, « il faut des investissements centrés sur la création de valeur, un sens de l’opportunisme et/ou une capacité à se réinventer, une anticipation des facteurs de risques, un collectif de travail cohérent et soudé autour d’un projet partagé et une installation dans des conditions favorables (financement) ».
En conclusion, Vincent Chatellier a avancé plusieurs pistes de réflexion : assurer le renouvellement des générations ; concilier production agricole, productivité et performances environnementales ; encourager les investissements structurants et générateurs de valeur ajoutée ; et prendre part dans l’internationalisation des marchés agricoles.

Pierre-Louis Berger

Pour les consommateurs,  « le prix reste la clé d’entrée »
« En contractualisant avec la grande distribution, nous sommes attentifs au suivi de la qualité », assure Serge Figues, producteur de fruits et légumes à Ville-sous-Anjou. ©plb

Pour les consommateurs, « le prix reste la clé d’entrée »

Trois tables rondes ont clôturé ces rencontres qui portaient sur les conditions d’accès au métier d’agriculteur, les attentes sociétales et les réussites pour positiver sur le présent et le futur afin d’attirer les talents. « Le consommateur veut du service, du bio, de la transparence... Mais dans son caddie, il n’y a que des produits courants. C’est tout le paradoxe du consommateur pour qui le prix reste la clé d’entrée », constate Frédéric Manent, gérant d’une grande surface E. Leclerc en Ardèche, à propos des attentes sociétales. Il ajoute :  « Nous avons mis en place un contrat privilégié avec les producteurs et nous sommes passés de 70 à 110 producteurs locaux. »
« On est entré dans la grande distribution en 1989, chez Carrefour, a témoigné Serge Figuet (SCEA la Coccinelle), producteur de fruits et légumes (fraises, pommes et tomates) sur 150 ha (dont 50 convertis en bio) à Ville-sous-Anjou (38). En contractualisant avec la grande distribution, nous sommes attentifs au suivi de la qualité, assure-t-il. Nous avons formé un jeune non issu du monde agricole en l’installant avec nous. Il gère aujourd’hui le verger de pommes. »