Agricultrices
Croquantes : combattre l’invisibilité sur grand écran

Sorti début octobre, « Croquantes » est un film documentaire d’Isabelle Mandin et Tesslye Lopez qui suit l’aventure collective d’agricultrices échangeant sur la faible reconnaissance de leur travail, les difficultés de leur quotidien mêlant sans arrêt leurs univers professionnel et personnel. Trois projections sont prévues en Drôme.

Croquantes : combattre l’invisibilité sur grand écran
Croquantes, un titre en référence aux révoltes paysannes des Croquants, parties du sud-ouest au XVIe siècle, est un film par des femmes, sur des femmes et la place qu’on leur reconnaît en agriculture.

«Sans le groupe de parole, je ne serais très certainement plus agricultrice aujourd’hui et je ne suis pas la seule dans ce cas ! » C’est dire pour Gwenaëlle Falchi, l’une des dix agricultrices de Loire-Atlantique que l’on découvre dans le film Croquantes, l’importance de ce collectif qui se réunit chaque mois. Un groupe né en 2013, du besoin de deux agricultrices de là-bas de se retrouver, de se former, de s’épauler, de s’écouter, car elles s’étaient toutes deux aperçues qu’elles partageaient les mêmes difficultés. Dans leur travail d’agricultrice, dans leur quotidien de femme, dans « leur invisibilité ». Elles se sont dit qu’elles ne devaient pas être les seules et elles ont deviné juste. Depuis, le groupe évolue en permanence en fonction des départs et des arrivées mais il continue plus que jamais de vivre. « Il nous booste car il nous permet d’être plus formées et plus fortes. »

Interpellées par la mise en retrait

Un collectif de femmes que les deux réalisatrices voulaient suivre après avoir réalisé un premier film de commande concernant l’agriculture en général. « Nous filmions dans des Gaec et nous avions alors été surprises par la mise en retrait des femmes, volontaire ou subie de la part de leur mari, père ou fils, dès lors qu’il s’agissait de prendre la parole », relate Isabelle Mandin, l’une des deux réalisatrices. Avec Tesslye Lopez, elles se sont donc mises en quête d’un groupe de parole « montrant l’importance du collectif pour ces femmes, l’entraide, l’intelligence collective, la co-résolution des problèmes », expliquent-elles. Et ce, aussi bien dans leur quotidien de femmes que pour une problématique de soudure ou de tracteur !

« Une démarche de cinéma direct »

Les deux réalisatrices ont suivi le groupe de février 2019 à juin 2022 « sans scénario pré-écrit, insiste l’animatrice du groupe de parole de l’époque Émilie Serpossian. C’est une démarche de cinéma direct, avec une trame qui s’écrit au fur et à mesure ». Les prises de vues étaient aussi bien dans les réunions de groupe que dans chacune des fermes. « Le personnage principal est le collectif et nous avons voulu montrer comment chacune d’elles, dans la solitude de sa ferme et de son travail quotidien, interagit sur ce groupe ». « Elles étaient extrêmement discrètes, elles nous filmaient sans qu’on s’en rende compte », souligne aujourd’hui Gwenaëlle.

Chacune son film…

Aussi, l’étape de la découverte du film n’a pas été une mince affaire pour les agricultrices : « c’était très intimidant de se voir à l’écran, explique l’agricultrice des bords du lac de Grand-Lieu. Chacune de nous s’était fait un film dans sa tête » … qui ne correspond bien évidemment pas à ce qu’il est finalement « mais c’est un très beau film, avec des images magnifiques, un film qui reflète très bien ce qu’est notre groupe, le collectif, le partage, la sororité ». Lors du tout premier visionnage, Gwenaëlle se souvient aujourd’hui en souriant qu’elle était chagrinée car « on ne nous voyait pas assez travailler. Mais en fait, on ne parle que du travail ! », reconnaît-elle rassurée.

Tournée nationale

Ce fut « une très belle aventure » pour ces agricultrices. Une aventure qui se poursuit aujourd’hui avec la deuxième étape de vie du film : toute une tournée de projection est prévue jusqu’à l’été prochain. Beaucoup de dates sont programmées. Pour l’instant, « l’accueil est très bon et il y a beaucoup de bienveillance », confient les réalisatrices.
Sur toutes ces questions de la place des agricultrices dans l’agriculture, « la société évolue… mais doucement », souligne Gwenaëlle. Le film est donc tout autant là pour donner un coup de booster à ces prises de conscience que « pour susciter l’envie chez d’autres femmes de créer des collectifs ».
Françoise Thomas

21, 22 et 23 novembre : projection du film Croquantes

La MSA Ardèche-Drôme-Loire et la chambre d’agriculture de la Drôme organisent une soirée sur l’évolution de la place des femmes en agriculture avec un focus sur l’installation d’une jeune femme et la diffusion du film « Croquantes »  lundi 21 novembre à 18 h 30 à la salle des fêtes de Taulignan. Deux autres projections sont programmées en Drôme : le 22 novembre à 20 h 30 à l’Espace culturel de Chabeuil (soirée organisée par le Civam, Culture Ciné et La Fol) et le 23 novembre à 20 h à l’Espace culturel de la Halle à Dieulefit en présence de l’équipe du film (soirée organisée par la Confédération paysanne).