ARTISANAT
La laine, fil conducteur de la décoration tendance

Depuis 2019, le programme « Oh my laine ! » porté par l’association Lainamac (laines et fibres textiles naturelles du Massif central) valorise et encourage les entreprises de la filière laine qui créent des produits finis dans l’univers de la décoration. Découverte d’une initiative essentielle pour redynamiser une filière qui en a bien besoin. 

La laine, fil conducteur de la décoration tendance
Pour être filée, la laine doit d’abord être cardée puis peignée ou non, selon sa destination finale. ©SC

L’association Lainamac structure, développe et promeut la laine dans ses dimensions à la fois économique, agricole et touristique. Implantée à Felletin, dans le Sud du département de la Creuse, elle s’inscrit au cœur de la communauté professionnelle multiséculaire du tapis et de la tapisserie d’Aubusson. Attachée à promouvoir des entreprises engagées dans la filière laine, l’association est constituée d’un vivier d’entreprises historiques, une communauté professionnelle dont certains savoir-faire figurent depuis 2019 au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco. Les produits du tapis et de la tapisserie d’Aubusson sont par ailleurs protégés depuis 2019 par un label d’État : l’indication géographique. 

Mettre en lumière les acteurs de la filière

Fruits de la tradition locale du travail de la laine, les entreprises du réseau sont expertes dans la diversité de ces métiers : élevage, tonte, tri, lavage, literie, matelasserie, filature, teinture, tricotage, tissage, feutrage, tuftage, moquette, tapisserie ou encore restauration textile. « Lainamac œuvre pour la sauvegarde de la laine et de ses savoir-faire artisanaux à travers la transmission, le partage et l’échange afin de conserver la diversité des matières. Son objectif est également de mettre en lumière les acteurs de la filière laine, leur permettant ainsi d’atteindre un haut niveau de compétence pour constituer une filière laine vivante, responsable, au cœur des enjeux de demain, de la relocalisation de la fabrication française à la préservation des milieux naturels », résume Géraldine Cauchy, directrice de Lainamac. Historiquement liée au secteur de la décoration, la filière laine continue de tisser sa toile dans cette direction.

Showroom à Paris

Dans cette perspective, depuis trois ans, Lainamac a initié le programme « Oh my laine ! ». Chaque édition rassemble une dizaine d’entreprises issues du secteur de la décoration d’intérieur et du fait main au sein d’un showroom éphémère à Paris à l’occasion de la Paris design week organisée en septembre en présentiel et sous forme virtuelle. Ces artisans-créateurs façonnent la laine, réinterprètent le feutre, la maille, la tapisserie d’Aubusson, le tissé, le tuft ou le piqué, dans le respect des valeurs qu’elles partagent et avec une ambition : choisir et travailler les matières premières naturelles avec soin, dès leur source, et les sublimer afin de redonner à la nature sa place au sein de nos habitats. Céline Camilleri cultive cet esprit dans son atelier de Blot-l’Eglise dans le Puy-de-Dôme. Les collections de textiles tissés mettent en avant plusieurs races ovines françaises. « En fonction des saisons et des provenances, les tonalités des laines changent et présentent un panel de couleurs chaudes, non teintées, toujours profondes et étonnantes. Tout le processus de transformation de la laine est réalisé sur le territoire, une région riche en savoir-faire lainiers portés par les agriculteurs et artisans du secteur », raconte la jeune femme. 

Le showroom parisien organisé dans le quartier du Marais constitue chaque année un formidable étendard du savoir-faire lainier français. © SC

Détecter les créateurs talentueux 

Un peu plus à l’Ouest, au cœur du berceau des tapissiers limousins, Jenny Braeckman façonne lentement la laine de mouton avec de l’eau, du savon et un savoir-faire maitrisé. Son bagage créatif rassemblant les études d’arts plastiques, d’arts appliqués et d’histoire de l’art la mène à se passionner pour la laine et à se former plusieurs années auprès de feutrières de renom au sein du Centre de formation Lainamac, dans la Creuse, hébergé au sein du lycée des métiers du bâtiment. En 2019, cinq ans après sa rencontre avec le feutre et à la suite d’un travail personnel persévérant, elle crée son atelier Mö Créations feutrées. Elle expose régulièrement dans des boutiques, des galeries et des marchés d’artisanat d’art et a participé au Salon international du patrimoine culturel au carrousel du Louvre sous le pavillon Nouvelle-Aquitaine en septembre 2021. Des profils de créateurs talentueux comme celui de Jenny, le centre de formation de Lainamac en détecte régulièrement. Le centre propose un programme de formation sur l’artisanat et les métiers d’art, structurés autour de neuf spécialisations, dont trois peuvent être récompensées par un certificat.

Sophie Chatenet 

Augmenter la part de laine transformée en France

La France produit environ 14 000 tonnes de laine brute provenant de la tonte sanitaire annuelle obligatoire des moutons quelle que soit leur race. 80% de cette matière première est actuellement exportée vers la Chine. Autant dire qu’il existe un sérieux défi de réappropriation de cette ressource. C’est l’une des ambitions du collectif Tricolor, association interprofessionnelle dont l’objectif est d’accroître de 4 à 24 % la part de laine produite et transformée en France d’ici 2024. 

Retour en grâce d’une matière première ancestrale
A la tête de l’entreprise La Tapisserie dans le Puy-de-Dôme, Céline Camileri réalise notamment des tapis tissés à plat. © SC

Retour en grâce d’une matière première ancestrale

A l’occasion de l’opération « Oh my laine ! », la laine a également été mise en avant en tant que matière première dans le cadre du projet Lanathèque-Recherche porté par Lainamac sur la création de fils et matières innovantes à partir d'approvisionnements en fils 100 % tracés provenant de laines de la Creuse. « Un espace du showroom a été consacré à la présentation de notre travail de recherche autour de nouveaux fils développés en partenariat avec les filatures creusoises pour donner envie aux professionnels, notamment aux marques françaises, de se réapproprier cette matière noble qu'est la laine », explique Géraldine Cauchy. Pour cela, des fils à l’approvisionnement tracé ont été développés en partenariat avec les filatures de la Creuse. Ces fils ont représenté le point de départ des recherches textiles présentées par la designer Audrey Bigouin. 
Au sein de la société Blanchard Tech & Yarns, spécialiste de l’assemblage de fils, a été mené un travail de recherche autour des assemblages et des croisements de matières. Créée en 1920, cette société se diversifie dans la fabrication de fils métalliques utilisant des métaux précieux à destination des marchés de la dorure. Elle élargit à partir des années 1960 son activité à la production de fils guipés, retordus et fantaisie à destination des marchés de l’habillement et de l’ameublement. Blanchard Tech & Yarns développe également depuis 1990 des fils techniques, conçus pour des applications industrielles. 

S. C.