Gel : activer toutes les mesures possibles
Près d’une centaine de personnes, arboriculteurs et représentants des structures de mise en marché, ont participé à la réunion organisée par la FDSEA et Jeunes agriculteurs Drôme à Loriol le 12 mai. Au programme : le point sur les dispositifs d’aides suite au gel du 7 au 8 avril.

Après le gel exceptionnel qui a ravagé les productions fruitières et viticoles partout en France et particulièrement en Drôme, plusieurs dispositifs d’aides ont été annoncés. Un mois après, où en est-on ? Les responsables de la section fruits de la FDSEA de la Drôme ont apporté une information complète aux arboriculteurs lors d’une réunion le 12 mai devant les locaux de Lorifruit à Loriol. « Le gouvernement a été bon en communication il y a un mois avec l’annonce d’un milliard d’euros d’aides. Mais dans la réalité, c’est un peu plus compliqué que ça », a lancé Régis Aubenas, président de la section fruits, devant une centaine de producteurs et metteurs en marché. Point par point, il a détaillé les mesures qui pourraient être accessibles.
Calamités agricoles
« Le premier étage de la fusée, c’est le régime des calamités agricoles. Les missions d’enquêtes sont en cours [lire L’Agriculture Drômoise du 13 mai] », a-t-il précisé. Dans un premier temps, elles concernent les fruits à noyaux et les poires, dont les dégâts sont d’ores et déjà quantifiables. Les autres cultures seront examinées dans un second temps. Ce qui semble aujourd’hui acquis suite aux annonces du Premier ministre, c’est que le taux d’indemnisation grimpera à 40 % du montant des pertes (évaluées à partir des barèmes départementaux), contre 20 à 35 % habituellement. Régis Aubenas a rappelé qu’il ne serait pas possible d’aller au delà de ces 40 %. « L’État français s’est lui même plombé en 2015 en notifiant à l’Union Européenne qu’il n’irait jamais au delà de 40 % d’indemnisation alors que les textes européens permettaient 80 % », a-t-il expliqué. Dans ce contexte, la seule marge de manœuvre pour augmenter l’indemnisation aux producteurs, c’est d’obtenir la prise en compte des frais engagés par les producteurs sur leurs vergers gelés. En résumé d’obtenir que les frais correspondant à la récolte, normalement déduits de l’indemnisation des calamités, ne le soient pas. Une autre piste semble se dessiner : celle de l’âge d’entrée en production des vergers. « Aujourd’hui en abricotiers, pour la Drôme, la DDT prend en compte à partir de la cinquième feuille. Or à la quatrième, le verger est déjà productif », a souligné le responsable syndical, avant de promettre : « Nous irons chercher tout ce que nous pouvons pour améliorer le régime des calamités ».
Près d'une centaine de producteurs et représentants des metteurs en marché ont suivi cette réunion d'information sur les dispositifs mis en place suite au gel.
Aide d’urgence
Parmi les autres dispositifs attendus : l’aide d’urgence annoncée par le Premier ministre pour les exploitations les plus en difficulté. L’enveloppe disponible pour la Drôme est de 735 000 euros. Au niveau régional, les critères d’attribution de cette aide ont été déterminés : au maximum 5 000 euros par exploitation, attribués en priorité à ceux qui ont cumulé plusieurs sinistres ces dernières années et aux récents installés. Ce sont les DDT qui géreront l’instruction des dossiers. Pour l’instant, cette aide est annoncée pour juin. Régis Aubenas reste cependant prudent, d’abord, parce que l’enveloppe « ne permettra pas d’aller bien loin » [moins de 150 dossiers, NDLR]. Ensuite, parce qu’il n’est pas encore précisé si cette aide sera prise en compte dans le calcul des minimis [lire ci-dessous]. « Les exploitations qui pourraient être concernées sont déjà bien souvent au taquet des minimis », a-t-il signalé.
Autre aide qui pourrait arriver rapidement sur les exploitations : celle de la Région. Une enveloppe régionale de 15 millions d’euros a été votée pour venir directement soutenir les arboriculteurs et viticulteurs. « On serait sur une aide à l’hectare, avec un maximum de 2 500 euros par exploitation. Le dossier pourrait être ouvert en juin-juillet mais attention cette aide entrerait aussi dans le calcul des minimis », a averti Régis Aubenas. Il invite les producteurs à se tourner par ailleurs vers le dispositif d’avance à la trésorerie de la Région (dispositif « Région Unie »), remboursable avec un différé de deux ans, à taux zéro et sans frais de dossier.
Régis Aubenas a également relayé lors de la réunion de Loriol le message de Jean-Pierre Royannez, président de la chambre d’agriculture de la Drôme, en direction des collectivités : « Attention à ce que les interventions de chacune n’aillent pas sur des dispositifs qui seront soumis aux contraintes des minimis. Regardons ensemble où chaque euros mis sera efficace pour l’agriculteur ».
Volet social
« On nous a annoncé une année blanche pour les cotisations sociales. Pour le moment cela veut dire une prise en charge à hauteur de 3 800 euros par exploitant, à multiplier par le nombre d’associés », a rappelé le responsable de la section fruits. Il a invité les producteurs à faire leur demande au plus vite car l’enveloppe drômoise est déjà déterminée. « Cela permettra de négocier une enveloppe supplémentaire si besoin.» A noter, au delà de cette prise en charge [qui entre aussi dans le calcul des minimis], il est possible de demander à la MSA un plan de paiement échelonné (PPE) des cotisations.
Pour alléger les charges liées aux salariés en CDI ou en CDD « structurels », les arboriculteurs peuvent se tourner vers le dispositif d’activité partielle pour événement climatique. Pour cela, chaque entreprise doit créer son compte sur le site activitepartielle.emploi.gouv.fr (choisir le motif : (sinistre, intempéries à caractère exceptionnel). Marc Fauriel, membre de la section fruits de la FDSEA, a cependant attiré l’attention des producteurs : des changements risquent d’intervenir sur ce dispositif dans les prochaines semaines. Pour l’instant, l’activité partielle est indemnisée au salarié à la même hauteur que celle des mesures exceptionnelles Covid, soit 70 % du salaire brut par heure chômée (soit environ 84 % du salaire net horaire) et avec un minimum de 8,11 euros net par heure. L’employeur perçoit une aide de l’Etat à hauteur de 60 % du salaire brut. Mais cette aide pourrait être revue à la baisse dès le 1er juin prochain. D’où l’insistance de la profession agricole de voire prolonger ce dispositif exceptionnel au titre du gel, tout comme d’autres secteurs d’activité en ont bénéficié durant la crise sanitaire.
Grégory Chardon, de la section fruits de la FDSEA, a également insisté sur les financements disponibles pour la formation des salariés durant cette période compliquée. « Nous avons obtenu des enveloppes et travaillé avec l’Ocapiat sur un catalogue de formations spécifiques pour vos salariés. Ça peut permettre de prendre en charge les salaires à hauteur de 12 euros par heure », a-t-il indiqué.
Structures de mise en marché
Reste une inconnue dans les mesures annoncées par l’État : quelles aides pour les structures en aval de la production ? Bruno Darnaud, membre de la chambre d’agriculture de la Drôme, responsable du dossier fruits et président de l’AOP pêche et abricot de France, a rappelé que, dans le milliard annoncé par l’État, il était question d’un fonds exceptionnel ouvert aux entreprises impactées par l’absence de récolte à conditionner ou à transformer. « Or aujourd’hui, on ne voit toujours rien apparaître pour aider les coopératives et les expéditeurs à faire face à leurs charges fixes alors que l’enjeu est majeur pour la pérennité de ces outils », commente-t-il. Jean-Yves Lhorme, expéditeur à Anneyron et Dominique Arlaud, de Huot Fruits à Gervans, ont souligné que la situation était grave pour l’ensemble de la filière. « On attend que le “ quoi qu’il en coûte “ [évoqué par le président de la République pour la crise du Covid, NDLR] soit appliqué à nos filières suite au gel », a affirmé Dominique Arlaud.
« Face à l’ampleur du sinistre, nous ne laisserons pas les Pouvoirs publics abandonner massivement les agriculteurs et laisser trainer la mise en œuvre concrète des annonces du Premier ministre », ont en substance affirmé Hervé Roux, président de la FDSEA 26, et Lea Lauzier, co-présidente des JA26. « Nous serons peut-être amenés à nous revoir dans un cadre plus punchy », a lancé Régis Aubenas aux producteurs présents. L’avertissement est clair : les syndicats veilleront à ce que tout soit mis en œuvre pour sauver les filières frappées par ce gel exceptionnel.
S.Sabot
Volet fiscal
Selon Régis Aubenas, l’exonération TFNB suite au gel du 7 au 8 avril est acquise pour la Drôme. Il indique également que la profession a demandé la possibilité de faire des allers-retours pour les choix d’option fiscale d’une année sur l’autre, comme cela avait été obtenu en 2016. Enfin, les outils de déduction pour épargne de précaution (DEP) devraient être activés. « Travaillez dès à présent avec vos comptables sur ces questions, a lancé le responsable syndical à l’attention des producteurs. Ce sont des mesures qui seront puissantes, davantage que des petites aides ici ou là. »
Cumul des aides de minimis, attention au plafond
Le plafond des aides « de minimis » est arrêté à 20 000 euros sur trois exercices fiscaux pour les exploitations agricoles. Ces aides peuvent être : des prises en charge de cotisation sociale MSA, des prises en charge d’annuités par le fonds d’allégements des charges (Fac), des aides des collectivités en cas de crise (exemple : l’aide sécheresse du conseil régional), les crédits d’impôts en faveur de l’agriculture biologique ou du recours au service de remplacement, les demandes de remboursement partiel de la taxe intérieure sur la consommation de fioul lourd et de gaz naturel (TIC-FL, TIC-GN) … Cette liste n’est pas exhaustive. Pour savoir où vous en êtes du cumul des aides de minimis, contactez la DDT. A noter, les indemnisations reçues au titre des calamités agricoles ne sont pas concernées par ce régime des minimis. Elles ne sont donc pas prises en compte dans le calcul.
« Le dispositif technique en péril »
Quid de l’avenir des stations d’expérimentation suite au gel ? La Sefra à Etoile-sur-Rhône ne pourra compter cette année ni sur les 200 000 euros de vente de fruits qu’elle réalise chaque année, ni sur la cotisation des arboriculteurs calculée sur les volumes. La profession travaille actuellement avec les collectivités qui souhaitent intervenir dans le cadre du gel (Département, communautés de communes ou d’agglomération…) pour orienter certaines aides vers les dispositifs collectifs.
Actions syndicales en vue

Anthony Oboussier, arboriculteur à Alixan et membre du conseil d’administration de la fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF), a souligné lors de la réunion de Loriol que la fédération se bat de façon quotidienne pour faire avancer les choses. Ceci afin que les producteurs puissent obtenir le meilleur pour faire face aux conséquences de ce gel exceptionnel. Il a invité les producteurs à « se préparer à des actions syndicales » si les dispositifs ne se sont pas à la hauteur de ce qui est attendu par la profession.