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Prédation

Loups : le comptage fait hurler les éleveurs

Le préfet référent national sur la politique du loup, Jean-Paul Celet, a rencontré les représentants des éleveurs drômois, le 6 août à Aleyrac. Ceux-ci ont fait part de leurs difficultés face à la prédation de leurs troupeaux et interpellé le haut fonctionnaire sur le comptage officiel des loups.
Loups : le comptage fait hurler les éleveurs

« On nous ment sur la population de loups. Ce ne sont pas 580 spécimens qu'il y a en France mais peut-être 2 000 ». Didier Beynet, élu de la chambre d'agriculture de la Drôme et éleveur ovin à Saint-Nazaire-le-Désert, donne le ton. Face à Jean-Paul Celet, préfet référent national sur la politique du loup, il demande que « soient levés les freins du prélèvement » pour garantir le maintien du pastoralisme. La vingtaine de représentants des éleveurs, réunis le 6 août près du col d'Aleyrac, n'en démordent pas. Ni les élus présents, que ce soit Marie-Pierre Mouton, présidente du Département, ou Didier-Claude Blanc. Le conseiller régional estime qu'il y a « au moins 1 000 loups, soit 250 de plus chaque année ce qui ne fait qu'accroître la prédation. » Pour Grégory Chardon, président de la FDSEA de la Drôme, « la situation est incontrôlable car le loup est présent plus que de raison. »

« Il faut que l'on objective »

Face au désarroi des éleveurs drômois, Jean-Paul Celet, préfet référent national sur la politique du loup, reconnaît qu'« en Drôme, il y a une dynamique de la population de loups et donc de la prédation. Et que cela nécessite une attention toute particulière ». Nommé le 1er juillet 2019, Jean-Paul Celet vient en appui au préfet coordonnateur du plan loup, Pascal Mailhos, par ailleurs préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

« Je suis là pour tout entendre, a répondu Jean-Paul Celet. Il faut que l'on objective. Au risque de vous choquer, peu importe le nombre de loups. Ce qui compte, c'est le niveau de la prédation qu'il faut faire baisser. » Et d'ajouter : « J'ai confiance dans les administrations et agences de l'État mais cela n'exclue pas le contrôle ». Le président de la FDO de la Drôme, Frédéric Gontard, fait remarquer que la prédation ne cesse de croître : « + 40 % par rapport à 2019, et + 20 % entre 2018 et 2019. Et on nous dit qu'il n'y a pas plus de loups ! » Il ajoute : « 39 loups ont été tués à ce jour (au 6 août - ndlr) contre 57 l'an dernier. L'administration freine les prélèvements pour ne pas arriver au quota ». Le préfet explique : « L'an dernier, 98 loups ont été tués mais pas de manière ordonnée sur l'année. En 2020, on veut avoir la capacité à protéger les troupeaux au moment où la prédation est la plus élevée, c'est à dire au second semestre. » Ainsi, 70 loups restaient à prélever début août, « du jamais vu » selon le préfet référent.

« Aucun frein sur les tirs renforcés »

Face au désarroi des éleveurs drômois, Jean-Paul Celet reconnaît qu'« en Drôme, il y a une dynamique de la population de loups et donc de la prédation. Et que cela nécessite une attention toute particulière ». Il ajoute : « Aucun frein n'a été donné à l'administration sur les tirs de défense renforcée dès lors que les mesures de protection sont en œuvre. Il faut concentrer les moyens les plus efficaces aux endroits où la prédation est la plus forte. »
Le président de l'association des éleveurs et bergers du Vercors, Alain Baudouin, éleveur à Combovin, estime, lui, que le décompte par l'administration des brebis tuées est sous-estimé, « car les procédures utilisées ne sont pas identiques d'un département à l'autre ». « On a demandé à tous les préfets un comptage en temps réel », précise le préfet référent national sur la politique du loup.
Par ailleurs, Frédéric Gontard témoigne de la difficulté à vivre une attaque de loups. « C'est un moment très difficile et l'on aimerait que les agents de l'Office français de la biodiversité (OFB), lorsqu'ils viennent constater, prennent davantage en compte la détresse des éleveurs. » Il se dit également « choqué » par la procédure. Après le constat de l'OFB, la validation du dossier se fait en DDT, « organisme qui n'est pas sur le terrain de l'attaque », s'étonne-t-il.

« Atténuer juridiquement les responsabilité de l'éleveur »

« Il y a au moins 1 000 loups, soit 250 de plus chaque année ce qui ne fait qu'accroître la prédation », a déclaré Didier-Claude Blanc, conseiller régional, avant de remettre au préfet Celet la clé symbolique d'une quarantaine d'élevages du Sud-Drôme, clé reçue en novembre 2017 lors d'une manifestation d'éleveurs à Ballons. Lors de cette rencontre, et suite à la demande du préfet de la Drôme, Jean-Paul Celet a fait part de son accord pour un déploiement sur le département de la brigade loup. Par ailleurs, face à la multiplication des plaintes d'usagers de la montagne (randonneurs, vététistes...), notamment suite à des morsures par des chiens de protection, il juge nécessaire « d'atténuer juridiquement les responsabilités de l'éleveur ». Des menaces et des pressions sur les éleveurs, il en a été encore question avec le protocole d'intégration des chiots dans les troupeaux, opération dénoncée par des associations de protection des animaux. « Des chiens ont même été enlevés et transférés dans des refuges », a-t-il été expliqué. « Des louvetiers ont été menacés de mort », déplore le préfet, fustigeant certaines associations de protection de l'environnement qu'il qualifie « d'activistes ».
Sur les aides (MAEC, PAEC...) dont peuvent bénéficier les éleveurs ou leurs groupements, le maire de La Bégude-de-Mazenc, Marc-André Barbe, évoque la « galère du montage » et les délais très longs de réponse. Des éleveurs dénoncent la dureté de la réglementation en cas d'oubli d'un justificatif. Est aussi pointée l'insuffisance de prise en compte des pertes économiques après les attaques de troupeaux ainsi que la difficulté à évaluer la valeur des animaux, comme celle des équins, victimes eux aussi des loups.
Sur l'état des clôtures, Edmond Tardieu, éleveur à Vesc, demande de l'« indulgence » de la part de l'OFB. « Avec en moyenne 10 à 15 km à entretenir par troupeau, on ne peut pas toujours suivre », dit-il. Et c'est d'autant plus difficile avec la prolifération des sangliers, note le représentant de la Coordination rurale. Un jeune agriculteur du Vercors juge « incohérent » le type de clôture demandé, estimant qu'il « vaut mieux protéger sur la hauteur que sur le bas ». Le préfet Célet s'est dit « prêt à lancer une évaluation ».

Christophe Ledoux

Rencontre avec le loup sur l'estive d'Aleyrac

La rencontre du 6 août avec le préfet Jean-Paul Celet s'est déroulée à proximité de l'estive d'Aleyrac sur laquelle a été constitué, en 2006 avec trois éleveurs et la commune de La Bégude-de-Mazenc, un groupement pastoral d'environ 200 hectares boisés accueillant en moyenne 350 brebis. Sur ce secteur, début juillet tôt le matin, le loup a attaqué pour la première fois, tuant une brebis. Trois autres ont disparu. « La configuration boisée rend difficile la protection. Notre parc est électrifié et la présence humaine est permanente », assure Frédéric Gontard. Ce jour-là, « trente brebis étaient égarées, raconte Antoine Gontard, autre éleveur du groupement. Je les ai cherchées sur le chemin principal lorsque j'ai vu un loup, qui de suite s'est carapaté. »

 

Allemagne : les attaques du loup ne cessent d'augmenter

Il n'y pas qu'en France où l'augmentation des attaques du loup est dénoncée par les éleveurs. En Allemagne, les dégâts causés par les loups ne sont plus maîtrisables, estime le DBV, l'équivalent allemand de la FNSEA. Depuis 2019, les attaques ont augmenté de 40 % (887 attaques et 2 894 animaux tués). Le DBV considère comme scandaleuses les tentatives permanentes de rendre uniquement les éleveurs responsables des dégâts. Les haies déclarées sûres par les protecteurs de l'environnement sont vaincues en permanence par les loups. En 2018-2019 l'Allemagne comptait 105 meutes de loup, 25 couples de loups et 13 loups isolés sédentarisés. La fédération allemande des chasseurs évoque le chiffre de 1 300 loups.