Parasit’Lab : des analyses vétérinaires au service de la santé animale
Depuis le printemps 2021, près de Crest, l’Écosite d’Eurre abrite un laboratoire d’analyses parasitologiques pour les ruminants, les porcs, les chevaux et les ânes. Créé et géré par le FiBL France, Parasit’Lab est un outil au service des éleveurs et des vétérinaires.

La lutte contre le parasitisme (strongles digestifs, pulmonaires, grande douve, petite douve, etc.) est un enjeu majeur auquel est confronté l’éleveur au quotidien, quelle que soit la catégorie d’animaux. La conduite d’élevage et du pâturage a toute son importance. En effet, plus les animaux sont parasités, moins ils sont productifs (mauvaise croissance, apathie… - ndlr). à tel point que la gestion du parasitisme est un frein pour certains éleveurs. Toutefois, elle ne doit pas être réduite à des traitements systématiques, sous peine de baisser l’immunité naturelle des animaux et surtout d’augmenter les phénomènes de résistances aux vermifuges chimiques.
C’est dans ce contexte que l’antenne française de l’Institut suisse de recherche de l’agriculture biologique (FiBL), basée à Eurre, a mis en place au printemps 2021 un service d’analyses vétérinaires en parasitologie à destination des éleveurs (ovin, caprin, bovin, porcin, équin), appelé Parasit’Lab. « Le FiBL mène des projets de recherche en parasitologie des ruminants et des porcs dans la Drôme depuis 2014 », explique Amélie Lèbre, ingénieure agronome et responsable du laboratoire. Ainsi, ce nouveau laboratoire propose aux éleveurs de réaliser des analyses coprologiques individuelles ou sur des lots d’animaux pour connaître l’état sanitaire de leurs troupeaux.
Eviter la résistance aux médicaments
Ce type d’analyse permet, à partir d’un recueil de matière fécale, de mettre en évidence chez l’animal la présence des parasites - les strongles gastro-intestinaux (SGI) notamment - par visualisation et numération de leurs œufs ou de leurs larves. « Ces coproscopies doivent venir en complément de l’observation des animaux et du troupeau, déclare Amélie Lèbre. Elles permettent de confirmer les doutes qu’un éleveur peut avoir face à une problématique visible (mauvais état général, baisse de production, diarrhées…). » L’analyse individuelle ou par lots permet d’éviter aux éleveurs de réaliser un traitement systématique sur l’ensemble du troupeau, et d’empêcher ainsi la résistance des parasites aux médicaments. « La mise à l’herbe, les chaleurs estivales et l’entrée en bergerie en fin de saison sont des moments clés qui nécessitent un suivi tout particulier », indique l’ingénieure agronome.
Eleveur ovin à Vercheny - au pied du massif du Vercors -, à la tête d’un troupeau de 150 brebis, Mickäel Grimaud a fait appel à Parasit’Lab à l’automne. « J’avais des brebis qui me semblaient un peu maigres. Mon vétérinaire m’a conseillé de faire des analyses coprologiques. J’ai constitué trois lots en fonction des observations que j’avais faite au préalable. » Pour ce faire, l’éleveur a utilisé un kit d’envoi mis à disposition par le laboratoire, dans lequel figurent une fiche de procédure de prélèvement, le matériel de prélèvement et une enveloppe préaffranchie.
Les prélèvements puis analyses des matières fécales permettent d’observer la présence des parasites et d’en estimer le niveau d’infestation sur l’animal. © FiBL France
Une gestion raisonnée du parasitisme
« Pour pouvoir traiter rapidement et efficacement les animaux infestés, nous envoyons les résultats des analyses sous 24 à 48 heures », souligne Amélie Lèbre. « Grâce à ces examens, j’ai ensuite pu traiter en conséquence les lots en fonction des niveaux d’infestation. Cela m’a notamment permis de réduire l’utilisation de vermifuges et donc les coûts », ajoute Mickaël Grimaud.
En parallèle de ces analyses dites « classiques », Parasit’Lab réalise également des analyses pour déterminer la présence de vers pulmonaires, mais aussi pour identifier les différents parasites les plus pathogènes (haemonchus contortus notamment). D’autres analyses sont conçues pour tester l’efficacité des produits et, ainsi, lutter contre l’effet de résistance aux vermifuges utilisés. Pour autant, le laboratoire d’analyses ne se substitue en aucun cas aux contrôles vétérinaires. « Nous souhaitons plutôt développer une relation tripartite entre l’éleveur, le vétérinaire et nous-mêmes », poursuit la responsable de laboratoire. D’ailleurs, Michel Bouy, vétérinaire à Barbières (26), est l’un des porteurs de projet de ce laboratoire d’analyses, puisqu’il est également collaborateur scientifique au sein du FiBL France. « Nos résultats permettent de guider les éleveurs ou les vétérinaires dans la recherche de solutions, conclut la jeune femme. Nous avons comme vocation d’être à leur service. »
Amandine Priolet
Résistance aux traitements : un enjeu majeur
La résistance des strongles gastro-intestinaux (SGI) aux traitements antiparasitaires des petits ruminants devient, au fil des années, une inquiétude majeure pour les éleveurs et les vétérinaires. Face à une suspicion de résistance des SGI à l’éprinomectine - un anthelminthique -, des essais ont été mis en place par le FiBL France au printemps 2021 - en collaboration avec le cabinet vétérinaire Antikor - dans deux élevages de la Drôme (chèvres et brebis laitières) pour évaluer par coproscopie individuelle l’état sanitaire des troupeaux avant, et après, l’injection du traitement.
Le test FECRT (fecal egg count reduction test), réalisé au sein de l’élevage caprin, a permis de mettre en évidence une résistance réelle à la molécule, utilisée depuis cinq ans sur l’intégralité du troupeau, puis en traitement sélectif. Quant à l’élevage ovin, le même test laisse apparaître une efficacité normale du traitement. Ces constats semblent montrer que c’est la voie d’administration du produit qui paraît infructueuse. Des études ont d’ailleurs mis en évidence que l’administration par voie sous-cutanée de l’éprinomectine limitait les risques d’apparition de résistances par sous-dosage, contrairement à la voie topique.
à ce jour, l’éprinomectine fait figure de dernier recours pour les élevages laitiers de petits ruminants. « C’est aujourd’hui la seule molécule utilisable avec un temps d’attente lait nul », explique Michel Bouy, vétérinaire à Barbières. « Il est donc impératif de prévenir l’apparition de résistances et de contrôler le maintien d’activité de cette molécule », conclut-il. Suite à ces observations, il est ainsi recommandé de réaliser - en amont du traitement - des analyses coproscopiques pour pouvoir privilégier les traitements sélectifs. Les conduites d’élevage, par un recours au pâturage mixte et aux rotations de pâturage, sont des pratiques à favoriser en termes de prévention.
A. P.
L’observation du troupeau, un défi pour la vermifugation sélective
Les troupeaux sont régulièrement traités, deux à trois fois par an, avec des vermifuges chimiques (anthelminthiques) pour lutter contre les infestations dues aux strongles gastro-intestinaux (SGI). Cependant, leur utilisation fréquente entraîne une résistance des SGI à ces produits. « En raison de ce développement, la recherche sur le contrôle alternatif des SGI s’est intensifiée dans le monde entier. Plusieurs approches existent et sont testées, dont le “déparasitage ciblé” », indique le FiBL. Dans le cadre du projet Transition du système agri-alimentaire du territoire (Transaat), un essai sur les signes observables du parasitisme sur un troupeau d’ovins a été mené en 2018 chez Anna Krichel et Clovis Jullian, à la tête du Gaec Zingaran à Truinas. L’essai consistait à vérifier si les critères d’évaluation du parasitisme qu’utilisent les cinq éleveurs ovins (participants à l’expérimentation) sont corrélés aux données recueillies par des prélèvements et analyses en laboratoire. L’idée est ainsi de déterminer les indicateurs observables d’une infestation parasitaire qui permettraient à l’éleveur de cibler ses traitements. Plusieurs critères permettent de déterminer la présence de parasites : couleurs de la muqueuse des yeux, toucher et état visuel de la laine, état corporel, diarrhée, gabarit, comportement, dentition, oreille... En finalité, l’essai a confirmé que les éleveurs, par leurs observations, étaient en capacité de réduire significativement le nombre d’analyses coprologiques quantitatives (OpG) d’un troupeau en ciblant 60 % des animaux pour un traitement sélectif.
A. P.
Les analyses coprologiques doivent venir en complément de l’observation des animaux et du troupeau. © FiBL France