CONTRACTUALISATION
Viande bovine :  exigez le juste prix !

Comme le prévoit la loi Egalim, les éleveurs doivent exiger d’être payés aux coûts de production, selon les indicateurs interprofessionnels qui viennent d’être mis à jour. Détails.

Viande bovine :  exigez le juste prix !
© SC

L’Ipampa* viande bovine du mois de mai 2022 vient de sortir. Sans surprise, en raison de l’explosion des charges, son indice progresse à 135,1 points (contre 133,7 fin avril). De plus, sur le mois de mai, en complément de l’Ipampa, la partie rémunération de l’éleveur est revalorisée sur la base de l’indexation du Smic (+ 2,65 %). Mécaniquement, les indicateurs interprofessionnels de coûts de production augmentent dans toutes les catégories, y compris pour les broutards dont la commercialisation doit obligatoirement faire l’objet d’un contrat depuis le 1er juillet dernier. 

Des écarts entre les cotations et le prix de revient subsistent dans toutes les catégories d’animaux

Evolution des indicateurs viande bovine - Broutards

Evolution des indicateurs viande bovine - Génisses

Evolution des indicateurs viande bovine - jeunes bovins

Evolution des indicateurs viande bovine - Vache allaitante

S. C.
* Ipampa : indice des prix d’achat des moyens de production agricole.  

À retenir

La décapitalisation bovine s’accélère : on constate une baisse de 650 000 vaches (laitières et allaitantes) entre 2016 et 2021 pour arriver en décembre 2021 à 3,64 millions. Alors que le rythme de baisse était autour de - 2,5 % à l’automne 2021, il est proche des - 3 % depuis le début d’année 2022.
Baisse du nombre d’éleveurs : - 24 % d’éleveurs allaitants entre 2010 et 2020, d’après les données du recensement agricole tandis que la moitié des vaches sont détenues par des éleveurs de plus de 50 ans.
Exiger le prix de revient est une obligation : l’écart avec les prix payés au producteur s’est réduit pour certaines catégories mais pas pour toutes. Sans prise en compte de l’indicateur prix de revient dans le contrat, il n’y aura pas de visibilité et de perspective pour les éleveurs, et donc pour la production. L’enjeu est ainsi énorme. n

Prix du broutard : la sécheresse dans la plaine du Pô a bon dos !
Bruno Dufayet, éleveur de salers à Mauriac dans le Cantal et président de la FNB. ©P Olivieri

Prix du broutard : la sécheresse dans la plaine du Pô a bon dos !

Le président de la FNB à l’offensive contre l’argument des négociants.
Les images de la sécheresse historique qui frappe le nord de l’Italie ont fait le tour des chaînes d’information. Le Pô, dont la cote est descendue de près de dix mètres, laisse réapparaître des carcasses de navires bombardés durant la Seconde Guerre mondiale… Effet papillon contestable, à moins de 1 000 km de là, la pression sur les cours du broutard ne s’est pas fait attendre dans les cours des fermes comme en témoigne un éleveur : « Le négociant m’a dit qu’à cause de la sécheresse, les Italiens avaient interdiction d’irriguer, que les rendements du maïs allaient forcément reculer et que les engraisseurs allaient le mettre au méthaniseur plutôt que dans l’alimentation des bovins… Ce qui, d’après lui, justifiait un prix du broutard en baisse. Il voulait me les acheter 3,20 €, j’ai tenu bon, ils sont partis à 3,35. » Un témoignage qui fait sortir de ses gonds le président de la Fédération nationale bovine (FNB), Bruno Dufayet : « Il fait sec dans la plaine du Pô comme il a fait sec ici ces dernières années. Bizarrement, depuis cinq ans, je n’ai jamais entendu des opérateurs français s’inquiéter de la sécheresse en France… Que les Italiens en profitent, c’est le jeu, mais que les négociants français mordent à l’hameçon aussi vite et tête baissée, cela montre qu’ils n’ont toujours pas assimilé les chiffres de la décapitalisation (encore - 3 % depuis janvier, N.D.L.R.), ni tout le travail interprofessionnel que l’on est en train de conduire », s’agace le président de la FNB qui s’attendait en cette période estivale à voir poindre un argument pour enrayer la tendance haussière du prix des animaux.
Bruno Dufayet balaie d’un revers de main le lien de causalité supposé entre cet événement climatique et une pression à la baisse sur le prix du maigre. « S’il doit y avoir une problématique, c’est sur la nourriture, donc logiquement les Italiens pourraient importer moins d’animaux. Là, on veut nous faire croire qu’en baissant les prix, ils vont pouvoir nous prendre un million de broutards ! » Une hérésie en plein choc inflationniste sur les charges en élevage, estime-t-il. « Interbev a actualisé fin mai le coût de production du broutard : il est passé à 3,95 €/kg(*) et sur juin ça va forcément encore augmenter du fait des nouvelles hausses sur les carburants. On est donc encore loin, même avec les cours actuels, de couvrir nos coûts de production. » 
P. Olivieri
(*) Coût de production génisse : 6,85 €, et 5,85 € pour les vaches.

« Des aberrations  dans les cours »

L’assemblée générale d’Elvea* Rhône-Alpes, le 7 juillet, a été l’occasion de faire un point sur la filière bovine, marquée par une baisse du nombre de vaches et par conséquent du nombre de femelles et de mâles commercialisés ; une forte demande en viande hachée, alimentée principalement par les vaches laitières ; une stabilité de la consommation de viande en Auvergne-Rhône-Alpes entre 2019 et 2022. Romain Kjan, directeur d’Interbev Aura, a cité une enquête réalisée récemment auprès de consommateurs : « La réduction d’achat de viande se fait pour des convictions de bien-être et environnementales. En revanche, le prix est relativement peu cité. »
Michel Fénéon, responsable de la commission export de la FFCB, a commenté les marchés des broutards, des jeunes bovins et des femelles, que ce soit en France, en Europe ou vers les pays tiers, dans un contexte de décapitalisation, de hausse des charges (alimentation, transport) et de sécheresse. « Nous voyons des aberrations dans les cours. La situation demande à être stabilisée, alors que la décapitalisation n’est pas terminée. Je pense que les prix vont rester à ce niveau, mais le pouvoir d’achat des consommateurs aura inévitablement un impact sur la filière. »
« À l’heure où l’élevage est en grand déclin, il est primordial de rester unis afin de relever le plus grand défi qui nous attend dès aujourd’hui : le renouvellement des générations. Si demain nous ne sommes pas en mesure de maintenir et proposer des filières pérennes et rentables pour les jeunes et les moins jeunes, qu’ils soient éleveurs ou commerçants, il nous semble que nous aurons tout à perdre, tant sur la valeur de nos outils que sur leur transmission, ont assuré Laurent Meunier et Pascal Poyet, vice-présidents d’Elvea. Devant les investissements que certains groupes de l’aval réalisent ou ont en projet, il est nécessaire de garder foi en l’avenir et de maintenir nos outils de production. »  
L.G-F
* Elvea : association d’éleveurs et d’acheteurs.