Nuciculture
Bio-fertilisants et noyers, faire bon profil de sol 

Les bio-fertilisants, loin de l’académisme « NPK », font leur apparition jusque dans les noyeraies de Têche, à côté de Vinay, capitale du fruit à coque.

Bio-fertilisants et noyers, faire bon profil de sol 
Profil de sol en noyeraie : « On peut voir des racines de noyers à plus de deux mètres de profondeurs grâce à une bonne organisation du sol sous l’effet des bio-stimulants », dixit, Annabelle Serin, agronome maison. © TD

Le 28 juin dernier, sur l’exploitation de Sébastien Mathon, à Têche, une trentaine d’agriculteurs était conviée à la découverte de deux profils de sol dans des noyers, afin de mesurer l’effet des bio-fertilisants dans les différents horizons racinaires, en comparaison à une conduite classique.
Depuis une trentaine d’années, des itinéraires de fertilisation autres que le classique NPK, enseigné depuis des décennies dans les écoles d’agriculture, fleurissent un peu partout. Pour les promoteurs de solutions alternatives, l’approche porte sur des observations en cultures, jusqu’à ce que l’Inrae de Dijon, au dernier Symposium de la Noix à Grenoble, ne livre ses observations sur plusieurs années d’études : « Comment l’interaction sol plante peut-être stimulée afin que le cultivar donne le meilleur de lui-même et comment ce complexe s’organise-t-il ? ». Plus empiriquement, Marcel Musy, agriculteur aveyronnais avait constaté, dans les années 80, qu’en forêt, alors que l’homme n’intervenait pas dans ce milieu, tout se passait pour le mieux…

Le concept Marcel Muzy

Au centre de cette réflexion, cet agriculteur de plus de 80 ans aujourd’hui, était sans doute un « avant-gardiste  », sans le savoir… Il avait remarqué que dans ses champs du Causse, l’herbe poussait mieux au-dessous des arbres qu’en plein champ. Autodidacte de bon sens, il en a déduit qu’il y avait sûrement des interactions entre la rhizosphère des arbres et celle des plantes cultivées. Ses recherches l’ont conduit à identifier, avant l’heure, des familles de micro-organismes, bactéries et champignons mycorhiziens impliqués dans la décomposition de la matière organique afin de la rendre assimilable facilement par les plantes. Le concept est né en 1992 et il a créé la société Sobac, Société de Bactéries.
Elle produit et distribue depuis plus de trente ans des bio-fertilisants issus de micro-éléments prélevés en forêt et multipliés dans son usine. Les formulations sont multiples selon que l’utilisateur cherche à apporter ces fertilisants aux vergers, en grandes cultures ou encore en jardinerie. Les formulations peuvent rassembler jusqu’à 28 000 catégories de bactéries et mycorhizes qui permettront d’améliorer la vie des sols. L’entreprise qui réalise 36 millions d’euros de chiffre d’affaires, emploie 140 personnes. Elle est présente à l’export dans une vingtaine de pays.

Réorganiser les « autotrophes et hétérotrophes  » du sol

Ce matin-là, sur l’exploitation nucicole de Têche, Annabelle Serin, agronome de la société Sobac rappelait, au pied des séchoirs à noix, aux agriculteurs présents les fondamentaux qui régissent la vie dans les sols. Elle expliquait comment les micro-organismes autotrophes, constituants organiques, et comment les micro-organismes hétérotrophes étaient capables de réorganiser les formes minérales du sol et produire de la matière organique. En deuxième partie de matinée, elle présentait deux profils de sols réalisés à plus de deux mètres de profondeur dans des parcelles de noyers. L’un fertilisé avec les solutions Sobac et l’autre en conduite conventionnelle. Il semblait effectivement que le développement racinaire des noyers était plus important dans la première parcelle et que les différents horizons du sol, jusqu’à cette profondeur de profil étaient mieux exploités.

Réduction des intrants

Selon les observations des équipes Sobac présentes à cette matinée, dès que le sol a retrouvé une bonne organisation, après deux ou trois années d’utilisation de leurs microfertilisants, l’agriculteur peut réduire de 50 % la dose d’azote sur noyers et supprimer le phosphore, la potasse, ainsi que la chaux. Ces éléments, présents naturellement dans le sol, ne sont pas toujours assimilables à cause d’une mauvaise organisation de la vie microbienne, l’on parle alors de carences induites. L’assimilabilité de ces macro-éléments peut à nouveau se réaliser par une bonne activité micro-bactériologique du sol.
Bruno Rey, agriculteur à Parnans, dans la Drôme qui utilise cette méthode depuis quelques années indiquait ne plus effectuer de traitement fongicide sur ses noyers : « Ils ont une meilleure vigueur, se défendent mieux contre les agressions fongiques et ils résistent aussi plus facilement aux stress hydriques… »
Loin des standards agronomiques, cette approche des bio-fertilisants fait de plus en plus d’adeptes. Nombreux sont les agriculteurs qui se posent des questions sur la vie de leurs sols et essayent des voies différentes à l’académisme pourtant admis par tous.
Moins d’intrants pour une même, voire meilleure production, c’est ce que qu’attendent les agriculteurs, tout comme la société civile.

Roland Saint-Thomas

Observation 

Sébastien Mathon est en période d’observation pour l’emploi de bio-fertilisants dans ses plantations. Il a démarré après la tempête de neige de 2019. Il voulait que ses jeunes plants de noyers complantés au printemps 2020 dans ses parcelles d’adultes redémarrent vite. Il indiquait que cet apport de bio-fertilisants avait été réalisé à proximité des racines des jeunes arbres, voire en pralinage. Le démarrage de ces jeunes plants complantés avait donné de bons résultats…