« Le lait ne doit pas être une variable d’ajustement de l’inflation ! »
Pointant une évolution des prix des produits laitiers en deçà de l’inflation dans les rayons des grandes surfaces, des éleveurs de la Drôme et de l’Ardèche se sont rendus dans deux hypermarchés pour effectuer des relevés de prix.

Mardi 20 septembre, à Auchan de Guilherand-Granges (07) puis au Géant Casino de Valence Sud et enfin au Leclerc de Bourg-lès-Valence, une délégation FDSEA, FDPL et JA de la Drôme et de l’Ardèche a effectué des relevés de prix sur les briques de lait de vache. « Depuis le début de l’année, on constate un décrochage du prix du lait payé aux producteurs, alors que le respect de la loi Egalim n’est toujours pas une réalité, explique Thierry Ageron, président de la fédération des producteurs de lait (FDPL) de la Drôme. La rémunération des éleveurs laitiers français reste une des plus faibles d’Europe derrière des pays telle que la Pologne. »
Selon la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), en 2022, la flambée des prix des concentrés, des engrais et de l’énergie a entraîné une hausse des charges de 90 € pour 1 000 litres en moyenne. Dans le détail, en un an et surtout depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le coût de l’alimentation animale a bondi de 21 %, celui de l’énergie et des lubrifiants de 39 %, et pour les engrais et amendement de 108 % ! Ainsi, l’indice des prix d'achat des moyens de production agricole (Ipampa) est passé de 110,1 à 134,4 entre mars 2021 et mai 2022. Soit une augmentation de 22 %.
Une brique de lait UHT à un euro
Au Géant Casino de Valence Sud.
« Le lait ne doit pas être une variable d’ajustement de l’inflation, souligne Thierry Ageron. L’avenir de la filière laitière ne peut passer que par une juste rémunération des producteurs de lait pour qu’ils puissent vivre décemment de leur métier. » Ce message, les producteurs laitiers l’ont adressé de vive voix aux dirigeants des hypermarchés Auchan, Géant Casino et Leclerc de l’agglomération valentinoise, mardi dernier. Deux semaines auparavant, ils avaient fait de même en se rendant au Leclerc, au Netto et au Lidl de Saint-Paul-lès-Romans. Les responsables syndicaux pointent la responsabilité de la grande distribution dans le retard à répercuter les hausses de prix que subissent les éleveurs. Ainsi, ils réclament un une brique de lait UHT demi-écrémé à un euro le litre, contre 0,75 à 0,78 € aujourd’hui, voire moins parfois. « Ces hausses doivent revenir aux éleveurs », soulignent-ils.
Au Leclerc de Bourg-lès-Valence.
Pour chaque consommateur, cette augmentation sur la brique de lait UHT demi-écrémé représenterait moins de dix euros par an, « le prix à payer pour continuer à conserver une production laitière sur le sol français et éviter la pénurie », argumentent les responsables syndicaux. Ils saluent d’ailleurs la démarche d’Intermarché et de Système U, deux enseignes qui soutiennent la vente d’un litre de lait UHT demi-écrémé à un euro, et appellent « tous les autres distributeurs à suivre cet exemple ». L’objectif de la FNPL est que le prix du lait à la production soit significativement revalorisé au quatrième trimestre.
C. Ledoux
Prix du lait de vache en Europe : la France à la traîne
En juin 2022, le prix du lait européen a atteint le niveau record de 488 €/1 000 l soit + 37% par rapport à 2021. Aux Pays-Bas, son niveau était à 525 €/1 000 l (+ 49 % sur un an), en Irlande 530 €/1 000 l (+ 45 % sur un an) et en Allemagne un peu plus de 500 €/1 000 l (+ 40 % sur un an). Pour la première fois depuis fin 2017, le prix français, lui, est passé depuis le début de l’année sous la moyenne européenne. Même des pays comme l’Espagne et l’Italie, qui fabriquent moins d’ingrédients, voient leur prix progresser plus rapidement.
Source : FNPL
Italie : le lait plus cher que l’essence ?

Confrontés à la sécheresse et à une flambée des coûts de production, le secteur laitier italien est actuellement en surchauffe tant et si bien qu’un litre de lait est vendu dans les grandes surfaces au prix de deux euros le litre, soit plus cher qu’un litre de carburant ! Les producteurs ainsi que les industriels ont d’ailleurs tiré le signal d’alarme auprès des pouvoirs publics italiens, en reprochant à ces derniers de concentrer leurs efforts sur le secteur énergétique, en oubliant le secteur agricole et agroalimentaire. Pour Ettore Prandini, président de la Coldiretti, équivalent italien de la FNSEA, « nous avons réussi à contenir les augmentations pour les consommateurs et les citoyens, mais maintenant nous ne pouvons plus faire face autrement qu'en augmentant les prix car la situation devient insoutenable ». Selon les deux principaux opérateurs laitiers, Lactalis et Granarolo, les entreprises de transformation « ont enregistré un bond d'au moins 200 % de leurs dépenses sur un an ». Près d'une exploitation d'élevage sur dix se trouve dans une situation critique telle qu'elle conduit à la cessation d'activité en raison de l'explosion des coûts, estime la Coldiretti.