HÉLICICULTURE
Manque-t-on d’escargots cette fin d’année ?

Les producteurs d’escargots font peu parler d’eux, et pourtant ! La filière souffre du réchauffement climatique et de l’inflation.

Manque-t-on d’escargots cette fin d’année ?
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C’est l’emblème de la gastronomie française… La consommation d’escargots en France avoisine les 20 000 tonnes chaque année. 10 000 à 13 000 tonnes sont importées des pays de l’Est de l’Europe, 4 000 à 6 000 tonnes ramassées et auto-consommées et seulement 1 000 tonnes élevées en France. La France compte 271 producteurs selon le dernier recensement agricole mais presque 350 selon une association de producteurs, qui sont loin d’avoir la capacité d’approvisionner tout le marché national. Et cette année particulièrement, la production est en berne. L’escargot pourrait ainsi se faire rare sur les tables du réveillon…

Valérie et Cyrille Delabre sont héliciculteurs à Saint-Remèze. Crédit photo : OT Gorges de l’Ardèche Pont d’Arc.

Sécheresse : les escargots aussi, en bavent !

À Albon, dans le nord de la Drôme, Patrice Lambert enregistre plus de 30 % de pertes. « On a pourtant mis en place des semis de ray-grass où les escargots peuvent se réfugier pour trouver un peu plus de fraîcheur et d’humidité. Mais cet été, ça n’a pas suffi. »
Installés à Saint-Remèze en Ardèche depuis onze ans au sein des « Escargots des Restanques », Cyrille et Valérie Delabre déplorent une année noire. « On a essayé de faire en sorte d’éviter les mises au parc lors des grosses chaleurs, explique cette dernière. Mais même après la mi-août, les températures sont restées très élevées y compris la nuit. Cela a engendré de grosses mortalités, notamment sur les plus jeunes. C’est en effet la période de développement de l’appareil génital des naissains, ils sont donc très fragiles. » Résultat : la ferme a perdu « près de 60 % » de sa production.
Héliciculteur à Saint-Fortunat-sur-Eyrieux (Ardèche), Marc Lafosse dresse le même constat : « Avec le changement climatique, il est plus difficile de produire aujourd’hui qu’il y a dix ans. J’essaie de m’adapter : depuis trois ans, j’ai installé des filets d’ombrage sur les parcs. Malgré tout, j’ai eu des mortalités. On observe aussi une sensibilité accrue à certaines maladies, comme la bactériose. »

Marc Lafosse et deux employées en train de beurrer les coquilles.

Des coûts de production qui flambent

Les héliciculteurs subissent aussi les hausses de prix, en particulier sur les emballages (conserves métalliques, verres…), mais également sur le beurre, « dont le coût a plus que doublé en un an », déplore Marc Lafosse. Malgré ces difficultés, l’héliciculture a peu d’aides. « Comme nous avons de très petites surfaces, nous ne touchons rien de la Pac », souligne Valérie Delabre. Marc Lafosse enchaîne : « Notre filière manque de structuration et de références techniques. Les formations sont très peu nombreuses, ce qui nous oblige à beaucoup tâtonner… On n’a pas non plus d’outils spécifiques adaptés à notre production, rien n’est mécanisé. ». Depuis quelques semaines toutefois, un regroupement des héliciculteurs français est initié. 
Mylène Coste

En savoir plus : voir le rapport sur la production d’escargots en France établi en juillet 2022.

À télécharger sur agriculture.gouv.fr/la-production-descargots-en-france

 

ENTRETIEN

Quelles sont les recommandations pour faire face aux fortes chaleurs ?

 Mike Vergnes, héliciculteur à Saint-Félicien (07) et membre du groupe national de prévention de la mortalité chez les escargots.
« La reproduction est fortement perturbée par le climat »

Mike Vergnes : « Nous avons observé un qu’en période de forte chaleur, la densité de population a beaucoup d’impact : à partir de 200 escargots au mètre carré, le risque s’élève, à moins qu’on ait de l’ombrage. Plus il y a d’escargots, plus les problèmes sanitaires sont importants et les  mortalités élevées. Il peut y avoir un lien avec les excréments. On préconise également d’éviter d’arroser car l’humidité encourage les escargots à se mettre en mouvement et à aller manger, plutôt que de rester immobiles et d’économiser de l’énergie. Le combo chaleur et humidité est aussi une bombe à pathogènes et à maladie. »

Et concernant la reproduction ?
M.V. : « C’est peut-être sur la reproduction que l’impact du changement climatique est le plus inquiétant. Normalement, les escargots se reproduisent au printemps avec les orages. Les pics de pontes arrivent généralement 48 heures avant les grosses pluies ! Or, avec les printemps de plus en plus secs qu’on connaît depuis plusieurs années, la reproduction est fortement contrariée. Même en maîtrisant les températures et l’hygrométrie en bâtiment, on ne parvient pas à recréer la baisse de la pression atmosphérique qui engendre ces pics de production. Aujourd’hui, beaucoup de reproducteurs baissent les bras. Les producteurs ont donc recours à des reproducteurs à l’étranger, dans l’est de l’Europe notamment. Mais là-bas aussi, le climat pose des problèmes ! » 
M. C.

Pénurie : pourquoi le conflit ukrainien n’arrange rien…

Derrière la Pologne, l’Ukraine était devenue depuis quelques années l’un des principaux fournisseurs d’escargots. En 2020, le pays totalisait plus de 400 fermes qui produisaient jusqu’à 1000 tonnes d’escargots, dont la quasi-totalité était exportée vers l’Union européenne. Mais la crise sanitaire, et plus récemment le conflit avec la Russie, ont contraint nombre d’héliciculteurs à abandonner leur activité. Depuis la guerre en Ukraine, les héliciculteurs européens s’approvisionnent désormais en Roumanie, en Lituanie, en Pologne et en Hongrie. Mais ces pays ont eux aussi pâti de la sécheresse et ont du mal à absorber toute la demande.