Gel : Jean Castex annonce un milliard d'euros d'aides
En visite dans la région Occitanie, le Premier ministre, Jean Castex, a annoncé la création d’un fonds de solidarité exceptionnel d’un milliard d’euros. La FNSEA a salué « la mobilisation rapide et forte du gouvernement ».

« L'Etat doit être à la hauteur de cette catastrophe. A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Je suis venu annoncer un effort significatif de l'Etat à hauteur d'un milliard d'euros, car la situation le justifie », a déclaré le Premier ministre, le 17 avril à Montagnac (Hérault) à l'issue d'une table ronde avec des représentants agricoles et des élus. Il s’est également rendu dans les départements de l’Aude et des Pyrénées-Orientales pour constater, sur place, les dégâts causés par les différents épisodes de gel du début avril. Le Premier ministre était notamment accompagné, du ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, des parlementaires des trois départements ainsi que de Jérôme Despey, secrétaire général de la FNSEA. Ce dernier avait insisté sur la détresse morale et psychologique des agriculteurs demandant des « mesures d'urgence et un signal fort aux agriculteurs ».
Faire du « cas par cas »
Ce milliard d’euros (enveloppe globale incluant le nouveau fonds de solidarité exceptionnel) qui concerne l’ensemble des secteurs agricoles victimes du gel vient s’ajouter aux autres mesures comme le déclenchement du fonds national de garantie des risques agricoles (FNGRA, c’est à dire le Fonds des calamités) et « à une année blanche pour les cotisations sociales », a précisé Jean Castex. Il souhaite que d’ici la fin du mois, les préfets disposent d’une enveloppe d’urgence pour faire du « cas par cas (…) C'est une question de survie, il faut donner une marge de manœuvre afin de régler les situations les plus urgentes », a-t-il ajouté. Le chef du gouvernement a également annoncé des dégrèvements de taxes foncières sur le non bâti (TFNB) et la mobilisation des dispositifs existants en matière d'activité partielle. Les entreprises de l’aval devraient également émarger à ce dispositif. Jean Castex a aussi affirmé que ces mesures sont « encore partielles et mériteront d'être complétées », notamment dans le cadre de la révision de la Pac.
L'indemnisation des arboriculteurs au titre du dispositif des calamités agricoles sera portée jusqu'à 40 % pour les pertes les plus importantes. Pour les autres filières qui ne sont pas aujourd'hui couvertes par ce régime de calamités agricoles, notamment les viticulteurs, un soutien exceptionnel similaire sera mis en place.
De plus, Jean Castex a annoncé « le doublement de l’enveloppe du plan de relance dédiée à la protection contre les aléas climatiques » et demandé « d’accélérer les travaux de réforme de l’assurance récolte », rapporte un communiqué de Matignon.
Trois milliards d’euros de pertes
La FNSEA a salué « la mobilisation rapide et forte du gouvernement » qui va permettre aux agriculteurs touchés « de faire face aux premières urgences et d’être en capacité de (leur) donner de la visibilité ». Le syndicat agricole estime cependant que les dernières « évaluations confirment les craintes exprimées dès la semaine dernière, qui vont se chiffrer à plus de trois milliards d’euros », rien que pour la viticulture et l’arboriculture. Selon le ministre de l’Agriculture, cet épisode de gel est « la plus grande catastrophe agronomique de ce début du 21e siècle ».
Une nécessaire prise en charge nationale
Selon Bruno Darnaud, président de l'AOP pêche et abricots de France et président de la Gefel, la filière fruits pourrait perdre cette année « un milliard et demi d’euros ». La vallée du Rhône, qui représente 45 % de l’abricot français, reste la zone la plus sinistrée de France. Ce bassin accuse 80 % de perte en abricots.
Réactions aux annonces de Jean Castex
« Je tiens tout d’abord à saluer la réactivité du Premier ministre, confie Jean-Pierre Royannez, président de la chambre d’agriculture de la Drôme. Deux jours après le gel, il annonçait un fonds exceptionnel et huit jours après il le dote d’un milliard d’euros. Cependant, je reste très vigilant à l’effet d’annonce compte tenu de l’ampleur des pertes. Rien qu’en Drôme, nous avons estimé la perte de chiffre d’affaires en arboriculture et viticulture à 200 millions d’euros (M€). En Ardèche, elle atteint 70 M€, dans le Gard 400 M€… A l’échelle de tous les départements sinistrés, les pertes sont gigantesques. Quelle part du milliard aurons-nous en Drôme ? Qu’en sera-t-il du niveau des aides ? De plus, la plupart des dispositifs annoncés ( report et/ou exonération de charges sociales, dégrèvement de TFNB, chômage partiel) ne sont pas exceptionnels. Les reports de charges ne sont pas une solution, il faut des exonérations. Il nous faut donc veiller à obtenir suffisamment d’aides pour que les exploitants sinistrés puissent faire face aux charges déjà investies et se sortir un revenu pour pouvoir vivre et redémarrer. Je considère le milliard annoncé comme un acompte. Toutes productions sinistrés (fruits, viti, grandes cultures, productions fourragères, Ppam …) devront être prises en compte. »
« Ces annonces du Premier ministre sont une bonne nouvelle mais seront-elles suffisantes, questionne Sandrine Roussin, présidente de la section viticulture de la FDSEA Drôme et de la FRSEA Aura. Depuis trois ans, le secteur viticole a subi la grêle, le Brexit, les surtaxes Trump, l’arrêt des exportations vers la Chine, les effets du Covid avec la fermeture des bars, restaurants… et maintenant le gel. Rien qu’en Drôme, à ce jour les pertes du gel sont estimées à 80 M€ au minimum. Seulement 20 % des surfaces viticoles françaises sont assurées et la viticulture n’a pas accès au fonds des calamités agricoles pour les pertes de récolte. Le Premier ministre annonce un soutien exceptionnel, mais sur quel(s) critère(s) ? Sera-t-il ouvert aux assurés ? Il faut des aides très rapidement, en particulier pour les plurisinistrés et les jeunes viticulteurs. Et comme en viticulture les règlements s’effectuent après les sorties de caves, les effets de ce gel se feront sentir encore en 2022. Il faudra donc un accompagnement au delà de 2021. »
« On ne peut que saluer la rapidité de réponse du gouvernement tout en restant prudent sur la mise en œuvre des mesures annoncées, réagit Régis Aubenas, président de la section fruits de la FDSEA Drôme. Nos représentants nationaux poursuivent les négociations avec le ministère de l’Agriculture. Je note déjà que l’indemnisation à 40% au titre des calamités agricoles est à mettre en regard de la tranche la plus haute aujourd’hui, à savoir 35 %, ce qui me fait dire “peut mieux faire” compte tenu de l’ampleur des pertes sur ce gel et de la succession des sinistres climatiques ces dernières années en Drôme, notamment dans les Baronnies. Relever de 20 % chaque tranche et en créer une à 75 % lorsque les pertes sont d’au moins 80 % est une demande de la FNPF. Sur les autres mesures, c’est bien mais pas exceptionnel et cela nécessite de s’affranchir des plafonds d’aides européens (règle des minimis) pour en bénéficier pleinement. La volonté d’accompagner les structures de première mise en marché est un point positif. Là aussi, il faudra voir comment cela s’appliquera. Par ailleurs, annoncer qu’un assuré ne pourrait pas toucher moins d’indemnité qu’un non-assuré est intéressante, c’est un principe d’équité que nous demandons depuis longtemps. J’aurais souhaité aussi que ceux qui ont lutté contre le gel par différents moyens, sans obtenir de résultat tout en dépensant beaucoup, soient reconnus et aidés. Enfin, il faut mobiliser les collectivités locales, en particulier la Région, pour que les mesures décidées viennent abonder celles de l’État. Et il faut aussi des moyens pour instruire les dossiers. L’instruction des dossiers du gel 2020 débute en ce moment et nous n’avons toujours pas obtenu de réponse favorable pour les communes situées au sud de Montélimar. »