Une perte de récolte historique pour la viticulture
Le 14 avril à Tulette, le préfet et la directrice départementale des territoires, le président de la chambre d’agriculture et de nombreux élus ont rencontré les viticulteurs.

Du jamais vu sur le secteur depuis 1956. C’est ce que les anciens affirment suite au gel qui a frappé le secteur de Rochegude, Suze-la-Rousse, Tulette, Bouchet, Saint-Maurice-sur-Eygues le 8 avril dernier… « Nous avons perdu 80 à 100 % du potentiel de production en IGP. Sur les AOP, selon les parcelles, les pertes iront de 50 à 100 % », rapporte Michel Bellier, président de la cave Costebelle à Tulette. Jeudi 14 avril, entouré d’autres présidents de caves du secteur, il accueillait le préfet de la Drôme, Hugues Moutouh, la directrice départementale des territoires (DDT), Isabelle Nuti, le président de la chambre d’agriculture, Jean-Pierre Royannez, et la présidente du Département, Marie-Pierre Mouton.
Ce gel vient frapper une filière viticole déjà malmenée par la crise sanitaire, mais aussi les « surtaxes Trump » qui ont fortement pénalisé les exportations en 2020, sans oublier le Brexit qui complique les échanges avec le Royaume-Uni, a rappelé Sandrine Roussin, vice-présidente de la chambre d’agriculture.
Sur le rosé : des années d’efforts mises à mal
« Les cours sont bas sur le marché du vin, a souligné Michel Bellier. Grâce à notre union [UVCDR – Cellier des Dauphins, NDLR], nous avons réussi à maintenir des volumes et à amortir cette baisse des prix. Mais qu’en sera-t-il l’année prochaine avec 60 à 80 % de volumes en moins ? Les prix remonteront mais pas à un niveau compensant les pertes de volumes. C’est dans dix-huit mois que les problèmes vont réellement arriver pour nos exploitations. » Christophe Charransol, président de la cave de Richerenches et de l’UVCDR, a confirmé : « Ce manque de production va forcément être difficile à gérer en termes de construction de gammes et de politique commerciale ». Les efforts déployés ces dernières années pour développer les rosés vont notamment être mis à mal puisqu’il ne sera pas possible de jouer sur les stocks et que les parcelles produisant ces vins font partie des plus touchées par le gel.
Pour Michel Bellier, le message est clair : « En temps normal, nous faisons tout pour faire tourner nos exploitations sans les aides. Mais pour passer le cap de cette année sans récolte, il nous faut vraiment une mesure exceptionnelle à la hauteur de ce qui a été accordé dans d’autres secteurs d’activité suite à la crise du Covid. » Beaucoup pensent notamment aux mesures dont ont bénéficié les restaurateurs et comptent aussi sur une « année blanche » du côté des charges : suppression des charges sociales, exonération de TFNB, mais aussi année blanche sur les emprunts. Sur ce dernier point, Jean-Henri Brunel, vice-président du conseil d’administration du Crédit Agricole Sud Rhône Alpes, a précisé : « Du côté des banques, nous nous calerons sur ce qui aura été décidé lors de la concertation nationale. Nous serons attentifs à toutes les situations. Nous savons que c’est au printemps 2022 que la situation risque de se dégrader. »
« Faciliter votre vie »
La présidente du Département, Marie-Pierre Mouton, a insisté auprès du préfet : « Il faut de la souplesse dans les dispositifs qui pourront être mis en place. Depuis 2015, la loi Notre ne nous permet plus d’intervenir directement auprès des agriculteurs », a-t-elle rappelé. Elle souhaite que le Département puisse abonder le fonds « Région Unie », sur le même schéma que celui adopté pour le tourisme et la restauration suite à la crise du Covid.
Le préfet a indiqué qu’à l’échelle drômoise, une cellule de crise a été mise en place réunissant les services de l’agriculture, de l’emploi, des finances (DDT, Direccte, DDFip). « Nous ferons ce que nous pourrons pour faciliter votre vie », a-t-il assuré aux viticulteurs.
Après Tulette, la délégation a pris la direction de Bésignan pour constater les dégâts sur les vergers d’abricots. Cette visite dans le Sud-Drôme avait été sollicitée quelques jours plus tôt par la sénatrice Marie-Pierre Monier et la vice-présidente de la chambre d’agriculture, Sandrine Roussin.
S.Sabot
Assurance récolte : « Il faut repartir d’une feuille blanche »
Depuis 2011, les pertes de récolte en vigne sont exclues du régime des calamités agricoles car considérées comme « assurables ». Pourtant, seulement 32 % des surfaces viticoles en France seraient aujourd’hui assurées selon la Fédération française de l’assurance. Le frein principal : le coût et le mode de calcul du rendement de référence qui pénalise fortement les viticulteurs touchés par plusieurs sinistres climatiques consécutifs. A Tulette, comme au cours des visites qui se sont déroulées ailleurs en Drôme la semaine dernière (lire L’Agriculture Drômoise du 15 avril), il a été question du dispositif de l’assurance récolte. « Il faut arrêter d’appliquer des rustines sur un système qui ne fonctionne pas. Il faut repartir d’une page blanche », a déclaré Jean-Pierre Royannez, président de la chambre d’agriculture. L’heure est-elle venue ? « Avec dix régions françaises sur treize touchées, c’est peut-être le moment historique pour faire bouger les choses », a souligné le préfet. Mais il avertit : « Reconstruire le système assurantiel est un chantier gigantesque qui nécessitera de la solidarité entre filières. »
S.Sabot
Repères cave Costebelle
350 adhérents pour un potentiel de production de 90 à 110 000 hl. 80 % des volumes en AOP Côtes-du-Rhône, Côtes-du-Rhône Villages et Grignan-les-Adhémar, le reste en IGP. Un quart des volumes en rosé (moitié IGP, moitié AOP). Plus d’un million d’euros investis depuis 4 ans pour améliorer ses équipements : pressoir, quai d’égouttage, froid et cuverie.