AGRONOMIE
Les bons gestes pour exprimer le potentiel du soja

Lors d’un webinaire organisé par Terres Inovia, divers experts ont rendu compte de recherches et essais menés sur la culture de soja, avec comme objectif de valoriser son potentiel dans l’Hexagone.

Les bons gestes pour exprimer le potentiel du soja
Une implantation réussie du soja permettra une bonne croissance racinaire et une meilleure capacité à capter l’eau et à résister à un éventuel stress hydrique. © DR

Le soja est une plante originaire d’Asie. L’inoculation du soja permet à la culture de couvrir une grande partie de ses besoins en azote grâce à la symbiose. Naturellement absentes dans les sols européens, les bactéries doivent généralement être
apportées sous forme d’inoculum. « C’est pour cela que la première fois qu’un agriculteur fait un soja, il faut amener la bactérie pour bénéficier de la fixation biologique de l’azote », a rappelé Xavier Pinochet, responsable du département Méthodes et technologies innovantes chez Terres Inovia. Inoculer de nouveau une parcelle qui a déjà porté du soja peut aussi être utile, surtout lorsqu’il s’agit de sols calcaires ou sableux qui contiennent peu de matières organiques.

L’importance de l’inoculation

Pour inoculer, utiliser une tourbe assure la bonne survie des bactéries. Mais il est nécessaire de stériliser la tourbe et de contrôler son pH pour qu’elle corresponde aux conditions de survie de la bactérie. Concernant les méthodes, les inoculations sur graines ont augmenté, contrairement aux inoculations pratiquées par microgranules. Récemment, de nouvelles semences pré-inoculées ont été commercialisées. Mais selon l’expert, elles constituent un défi : « Nous imposons à la bactérie un cahier des charges difficile, puisque nous lui demandons de survivre à une concentration élevée sur une graine pendant deux ou trois mois ». En cas de gel ou de forte pluviométrie à la suite d’une inoculation, il n’y a aucun problème de survie, a assuré Xavier Pinochet. « Il faudrait que les bactéries soient assez atteintes pour geler, ce qui n’est pas le cas dans un champ. En laboratoire, les souches sont conservées à 4 °C au congélateur, il n’y a donc pas de risque », a-t-il expliqué.

L’eau : un facteur clé de la production

Le soja est considéré comme une culture adaptée aux conditions sèches. Mais elle nécessite tout de même une bonne alimentation hydrique pour produire des rendements optimaux. Selon Hélène Triboullois, chargée d’études en écophysiologie tournesol, soja et colza, ses besoins totaux en eau du sol, pluie et irrigation, sont compris entre 450 et 570 mm pour un rendement de 30 à 
35 quintaux/ha et plus. « Une implantation réussie du soja permettra une bonne croissance racinaire et une meilleure capacité à capter l’eau et à résister à un éventuel stress hydrique », a-t-elle indiqué. La culture de soja ne connaît pas de phase critique mais une période de sensibilité au stress hydrique au stade R1 (début floraison) jusqu’au stade R6 (limite d’avortement des graines) ou R7. Sauf situation exceptionnelle, le stress hydrique a peu d’impact avant le stade R1. Le déficit hydrique affecte les processus de floraison et de fructification, induisant une diminution du nombre de gousses. Le poids de mille grains (PMG) et la teneur en protéines seront davantage affectés par le stress tardif. La chargée de mission a rappelé que pour assurer une bonne nutrition azotée, les nodosités ont également besoin d’eau : « leur bon fonctionnement est favorisé par une bonne humidité du sol, la fixation symbiotique diminue très fortement avec le stress hydrique ». Mais la quantité d’azote fournie par la fixation symbiotique en situation sèche peut être doublée par une conduite irriguée par rapport à une condition pluviale, et ainsi améliorer la nutrition azotée du soja.
En 2022, 53 % des surfaces françaises de soja conventionnel ont été irriguées (68 % des surfaces dans le Sud et 37 % dans le Nord) et davantage de parcelles l’ont été en sol superficiel. La fréquence d’irrigation du soja a augmenté dans le Nord mais pas dans le Sud, tandis que les quantités ont été relativement identiques entre les bassins. Afin d’essayer d’améliorer les teneurs en protéines, l’irrigation a été plus fréquente dans les parcelles à destination de l’alimentation humaine. Enfin, le soja est une culture qui valorise bien une irrigation maîtrisée, avec un gain d’environ 10 à 15 quintaux/ha par 100 mm apportés et une sécurisation de la teneur en protéines.

Irriguer au bon moment et en bonne quantité

Pour une irrigation optimale, Hélène Triboullois a préconisé de ne pas la démarrer trop tôt. « Au début des premières fleurs sur les sols superficiels et 10 à 15 jours après les premières fleurs sur sols profonds, soit fin juin ou début juillet », conseille-t-elle. Ne pas débuter l’irrigation trop tôt permet d’éviter un développement végétatif excessif propice au sclérotinia (maladie, NDLR) et aux avortements des étages les plus bas. Cette pratique limite également l’exploration racinaire.
L’irrigation doit être maintenue avec des doses fortes supérieures à 30 mm, tout en étant espacée de six jours au 
minimum. Il est également recommandé de maintenir une bonne alimentation en eau jusqu’à l’apparition des premières gousses virant au brun (stade R7), trois semaines avant la récolte. Ne pas arrêter l’irrigation trop tôt assurera un bon remplissage des graines les plus hautes et sécurisera la teneur en protéines. Finalement, l’objectif est de rechercher le bon compromis entre le besoin en eau de la culture et le risque de sclérotinia. L’idéal est donc d’opter pour des apports importants afin de recharger les réserves en eau du sol mais également de les espacer afin de limiter le risque de maladie. « En cas de forte sécheresse à la levée, un arrosage précoce peut être utile, surtout pour une parcelle n’ayant jamais porté de soja, car il permet de favoriser la nodulation et d’économiser un apport azoté de rattrapage », a détaillé la chargée de mission. Concernant le matériel d’irrigation, le canon est à privilégier pour avoir une pression plus forte et plus de quantité, ce qui permettra un séchage plus rapide. Une rampe ou un pivot apporteront un apport plus faible qui entretiendra l’humidité, ce qui favorisera le risque de sclérotinia. En cas de restrictions en eau, il est préférable de prioriser une irrigation de début juillet à début août, lors de la phase de mise en place du nombre de gousses.

Une irrigation différente du maïs

Le soja effectue son remplissage pratiquement jusqu’à la récolte. Sa fin de cycle est donc brutale. Le dernier tour d’eau permet d’améliorer le PMG et la teneur en protéines. En l’absence de pluie, ce dernier tour d’eau doit s’effectuer au stade R7, trois semaines avant la récolte, autour du 10 ou 15 septembre. Lors de son intervention, l’experte a tenu à préciser que le soja ne s’irrigue pas comme le maïs. « Sa période de sensibilité au stress hydrique est retardée par rapport à celle du maïs, son irrigation commence et termine plus tard et est également plus longue ». Enfin, sur des parcelles superficielles qui risqueraient d’être soumises à de fortes restrictions en eau, Hélène Triboullois a recommandé de privilégier des cultures plus efficientes, telles que le tournesol ou le sorgho. 

L.R. avec Terres Inovia

Choix du groupe  de précocité

 Pour choisir le groupe de précocité variétale du soja, il est essentiel de tenir compte de la date de semis et de sa zone géographique. Selon Aurore Baillet, ingénieur développement chez Terres Inovia en zone Nord et Est, les agriculteurs ont tendance à aller sur des variétés plus précoces mais qui sont moins productives. Or, les priorités sont la faisabilité de la culture et la minimisation du risque de récolte tardive, le but étant de trouver le bon compromis entre productivité et précocité. « Il est possible de faire des variétés 000 partout, excepté sur des parcelles en altitude, a-t-elle expliqué. Pour les variétés plus tardives, telles que les 00, l’ère de culture potentielle sans prendre de risque sur la date de récolte se restreint. Il reste néanmoins possible d’en semer en Rhône-Alpes. » Dans le Sud-Est, des variétés plus tardives, du groupe 0 et du groupe I peuvent être semées, sauf en altitude. 

L.R. avec Terres Inovia

Les progrès génétiques en soja
Essais de Terres Inovia sur le progrès génétique. ©Terres-Inovia-JUNG

Les progrès génétiques en soja

Une étude menée dans le cadre de Cap Protéines a démontré qu’il existe un progrès génétique en soja. Cette dernière a été réalisée en fonction des années d’inscription et des groupes de précocité à partir des données du réseau commun Geves - Terres Inovia de 1989 à 2020. Au total, 272 variétés et 4 groupes de précocité (I/II, 0, 00, 000/0000) différents ont été étudiés. Plusieurs critères ont été retenus : le rendement grain, la hauteur première gousse, la hauteur de plantes, la teneur en protéines et la tenue à la verse. Le progrès génétique a montré que ce dernier ne s’est pas fait au détriment du rendement ou de la teneur en protéines. À hauteur constante, les sojas ont gagné en tenue de tige et l’augmentation de la hauteur de première gousse a permis de réduire les pertes à la récolte. Les groupes tardifs ont montré un progrès vis-à-vis de sclérotinia, une des principales maladies du soja. Ce progrès s’explique surtout par l’arrivée de variétés TPS, en 2019.

L.R. avec Terres Inovia