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Portrait

Tabac, asperges et plus encore pour une installation réussie

Installé en individuel depuis près de cinq ans à Châteauneuf-de-Galaure, Quentin Ducellier a choisi de sécuriser son exploitation par la diversification et la recherche de valeur ajoutée.

Tabac, asperges et plus encore pour une installation réussie
« Mon objectif est de chercher de la valeur ajoutée pour obtenir la meilleure marge possible », indique Quentin Ducellier. Tabac et asperges constituent le revenu principal de son exploitation. ©AD26-CL

Originaire du Nord-Pas-de-Calais, Quentin Ducellier s’est installé dans le Nord-Drôme en décembre 2017. Passionné de mécanique agricole, son parcours de formation l’a conduit vers un BTS génie des équipements agricoles (GDEA) puis vers une licence pro maintenance des systèmes pluri-techniques à l’IUT de Béthune en 2013, le tout par apprentissage. Magasinier dans une centrale d’achat de pièces agricoles jusqu’en 2016, ce fils d’éleveurs laitiers gère depuis près de cinq ans une exploitation agricole d’une soixantaine d’hectares à Châteauneuf-de-Galaure. Son installation s’est faite par la reprise de l’exploitation de son beau-père, Denis Rebatet, au moment de sa retraite.

Asperge et tabac font le revenu principal

« Mon objectif est de chercher de la valeur ajoutée pour obtenir la meilleure marge possible », indique Quentin Ducellier, à l’occasion de l’inauguration de son exploitation organisée par Jeunes Agriculteurs (JA) de la Drôme le 15 septembre. Il poursuit ainsi ce qu’avait entrepris son beau-père en développant des productions de tabac (sous contrat avec la coopérative Oxyane) et d’asperges blanches (contrats avec différents revendeurs locaux, vente sur des marchés). Ces deux productions, qui représentent respectivement 1,8 et 1,6 ha, constituent le revenu principal de l’exploitation.

Toutefois, pour sécuriser l’ensemble et salarier à temps plein sa compagne, Marie Rebatet, un atelier volailles de chair label rouge a été créé, en intégration avec la coopérative Valsoleil. À noter, l’exploitation élève aussi dindes et chapons (2 500 par bâtiment), volailles abattues dans les abattoirs Capag et Royal Bernard et commercialisées lors des fêtes de fin d’année.

« Aucun creux d’activité »

Quentin Ducellier a présenté son parcours et son exploitation devant des élus locaux, responsables d’organisations agricoles et élèves en BTS à la MFR d’Anneyron.

Bénéficiant d’un forage pour l’irrigation d’une partie des terres, l’exploitation consacre la majorité de son assolement aux grandes cultures : maïs grain (24 ha), blé tendre (13 ha), blé dur (12 ha) et seigle (5 ha). Là encore, Quentin Ducellier cherche la meilleure valorisation possible. Maïs et blés sont vendus à la coopérative Drômoise de céréales. Pour le maïs en contrat « zéro mycotoxine », pour les blés en contrat « label plus ». 

Avec une telle diversification, « nous ne connaissons aucun creux d’activité », confie le jeune agriculteur. Bien qu’aidés par Denis Rebatet, lui et sa compagne ne chôment donc pas. De la main-d’œuvre saisonnière vient en renfort pour la récolte du tabac et surtout des asperges « afin d’être un peu plus libre au niveau du triage et pour bien gérer la vente ». Quentin Ducellier prévoit l’embauche d’un apprenti ou d’un salarié. Et pour réduire le temps de travail, il envisage aussi d’améliorer l’atelier tabac et d’enterrer les conduites d’irrigation.

Un investissement de 400 000 €

Au total, pour son installation, Quentin Ducellier aura investi 400 000 euros et bénéficié de la dotation jeune agriculteur (DJA) ainsi que d’une aide de la Région pour ses deux poulaillers de 450 m² chacun. Aujourd’hui, le jeune homme se montre confiant, précisant toutefois que son projet a nécessité deux ans de réflexion. « Mon exploitation est restée familiale et transmissible, fait-il remarquer. Le parcellaire est rassemblé, j’ai du fumier organique provenant de l’élevage de volailles et un forage pour l’irrigation. De plus, l’entente avec le voisinage est globalement bonne. » Cependant, il ne cache pas la pression exercée par certains riverains, pression accentuée par la présence des poulaillers et de parcelles enclavées dans le village. « Avec les zones de non-traitement (ZNT), la venue de nouveaux arrivants m’inquiète, confie-t-il. On communique, on explique pour que tout se passe au mieux. »

Christophe Ledoux

 

 

Tabac : 5 000 € de marge a minima

Tabac : 5 000 € de marge a minima
Chez Quentin Ducellier, à Châteauneuf-de-Galaure, les feuilles de tabac mises à la pente pour le séchage. ©AD26-CL

Historiquement présente dans le Nord-Drôme et l’Isère toute proche, la production de tabac a décliné à partir de 2010-2011. En cause, l’arrêt des soutiens de l’Union européenne, la lutte contre le tabagisme et une fiscalité accrue sur les ventes de produits tabacoles. Aujourd’hui, sur ce territoire drômisérois, on compte seulement 70 ha de tabac pour trois producteurs en contrat avec la coopérative Oxyane. Selon Denis Rebatet, ancien producteur et président de la caisse d’assurance tabac, « 75 % du tabac consommé dans l’Union européenne est importé ». La tentative d’une relocalisation de cette production en France étant jugée « perdue », le combat s’est donc porté sur la valeur ajoutée et les rémunérations.

Compte tenu des charges de production, le tabac produit en France (3 530 tonnes en 2020 sur 1 560 ha) est l’un des plus chers au monde. Pour autant, grâce à un haut niveau qualitatif, il intéresse les grands manufacturiers : la variété Burley pour la production européenne de cigarillos (tabac de cape) et la variété Virginie pour la consommation de tabac narguilé dans les pays du Moyen-Orient. Oxyane s’est également associée à Traditab, société du Lot-et-Garonne à l’origine de la marque de tabac à rouler « 1637 ».

« Ces marchés spécifiques, à forte valeur ajoutée, offrent de véritables perspectives aux agriculteurs de notre territoire », souligne la coopérative. Car, selon Oxyane, cultiver du tabac représente un chiffre d’affaires de 12 à 15 000 € l’ha laissant une marge a minima de 5 000 € par ha. À condition toutefois de bien maîtriser l’itinéraire technique et de disposer d’une irrigation suffisante pour cette plante d’origine tropicale, en particulier au moment de l’écimage.

À noter, tabac et mélisse peuvent faire bon ménage car les techniques de plantation sont proches et les marges quasi équivalentes.

C. Ledoux

L’eau, « une gestion actuelle insupportable »

Invités à prendre la parole, les représentants de Jeunes Agriculteurs de la Drôme, de la chambre d’agriculture, du Cerfrance Drôme-Vaucluse et du Crédit Agricole Sud Rhône Alpes, entre autres, ont mis l’accent sur l’accompagnement des projets d’installation. Mais le coup de gueule de Jean-Michel Cotte sur l’eau, « à titre personnel » a-t-il précisé et non en tant qu’élu chambre d’agriculture, a retenu toute l’attention. « À cause du projet de réduction de 40 % des prélèvements d’eau pour l’irrigation dans le Nord-Drôme, des jeunes ont abandonné leur projet d’installation, a-t-il dit. La gestion actuelle de l’eau n’est plus supportable, particulièrement en Drôme des collines. Face aux incohérences, il faut tout remettre à plat et arrêter avec des prérequis qui sont faux sur la nappe du miocène, laquelle n’est pas en crise. »

Le sénateur Bernard Buis a partagé cette inquiétude, estimant notamment qu’« il faut pouvoir stocker davantage d’eau et plus facilement, tout en réfléchissant aux évolutions possibles dans les choix de productions ». « L’irrigation, c’est l’assurance installation », a ajouté un administrateur de Valsoleil. Pierre Jouvet, président de la communauté de communes Porte DrômArdèche, a pointé les fuites dans les canalisations d’eau potable, « problème à régler en priorité avant d’empêcher les agriculteurs locaux de produire ».

C. L.