Colloque
Des solutions pour coopérer face aux changements climatiques

Lors des rencontres de l’ingénierie publique le 6 octobre à Upie, le conseil départemental de la Drôme a proposé de scruter les effets des changements climatiques à la loupe. Objectif : partager les connaissances des acteurs locaux, dont le monde agricole, afin de trouver des solutions à échelle territoriale.

Des solutions pour coopérer face aux changements climatiques
Mathilde Desplanches, conseillère OUGC à la chambre d’agriculture de la Drôme, a présenté les différents enjeux de la gestion de l’eau. © EP

Organisées par le Département de la Drôme, les rencontres de l’ingénierie publique ont permis aux acteurs du territoire drômois de se questionner sur les effets des changements climatiques. Plusieurs thématiques étaient à l’ordre du jour, dont la coopération en agriculture concernant la gestion de l’eau ou encore le recyclage des eaux usées. La première partie de l’après-midi était dédiée aux projections climatiques présentées par deux salariés de Météo France : Jean-Baptiste Collombat (direction interrégionale centre-est de Météo France) et David Marchal (référent territorial Météo France).

Été 2022 : 40 nuits tropicales en Drôme

« Il faut distinguer la météo et le climat », a rappelé Jean-Baptiste Collombat. La météo, ce sont les températures qui permettent les prévisions alors que le climat est un ensemble de statistiques de températures sur une trentaine d’années. Le soleil, les éruptions volcaniques et les gaz à effets de serre ont des impacts naturels sur le climat. Mais une accélération des gaz à effet de serre dans l’atmosphère ces dernières années permet de certifier que l’impact des êtres humains est néfaste. Les deux experts ont d’ailleurs présenté des données éloquentes : depuis 1947 la région Rhône-Alpes a connu 39 vagues de chaleur, avec une concentration des plus fortes entre les années 1990 et 2020, la canicule de 2003 restant la plus marquante. L’été 2022 confirme la hausse des températures avec des nuits à 20 degrés ou plus.
« Pour ce qui est des précipitations, c’est beaucoup moins net, il y a une forte variabilité, explique Jean-Baptiste Collombat. Pour autant à précipitations constantes et avec la montée des températures, l’évapotranspiration s’accroît ». En clair, plus il fait chaud, plus les végétaux vont rejeter de la vapeur d’eau dans l’atmosphère et plus les eaux de surface vont s’évaporer en même temps. Cela provoque un assèchement des sols superficiels et un stress hydrique des plantes.

Des « projections » et pas des « prévisions »

Corroborés à ces augmentations de températures, les spécialistes observent un nombre de jours de pluies extrêmes (supérieurs à 200 millimètres cumulés) en forte augmentation. « Ce que l’on va voir dans le futur, ce sont des sécheresses plus longues, alternées avec des précipitations plus intenses, mais un ruissellement de l’eau dû à l’assèchement des sols ». Pour David Marchal, il ne fait aucun doute que « si on ne change rien, les températures extrêmes d’aujourd’hui seront les normales de demain ».
Malgré tout, les scénarios projetés lors des rencontres de l’ingénierie publique ne sont que des « projections » et pas des « prévisions » car il est impossible de prédire l’agissement des êtres humains dans le futur, notamment concernant les émissions de CO2. Et même si le scénario le plus vertueux se réalise, on ne pourra pas empêcher l’augmentation des températures jusqu’à 2040-2050. « Sur un scénario vertueux on peut limiter les dégâts de 2050 à 2100. En revanche, si nous atteignons des températures extrêmes, nous aurons dix fois plus de jours de vagues de chaleurs et cinq fois moins de jours de gelés dans la région lyonnaise », analyse le météorologue.

L’eau, une ressource à partager

David Marchal le rappelle, le Giec a identifié quatre grands risques concernant le changement climatique : les extrêmes chauds, l’agriculture, la pénurie d’eau et les inondations. Sur la Drôme, il souligne que le sud du département connaîtra probablement des difficultés liées à l’assèchement des sols. Ainsi, coopérer autour de la ressource en eau deviendra un enjeu majeur.
Mathilde Desplanches, conseillère OUGC (Organisme unique de gestion collective de l’eau) à la chambre d’agriculture de la Drôme, a présenté les différents enjeux de la gestion de l’eau. « En termes de volumes et d’impacts, l’irrigation est le plus gros usage de l’eau en agriculture, puis on trouve l’abreuvement, le lavage des installations et la transformation », explique-t-elle. Les OUGC ont pour mission de gérer les autorisations de volumes d’irrigation et leur répartition entre toutes les exploitations : « On a des objectifs de réduction de l’irrigation qui nous sont imposés par l’Etat pour atteindre un bon état du milieu ». Ainsi, diverses actions sont mises en place pour préserver les milieux comme des changements d’assolements, de pratiques d’irrigation ou des projets de substitution (par exemple à Allex-Montoison). « Mais toutes ces actions ne répondent pas en totalité aux objectifs qui sont fixés », indique Mathilde Desplanches. Concernant la répartition de l’irrigation, elle souligne aussi que l’OUGC travaille en interrogeant les agriculteurs en amont pour connaître leurs besoins en eau, les cultures plantées et leur surface. « Mais si on répondait à 100 % des besoins, on exploserait les objectifs », nuance la conseillère OUGC. Pour l’instant le dispositif est expérimental.
La chambre d’agriculture travaille également en partenariat avec tous les usagers de l’eau au sein d’un PTGE (projet de territoire pour la gestion de l’eau). « La grosse différence c’est qu’aujourd’hui nous travaillons à un plan d’action multi-usages alors qu’avant il y avait un plan par usage ». Ce dispositif ouvre donc la possibilité d’analyser les difficultés liées à l’eau sous tous les angles. Y compris celui du changement climatique. 

Elodie Potente

Recycler les eaux usées pour l’irrigation

Depuis 2019, l’association Biovallée travaille à un projet de recyclage des eaux usées pour l’irrigation. Après une première étude menée sur la vallée de la Drôme, Jérôme Veauvy, pépiniériste à Crest et administrateur au sein de l’association, a détaillé les aspects importants de ce projet. D’abord la sécurité, avec une vigilance particulière de l’ARS (agence régionale de santé) sur le sujet des risques bactériens de ces eaux recyclées et utilisées pour l’agriculture, mais aussi l’aspect économique avec encore une méconnaissance du prix de l’eau réinjectée dans les réseaux d’irrigation. Enfin, l’aspect technique est également un enjeu majeur. C’est pourquoi l’association étudie la faisabilité du projet sur Allex, Crest et Luc-en-Diois, où les stations d’épuration sont à côté des stations de pompage.