Patrimoine
L’usine des eaux de Caluire,  lieu unique en France

A Caluire-et-Cuire (Rhône), se cache un véritable trésor de l’histoire lyonnaise. Propriété de la Métropole de Lyon, le site de Saint-Clair abrite l’ancienne usine d’alimentation en eau de la ville, mise en service de 1856 à 1976. L’association « L’eau à Lyon et la pompe de Cornouailles » lutte depuis 2003 pour conserver ces précieux fragments d’histoire.

L’usine des eaux de Caluire,  lieu unique en France
Le bâtiment principal de l’usine des eaux, de style néoclassique, abrite notamment la pompe de Cornouailles. ©Charlotte Bayon

Bâtiment principal aux accents néoclassiques, accompagné de quatre autres bâtiments dont un laboratoire d’analyses, le site de Saint-Clair (Rhône) est conservé de manière quasi intacte. Depuis vingt ans, le président de l’association « L’eau à Lyon et la pompe de Cornouailles » et 
ingénieur hydraulique, Claude Frangin, s’évertue à tout mettre en œuvre pour conserver ce patrimoine ô combien précieux pour l’histoire de la ville, mais également pour le progrès en infrastructures hydrauliques.

Une alimentation en eau singulière

Lyon présentait des caractéristiques topographiques particulières. La présence des collines de Fourvière et de la Croix-Rousse générait, à l’origine, de grandes dénivellations du Rhône et de la Saône : une altitude de 160 m à la confluence du Rhône et de la Saône, et de plus de 300 m sur le plateau de Fourvière. Il a donc fallu s’adapter à ces particularités pour assurer l’alimentation en eau de la ville. Les Romains ont donc choisi les eaux à l’Ouest, dans les anciens monts du Lyonnais, pour leur qualité (petites rivières et sources à faible débit) et leur position géographique. Des siècles de progrès ont 
ensuite permis une alimentation en eau depuis 43 avant J.-C. jusqu’à aujourd’hui. 
Pour Claude Frangin, « nous avons tout à apprendre de ce lieu, il faut le conserver afin de savoir ce que l’on doit faire, mais également ce que l’on ne doit pas faire ». Des visites sont régulièrement organisées au cœur de cet ancien rouage du réseau d’eau potable lyonnais. En commençant par un hangar empli de pompes anciennes et d’objets étonnants, la visite se poursuit vers une salle de visionnage, dans laquelle quelques minutes de film permettent d’en apprendre davantage sur l’histoire de l’alimentation en eau de Lugdunum, l’ancienne capitale des Gaules.

La pompe de Cornouailles, une pompe à vapeur de 20 mètres de haut, utilisée jusqu’en 1910 et classée monument historique depuis 1991. © L’eau à Lyon et la Pompe de Cornouailles

Le bassin filtrant, joyau souterrain du site

Le bijou de la visite, c’est le bassin filtrant. Cet outil, inutilisé depuis 1976, a été construit pour alimenter une ville à forte concentration humaine, dont les services urbains alors faibles ont entraîné la pollution des fleuves. La situation est restée ainsi jusqu’au XIXe siècle, puisqu’en 1852, l’hydraulicien Aristide Dumont a proposé d’alimenter la ville avec les eaux du Rhône, filtrées par des pompes. C’est ainsi qu’est née la Compagnie générale des eaux, créée pour Lyon en 1853. Il faut s’aventurer au cœur de la vie souterraine lyonnaise pour découvrir le bassin filtrant, d’une surface de 1 600 m2, où il règne un calme absolu sublimé par une eau immobile et transparente. Qu’importe la température extérieure, le frais y est parfaitement conservé grâce à une architecture finement réfléchie. Et malgré les années passées et 
l’habitude, Claude Frangin est toujours subjugué par cette création. « Le bassin ne comporte ni fuite, ni fissure. La même eau y règne depuis 1976, mais elle est toujours aussi claire », assure-t-il. Passionné, le féru d’histoire insiste sur l’ingéniosité de cette construction, en réponse aux besoins en alimentation en eau de l’époque. Après avoir traversé les différents lieux de ce complexe historique, direction l’impressionnante pompe à vapeur, parfaitement conservée. C’est un ingénieur de l’usine des eaux qui a empêché la destruction de celle qu’il est aujourd’hui possible d’admirer à Caluire : la pompe de Cornouailles.

La pompe de Cornouailles, monument historique

Forte de ses 20 mètres de haut et de ses 13 mètres de large, la pompe de Cornouailles servait à puiser l’eau des bassins filtrants jusqu’en 1910. Selon Claude Frangin, « cette pompe est totalement unique en France, par la qualité de sa conversation, mais également par sa taille ». Après la création de la 
Compagnie générale des eaux en 1853, le maire de Lyon avait commandé trois pompes à vapeur à l’usine Schneider, située au Creusot (Saône-et-Loire). Leur but ? Servir à l’alimentation de la ville en eau pure. Cette pompe est classée monument historique depuis 1991 : un objet fondamental pour comprendre l’histoire de l’ingénierie et de l’alimentation de Lyon en eau. L’association « L’eau à Lyon et la pompe de Cornouailles » a à cœur de développer un patrimoine industriel, architectural et historique autour de ce site, pour la sauvegarde des techniques d’alimentation en eau et d’assainissement de Lyon et sa région, de l’Antiquité à nos jours. Le site constitue autant un lieu éducatif et culturel, qu’un centre de mémoire, utile pour le présent et pour l’avenir.

Charlotte Bayon

Le bassin filtrant souterrain de 1 600 m2, construit en voûtes sur piliers, a été utilisé jusqu’en 1976. ©Charlotte Bayon

Tout commence  à Lugdunum

Créée par Lucius Munatius Plancus en 43 avant J.-C., Lugdunum est construite sur la colline de Fourvière, non loin de nombreuses voies navigables. Son succès ne se fait pas attendre dans l’Empire romain, puisqu’elle est élevée au rang de capitale des Gaules par Auguste. Elle se dote donc d’édifices qui feront d’elle une ville très importante. En parallèle, elle doit assurer à ses habitants une eau de qualité en abondance. Fourvière étant l’épicentre de la cité, l’absence de force motrice ne permet malheureusement pas d’apporter l’eau de la Saône si haut. L’eau est d’ailleurs d’une qualité si médiocre que les Romains décident d’aller la chercher plus haut, au cœur des montagnes qui entourent la cité. Se construisent alors, au fil de l’eau, de nombreuses infrastructures telles que des aqueducs ou encore des puits ou des pompes manuelles.

Les aqueducs, symboles de l’histoire de l’eau

Quatre aqueducs romains subsistent encore et peuvent être admirés autour de la ville : Gier, Mont d’Or, Brévenne et Yzeron, tous situés dans les hauteurs lyonnaises. Ouvrage destiné à conduire l’eau, un aqueduc se trouve dans la direction d’une ou de plusieurs sources, plus ou moins abondantes, ou d’une rivière. Il capte la source et dirige l’eau vers la ville. Ces infrastructures sont encore bien conservées au sein de la ville, notamment dans la campagne lyonnaise. Elles font partie du paysage et participent, elles aussi, au partage de l’histoire de l’eau du territoire lyonnais.
C. B.