COOPÉRATIVE 
Drômoise de céréales : rester unis face à la financiarisation des marchés


Drômoise de céréales : rester unis face à la financiarisation des marchés
Lionel Eydant, président de la Drômoise de céréales. ©AD26-S.S.

Deux années totalement atypiques, c’est ce que vient de traverser la filière grandes cultures. La coopérative Drômoise de céréales n’a pas échappé à cette accumulation de conditions exceptionnelles, qu’il s’agisse du climat, de la situation sanitaire (Covid, grippe aviaire), sans oublier l’invasion Russe en Ukraine. Les bons rendements enregistrés en 2021 ont porté à plus de 279 000 tonnes le volume collecté par la coopérative, toutes productions confondues. C’est tout l’inverse pour 2022. Malgré de bonnes conditions de semis à l’automne, les rendements des céréales à paille et des cultures d’été ont été inévitablement altérés par la sécheresse et la canicule. « Nous enregistrons notre plus bas niveau de collecte depuis quinze ans », a déclaré Christophe Pelletier, directeur, dans son rapport d’activité. « Cette perte de tonnages n’est pas liée à une perte d’adhérents mais bien à l’effet climatique », a précisé le président Lionel Eydant.

Blé dur et orge, marchés favorables

Côté marchés, Christophe Pelletier a dressé les perspectives. « Sur le blé dur, nous sentons une demande de nos clients, notamment car les zones traditionnelles de production sont en train de se convertir à d’autres productions. Le besoin en blé dur est croissant alors que la tendance à la production est plutôt baissière [surface en baisse d’environ 5 % pour la coopérative entre 2021 et 2022, ndlr] », a détaillé le directeur. Il a invité les producteurs à rester prudents sur des productions plus confidentielles comme le sarrasin. « Les acheteurs ne viennent vers nous que s’ils n’en trouvent pas dans leurs bassins de production. » Pour l’orge, le directeur a souligné : « Les clients aiment la qualité de nos orges, sa couleur, sa capacité à floconner. Le débouché est intéressant et se tient ». En oléagineux, le contexte est plus tendu. Les cours du tournesol notamment sont très volatiles, soumis à de fortes spéculations. « Les prix ne sont pas garantis », a reconnu Christophe Pelletier. La question du bio est également épineuse. La dynamique de conversion ces dernières années a permis d’atteindre un potentiel de plus de 25 000 tonnes de collecte. Mais 2023 pourrait marquer l’arrêt de ces conversions, avec une forte diminution de la consommation nationale en bio. Le directeur mise donc sur une consommation régionale, dans un bassin où la population continue de croître et où le pouvoir d’achat reste supérieur à celui d’autres régions. Il avertit toutefois : « Le bio pour l’alimentation humaine est en difficulté. Nous croyons encore au bio [maïs et soja] pour l’alimentation animale, notamment pour la production d’œufs bio que le consommateur est encore disposé à acheter. »

« Tout se joue à quelques heures »

« En termes de débouchés, la Drômoise de céréales est très ancrée dans son territoire, a rappelé Martial Guerre, responsable de la commercialisation. Notre blé tendre, par exemple, est consommé à 90 % dans le grand quart sud-est, dont plus de 50 % par des fabricants de la Drôme, Ucab principalement. » Idem en orge, seulement un tiers des volumes de la coopérative est exporté. Attention toutefois à ne pas trop réduire la capacité d’exportation, a averti Martial Guerre.

Outre la multitude de crises traversées par l’agriculture, un autre sujet inquiète les dirigeants de la Drômoise de céréales : la financiarisation des marchés des matières premières qui amplifie la volatilité des prix. « Le marché aujourd’hui n’est plus une simple confrontation de l’offre et de la demande, a insisté Martial Guerre. Depuis février 2022, nous assistons à de grosses variabilités des prix au sein d’une même journée. » Tout peut se jouer à quelques heures d’intervalle. « Sans oublier que, sur le marché à terme, à chaque fois que nous vendons un lot, la banque nous demande des garanties [les déposits, revus à la hausse depuis la guerre en Ukraine] », poursuit-il. Des mécanismes qui exigent d’avoir « les reins solides ». « Quand nous devons définir des acomptes, nous nous grattons la tête un moment pour conforter les agriculteurs sans mettre en difficulté la coopérative », a reconnu Lionel Eydant. Avant de conclure dans son rapport d’orientation, « la mission de notre coopérative sera de permettre à ses adhérents de produire davantage en inventant un cadre les mettant à l’abri de ces volatilités meurtrières. Ce cadre nous ne pourrons pas le bâtir seuls ; nous aurons besoin de tous les acteurs du monde agricole, en commençant par nos partenaires banquiers, mais aussi tous les acteurs de l’aval de nos filières confrontés aux mêmes tourmentes ».

À noter, le président de la chambre d’agriculture de la Drôme, Jean-Pierre Royannez, a profité de cette assemblée générale pour informer des dernières avancées sur le dossier de l’irrigation. Il a également invité les agriculteurs à faire réaliser au plus vite leur conseil stratégique phytosanitaire (CSP). Dès le 1er janvier 2024, celui-ci sera obligatoire pour le renouvellement du Certiphyto. Or c’est au minimum 2 500 exploitations en Drôme qui doivent réaliser ce CSP en 2023. C’est pourquoi, il est urgent de prendre rang dès à présent pour réaliser cette démarche.

Sophie Sabot

Jean-Charles Denis prendra la direction en avril
Jean-Charles Denis, Lionel Eydant et Christophe Pelletier.
Passage de relais

Jean-Charles Denis prendra la direction en avril

L’assemblée générale du 15 décembre a été l’occasion de présenter Jean-Charles Denis. Dans quelques mois, il succédera à Christophe Pelletier, directeur de Valsoleil et de la Drômoise de céréales.

Âgé de 40 ans, Jean-Charles Denis dirigeait depuis quatre ans la coopérative Calipso dans la Somme ainsi que l’Union des coopératives agricoles de la région d’Abbeville (Ucara). Auparavant, il était directeur céréales du groupe coopératif Lorca, implanté dans l’Est de la France. Sans oublier un passage au début des années 2010 par la Dauphinoise en tant que responsable commercial céréales. « J’ai fait toute ma carrière dans la coopération en commençant par être saisonnier dès l’âge de 18 ans pour financer mes études », a indiqué Jean-Charles Denis. Jusque fin mars, il occupera la fonction de directeur adjoint, aux côtés de Christophe Pelletier qui fera valoir ses droits à la retraite fin avril.

Le président, Lionel Eydant, a profité de cette assemblée générale, la dernière en tant que directeur pour Christophe Pelletier, pour lui adresser toute sa reconnaissance. « Je ne l’ai jamais vu baisser les bras. Il a fait son travail avec cœur et ambition. Ce qu’il a apporté à l’agriculture régionale est immense », a-t-il déclaré. Des propos suivis d’une salve d’applaudissements des adhérents et partenaires présents. « Je tiens à démystifier : ce n’est pas le directeur mais le conseil d’administration qui fait le travail, a aussitôt répondu Christophe Pelletier. C’est aussi les équipes, la disponibilité des outils, des hommes, leur dévouement. » Visiblement ému, le directeur de la coopérative a souhaité à son tour applaudir les adhérents et responsables de la coopérative « pour le système que vous avez su conserver et que je vous invite à préserver demain encore. »

S. Sabot