Fourrages pour les ovins : s’adapter au changement climatique
À l’automne, une journée sur les fourrages ovins dans un contexte de changement climatique a été organisée par la chambre d’agriculture et la fédération départementale ovine. Elle s’inscrit dans le cadre du projet Tiga (territoires d’innovation grandes ambitions) dont les intercommunalités de la vallée de la Drôme et l’association Biovallée ont été lauréates en 2019. L’occasion de découvrir les tests réalisés par les agriculteurs et de les accompagner sur le chemin de l’expérimentation.

David Vieux est éleveur de brebis et de vaches à Saint-Julien-en-Quint. Pour nourrir ses animaux hors des temps d’estives, il a testé le semis de sorgho multicoupes, de betteraves ou encore de chicorée. Si cette combinaison est en phase d’expérimentation, l’éleveur semble satisfait de cette solution.
Oser expérimenter différentes solutions
Au Gaec de Villeneuve, David Vieux expérimente depuis 2021 la combinaison de différentes solutions pour nourrir ses 400 brebis et 12 vaches. D’abord, l’éleveur a semé avec son fils, futur installé sur la ferme, du sorgho multicoupes sur 4,5 hectares. Lors de la journée “fourrages ovins face au changement climatique”, en présence d’éleveurs, de techniciens de la chambre d’agriculture et de la fédération départementale ovine, il est revenu sur cette première année d’expérience. « J’ai semé 20 kg par hectare, début juillet 2021, derrière une avoine de printemps déjà pâturée pour ne pas laisser le sol nu. Puis j’ai récolté fin septembre après avoir fauché et laissé sécher pendant dix jours », détaille-t-il. Il a également implanté du sorgho sur une parcelle d’un hectare où du thym était présent. Après avoir récolté le thym, puis déchaumé et passé la rotative, l’agriculteur a semé mi-juin. « J’y ai fait pâturer 55 bêtes pendant 18 jours en septembre », témoigne-t-il. Pour Jean-Pierre Manteaux, conseiller à la chambre d’agriculture sur l’adaptation au changement climatique de la production fourragère, « si le sorgho fait moins de 50 centimètres, il est toxique pour les animaux. Si on veut le pâturer à ce stade, il est nécessaire de faire du topping. Avec une fauche de pré-pâturage, après la coupe le taux de toxicité chute en quelques heures. »
Pour nourrir ses cochons, David Vieux a planté des betteraves qu’il donne également à ses brebis. La variété brigadier est bien adaptée.
Chicorée et betteraves en complément
Sur une prairie à côté de la ferme, David Vieux a semé de la chicorée, du plantain et un mélange multi-espèces. « J’ai semé fin avril 2021, je cherchais du tanin et de la résistance au sec », explique l’agriculteur. En semant 5 kg de chicorée, 5 kg de plantain et 20 kg de multi-espèces, David Vieux a vu sa parcelle dominée par la chicorée. « Tu as mis la dose, commente Jean-Pierre Manteaux. Normalement, dans une prairie multi-espèces, on met 500 grammes de chicorée pour une couverture du terrain à 20 %. Le problème de la chicorée c’est qu’elle capte énormément d’azote donc elle est très concurrentielle ».
Mais cette pratique de David Vieux est tout de même intéressante car dans son mélange multi-espèces, le ray-grass hybride prend habituellement beaucoup de place et finit par disparaître au bout de deux à trois ans. Or, sur le terrain de l’agriculteur, la chicorée a pris tant de place que le ray-grass est moins présent. L’agriculteur y a fait pâturer ses bêtes trois fois au printemps 2022, une fois en été et une fois cet automne. La chicorée est une bisannuelle, elle ne dure normalement que deux ans, mais elle se ressème et sa pérennité est au moins de quatre ans. L’avantage est que « la chicorée et le plantain sont tous les deux antiparasitaires, comme le sainfoin et le lotier », indique Jean-Pierre Manteaux.
Betteraves en petite quantité
Pour compléter ses expérimentations, David Vieux a semé des betteraves fourragères pâturables. À l’origine pour ses cochons, elles ont finalement été données aussi aux brebis. « L’an dernier, ça a super bien pris et j’ai donné les betteraves entières dans les râteliers, en complément », souligne-t-il. Mais cette année il y a moins de pousse, d’autant que les betteraves demandent un certain travail : il faut les éclaircir et faire des calculs de ration car elles sont très riches en sucre. « Il faut faire gaffe qu’une seule brebis ne mange pas une grosse betterave, précise Jean-Pierre Manteaux. Les betteraves c’est super en complément du foin mais on doit les rationner, il ne faut surtout pas les laisser en libre-service. Pour les vaches laitières, on ne dépasse pas les 10 à 15 % de la ration. Pour des brebis non suitées, 5 à 10 % devraient suffire. »
Elodie Potente
Au Gaec de la Scie, sursemis de prairie et dérobée d’automne

Au Gaec de la Scie, à Marignac-en-Diois, Jean-Denis Ravel cultive des céréales, de la lavande et du lavandin et élève 230 brebis. Pour densifier une de ses parcelles qui manquait de graminées et où la luzerne dominait, l’agriculteur a fait un sursemis de multi-espèces composé de ray-grass, dactyle et fétuque en septembre 2022. « J’ai utilisé une herse roulante qui évite de détruire la luzerne en remuant bien la terre, puis j’ai semé au semoir à céréales et j’ai passé la herse étaleuse derrière », explique-t-il.
Pour Jean-Pierre Manteaux, conseiller à la chambre d’agriculture, le sursemis a fonctionné : « On voit le ray-grass. En général, dans un sursemis de graminées c’est ce qui nous permet de dire que ça a marché car la fétuque et le dactyle arriveront plus tard ». Le ray-grass résiste moins bien aux fortes températures et aura tendance à disparaître. Le technicien a également constaté la présence de brome dressé dans la parcelle, souvent présent en fond prairial.
L’avoine de printemps, une solution peu chère
Sur une deuxième parcelle, Jean-Denis Ravel a semé une dérobée d’avoine blanche de printemps en août 2022. « J’ai fait un semis sur chaume avant les pluies du 15 août », souligne-t-il. Lors de la journée organisée fin octobre par la chambre d’agriculture et la fédération départementale ovine, elle mesurait un mètre de haut. L’avantage est qu’elle coûte peu cher, mais pour parfaire sa prairie et la diversifier, l’agriculteur estime qu’il aurait fallu y mettre du colza et du chou fourrager.
Un affouragement en vert a déjà été réalisé, même si Jean-Denis Ravel indique que ce n’est pas le plus pratique en termes de temps et d’organisation, car sa bergerie n’est pas forcément adaptée pour la distribution. « Il faudrait une installation pour pouvoir faire passer l’autochargeuse ou des tapis », souligne-t-il. Pour le reste de la parcelle, il envisage donc d’enrubanner mais reste inquiet des températures à venir : « Si ça gèle en novembre, ça va devenir pâteux et lorsque l’on enrubanne ce n’est pas bon ». Si ce n’était pas la période de mise bas, les brebis l’auraient pâturée. Pour s’adapter au changement climatique, Jean-Pierre Manteaux suggère de faire un méteil avec « une production avant l’hiver en mettant de l’avoine de printemps et une partie avoine d’hiver avec du blé ou du triticale et de la vesce, qui seront moins développés en automne mais seront présents après l’hiver ».
L’avoine blanche de printemps a l’avantage de ne pas coûter cher. Sur cette parcelle du Gaec de la Scie, elle mesure un mètre de haut.
Sursemis de légumineuses
L’agriculteur a également bénéficié d’un conseil sur une petite parcelle du Gaec de la Scie semée il y a une dizaine d’années et laissée libre. Pour rentabiliser cette prairie, il pourrait venir sursemer des légumineuses. Mais pour que cela fonctionne, il faudrait qu’il y mette son troupeau pour y pâturer cet hiver, afin que la prairie soit propre. « Le couvert ne doit pas être trop haut, il faut raser l’herbe avant de sursemer pour favoriser le contact graine-sol et limiter la concurrence après la levée. On pourrait imaginer un sursemis avec de la luzerne pour compléter, avec du trèfle et du lotier », souligne Jean-Pierre Manteaux.