SANITAIRE
La besnoitiose sous haute surveillance en Drôme


La besnoitiose sous haute surveillance en Drôme
« La besnoitiose est une maladie opportuniste qui peut se réveiller chez les animaux porteurs dès qu’un autre élément perturbe l’immunité du troupeau », avertit Martin Brusselle, vétérinaire du GDS 26. © GDS 26

« En Drôme, la besnoitiose peut être considérée comme l’inquiétude principale en élevage bovin, qu’il s’agisse d’allaitant ou de laitier », annonce le docteur Martin Brusselle, vétérinaire conseil du groupement de défense sanitaire (GDS) départemental. Difficile pourtant d’identifier l’ampleur de sa propagation puisque la besnoitiose ne figure pas dans la liste des maladies réglementées et ne fait donc pas l’objet d’un dépistage généralisé.

État des lieux sur troupeaux allaitants

Les éleveurs laitiers, adhérents du GDS 26, bénéficient d’une surveillance via les prélèvements effectués trois fois par an sur le lait de tank. « Si des anticorps sont identifiés dans le lait, nous proposons à l’éleveur un dépistage sur les animaux », commente le vétérinaire. En revanche, aucun dépistage de grande ampleur n’avait jusqu’alors été réalisé dans les élevages allaitants. D’où le lancement d’un état des lieux en décembre 2021 par le GDS 26 qui prévoyait un dépistage sur près de 4 000 bovins dans 318 cheptels allaitants volontaires. Les prélèvements ont été effectués en parallèle de la prophylaxie obligatoire pour limiter les frais vétérinaires et les analyses ont été prises en charge à 100 % par la caisse « coups durs » du GDS. En cas de résultat positif ou douteux, une confirmation de l’analyse (western blot) a été effectuée au laboratoire de l’Anses à Maisons-Alfort. Le coût de cette analyse a été partagé entre l’éleveur et le GDS.

Fin novembre, 3 781 animaux dans 276 cheptels avaient pu être testés. 205 bovins sont ressortis positifs dans 42 élevages, soit 15 % des élevages dépistés. « Attention cet état des lieux reste un sondage. Dans chaque élevage, seulement une partie des animaux a été analysée. Certains ont voulu dépister l’ensemble de leur troupeau suite à des résultats positifs. Pour ceux qui ne l’ont pas fait, on ne sait pas jusqu’à quel point l’élevage est touché. Quant à ceux qui n’ont pas révélé d’animaux positifs, mieux vaut rester vigilant. Il est possible que le dépistage soit passé à côté », commente Martin Brusselle.

Le Vercors et le pays de Dieulefit touchés

En Drôme, deux zones endémiques avaient jusqu’à présent été identifiées : le secteur de Lus-la-Croix-Haute et l’extrémité des Baronnies à la limite avec les Hautes-Alpes. En Drôme des Collines, l’état des lieux a montré que la présence de la maladie s’était étendue. Plus inquiétant encore : la besnoitiose a aussi gagné d’autres territoires comme le Vercors, le secteur de Barbières ou le pays de Dieulefit.

Martin Brusselle appelle donc les éleveurs à la vigilance (lire ci-dessous ses conseils). « La détection de la besnoitiose dans un cheptel est souvent difficile à accepter lorsqu’il n’y a pas d’expression clinique et que l’éleveur juge ses animaux en parfait état. Mais, même sans symptômes, la maladie peut avoir des effets sub-cliniques avec des résultats techniques altérés, des risques de stérilité chez les mâles… », rappelle-t-il. En Drôme, quinze exploitations ont déjà souscrit un plan d’assainissement suivi par le GDS et quinze autres un plan de surveillance.

Sophie Sabot

Premiers cas identifiés en Drôme dans les années 2000
La sclérodermie survient dans la phase finale de la maladie. © GDS26

Premiers cas identifiés en Drôme dans les années 2000

Décrite pour la première fois au début du XXe siècle, la besnoitiose aurait progressé d’Afrique du Nord, où des bovidés type zébu ont pu être atteints, vers l’Europe du Sud. En France, les régions Paca et Occitanie ont été touchées dès les années 1980. « En Drôme les premiers cas identifiés remontent au début des années 2000 », précise Martin Brusselle. Si la besnoitiose est bel et bien présente dans le département, elle l’est souvent de façon insidieuse. Selon des études conduites sur la maladie, il est admis que sur six bovins touchés, cinq vont rester asymptomatiques. Mais la situation peut très vite se dégrader, à la faveur d’un stress dans l’élevage. « Il s’agit d’une maladie opportuniste qui peut se réveiller chez les animaux porteurs dès qu’un autre élément perturbe l’immunité du troupeau », avertit Martin Brusselle. Le vétérinaire alerte aussi sur le risque de voir se propager silencieusement la maladie, à l’intérieur du troupeau ou vers les troupeaux voisins, via des piqûres d’insectes.

S.Sabot 

Transmission et symptômes
Des microkystes sur le globe oculaire sont un signe absolu de besnoitiose. © cabinet vétérinaire de l’Avec.
BESNOITIOSE

Transmission et symptômes

La besnoitiose est une maladie provoquée par un parasite du groupe des coccidies. Celui-ci se transmet de bovin à bovin par des piqûres d’insectes (taons, stomoxes) voire par l’utilisation d’aiguilles à usage multiple. Après inoculation, le parasite se multiplie et peut envahir l’ensemble des organes. Il y forme des milliers de petits kystes parasitaires pouvant persister toute la vie du bovin. Bien que les symptômes puissent n’affecter que quelques individus dans un cheptel, souvent des lots entiers sont contaminés.

Pour les animaux symptomatiques, la maladie s’exprime en général une semaine après la contamination et comprend trois phases successives.

1 - La phase fébrile, qui dure trois à dix jours. L’animal présente une forte fièvre (40 à 41°C), est abattu, ne bouge plus. Yeux et nez peuvent couler. À ce stade, les symptômes peuvent ressembler à d’autres maladies et il est parfois difficile d’identifier la besnoitiose.

2- La phase des œdèmes qui peut durer une à deux semaines. La température est alors retombée mais des œdèmes peuvent apparaître partout où le parasite s’installe (zones qui ont pu être piquées) : tête, membres, sous le cou...

3 - La phase de sclérodermie : la peau se dessèche, se crevasse et le bovin perd ses poils. L’évolution de la maladie est alors inéluctable vers la mort de l’animal. À ce stade, seuls des traitements pour calmer les souffrances et éviter les infections là où la peau se craquelle sont envisageables.

« Chez les bovins asymptomatiques, un signe peut également être décelé : la présence de kystes sur le globe oculaire. Ces kystes sont un signe absolu de besnoitiose », précise Martin Brusselle, vétérinaire du GDS 26.

À noter : il n’existe pas de vaccin et aucun traitement ne permet de guérir de la maladie. Sur avis du vétérinaire, un traitement à base de sulfamides durant la première phase de la maladie (phase fébrile) peut permettre d’envisager une évolution favorable. Toutefois, l’animal restera porteur à vie du parasite et devra être éliminé car il constitue un réservoir de contagion.

Source : GDS France

Les conseils du GDS 26 face à la besnoitiose
Martin Brusselle, vétérinaire conseil du GDS 26. ©AD26-S.S.

Les conseils du GDS 26 face à la besnoitiose

« Le premier conseil est d’être vigilant lors de l’introduction d’animaux dans son cheptel. En Drôme, le pack intro bovin est obligatoire depuis 2018. Il comprend le dépistage de l’IBR, de la BVD, de la besnoitiose (bovin de plus de 6 mois) et de la paratuberculose (bovin de plus de 24 mois) », rappelle Martin Brusselle. Au moindre doute sur la présence de besnoitiose dans son troupeau, « il faut faire dépister », insiste le vétérinaire. Tout éleveur adhérent confronté à un bovin confirmé positif peut entrer dans le plan d’assainissement proposé par le GDS 26. L’éleveur s’engage alors à faire tester tous ses animaux au moins une fois par an (frais véto pris en charge à 50 % et frais d’analyse à 100%, subventions Conseil Départemental de la Drôme). Un calendrier de réformes des animaux positifs est défini, échelonné dans le temps selon le nombre d’animaux concernés. S’il y a peu d’animaux positifs, la règle est de les faire partir le plus rapidement possible. Dans ce cadre, les éleveurs bénéficient d’une subvention du FMGDS (fonds de mutualisation sanitaire des GDS géré par GDSFrance). Le dernier point important de ce plan est l’information des éleveurs voisins et la gestion du risque de transmission en évitant la proximité des bêtes concernées avec d’autres troupeaux. « Nous proposons également aux éleveurs voisins d’entrer en plan de surveillance. Ils bénéficient alors d’une prise en charge pour les analyses », précise Martin Brusselle. Il est aujourd’hui difficile d’empêcher la besnoitiose de se propager d’autant qu’il reste des zones d’ombre sur les voies de transmission du parasite. L’expansion de la maladie sur le territoire national a toutefois conduit GDS France à alerter les pouvoirs publics pour obtenir des mesures « avant que la besnoitiose ne devienne ingérable à l’échelle nationale ». « La bonne volonté, la vigilance sont les seuls moyens qu’on a pour l’instant de limiter sa propagation », conclut Martin Brusselle.

S.Sabot

Pour plus d’informations, contactez le GDS 26 au 04 75 78 48 30.