L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a rendu, le 20 janvier, un avis de 80 pages dans lequel elle recommande de renforcer la surveillance des zones à risque. Objectif : limiter au maximum la dissémination des graines OGM.
« Fin février 2022, du colza génétiquement modifié (OGM) non autorisé à la culture a été retrouvé en bordure de route par l’Association Inf’OGM, sur une zone industrialo-portuaire à proximité de Rouen », indique l’Anses dans un avis publié le 20 janvier. Selon l’Agence, « cette découverte pourrait venir probablement et en grande majorité de pertes liées au transport par brouettage (camion-benne, ndlr) des graines », écrit-il. C’est cette association qui, fin février 2022, avait repéré des plants de colza en bord de route, sur de très petites surfaces. Elle a décidé de les faire analyser et le résultat a indiqué la présence d’un transgène. Alerté, le ministère de l’Agriculture a réalisé des prélèvements quelques semaines plus tard aux mêmes abords et les analyses effectuées par le laboratoire BioGEVES (*), laboratoire national de référence, sont parvenues à la même conclusion. En conséquence, le ministère a demandé la destruction des plants puis, dans la foulée, a saisi l’Anses.
Plan d’action
Les investigations menées par les fonctionnaires de la rue de Varenne ont relié cette dissémination de colza génétiquement modifié à l’usine Saipol. L’Anses souligne dans son avis, que « les procédures mises en place par l'usine Saipol et visant à limiter la dissémination des graines lors du transport sont insuffisantes ou incorrectement mises en place ». Mais un « plan d'action mis en œuvre pour éviter la dissémination de graines a été renforcé », a souligné un responsable de Saipol-Rouen contacté par nos confrères de l’AFP. En effet, le colza est une plante extrêmement volatile et l'Anses estime que les gènes modifiés peuvent s'hybrider avec les cultures locales, notamment par dispersion du pollen. En fait, selon l’Anses, trois types de colza peuvent s’hybrider génétiquement avec des espèces sauvages apparentées. Il est à noter qu’une autre usine Saipol, basée à Sète (Hérault), a fait l’objet d’un signalement pour un fait similaire, ce qui a déclenché une autre analyse des services du ministère de l’Agriculture.
Risque négligeable
Dans son avis, l’Anses parle bien de « dissémination accidentelle ». Mais l’Agence n’est pas parvenue à « déterminer, à partir des éléments disponibles, la date des évènements ayant conduit à cette dissémination de graines de colza génétiquement modifiées ». Même si elle estime que le « risque de contamination de semences par des colzas génétiquement modifiés (OGM) lié à la dissémination accidentelle de ces graines est donc considéré comme négligeable », elle recommande de renforcer la surveillance des zones à risque en termes de dissémination de graines transgéniques notamment dans toute la chaîne logistique : ports, usines, lignes ferroviaires, voies fluviales et routes. Elle recommande aussi de charger les bennes en graines à seulement 80 %, de contrôler l’étanchéité des joints de portes des bennes, ces derniers devant être « changés au minimum une fois par an ». Par ailleurs, l’Agence préconise le nettoyage des bennes avant et après utilisation, de bâcher ces dernières pendant les trajets allers et retours et de former les chauffeurs à ce type de transport. Enfin, l’Anses demande que « les mesures de surveillance soient maintenues pendant au moins dix ans après l’arrêt des importations de graines provenant de pays cultivant des variétés de colza OGM ». Ces mesures ne pourront ensuite « s’arrêter que si aucune plante OGM n’est détectée pendant deux années consécutives », souligne l’avis. En France, la culture de plantes OGM à des fins commerciales est interdite depuis 2008.
Christophe Soulard
(*) Laboratoire de biologie moléculaire et de biochimie du groupe d'étude et de contrôle des variétés et des semences