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Crozes-Hermitage : « L’irrigation n’est pas une méthode culturale pour l’AOP »

En assemblée générale du syndicat des vignerons de l’AOP Crozes-Hermitage, l’irrigation des vignes a fait l’objet d’échanges avant une mise au point.

Crozes-Hermitage : « L’irrigation n’est pas une méthode culturale pour l’AOP »
À la tribune, Paul Marson (responsable du service des crus au Syndicat des vignerons des Côtes-du-Rhône), Jean Gabert (directeur de la Maison des vins de Tain-l’Hermitage), Jean-Pierre Royannez (président de la chambre d’agriculture de la Drôme), Pierre Combat (président de l’ODG Crozes-Hermitage), Yann Chave et Sébastien Lacroix (membres de l’ODG). Sandrine Pereira, maire d’Érôme, était également présente.

Après un été 2022 anormalement chaud et sec et un hiver déficitaire en précipitations, l’accès à l’eau demeure une préoccupation majeure des exploitants agricoles, y compris chez les viticulteurs. Lors de l’assemblée générale de l’organisme de défense et de gestion (ODG) de l’appellation Crozes-Hermitage, le 15 mars à Érôme, son président, Pierre Combat, a tenu à rappeler que « l’irrigation n’est pas une méthode culturale pour l’AOP », avant d’ajouter : « L’irrigation ne peut être une solution que si tout a été mis en œuvre auparavant pour limiter le stress hydrique de nos vignes ». Par ailleurs, « irriguer avant le 1er mai ne sert qu’à faire pousser l’herbe, gaspiller de l’eau, se faire mal voir par la société et n’apporte rien à la vigne », a-t-il poursuivi.
Cette mise au point étant faite, Pierre Combat a fait part du travail en cours pour préparer les demandes de dérogation à l’irrigation en 2023. « La commission technique de l’ODG travaille afin d’avoir de nouveaux outils d’aide à la décision en complément de ceux déjà existants », a-t-il précisé. L’an dernier, 400 hectares ont été irrigués.

« Pas de vignes sous perfusion »

Interrogé sur la possibilité de créer des installations fixes d’irrigation de type goutte à goutte, Pierre Combat a répondu que le conseil d’administration de l’ODG Crozes-Hermitage ne l’autorise pas. « Notre arrosage, c’est pour remplacer l’orage du 14 juillet. Ce n’est pas pour mettre nos vignes sous perfusion, a-t-il souligné. Nous sommes un cru des Côtes-du-Rhône septentrional avec une certaine image et une notoriété qui nous permet de bien commercialiser nos vins. Attention à ne pas tout détruire en faisant n’importe quoi. »
Jean-Pierre Royannez, président de la chambre d’agriculture de la Drôme et de l’Organisme unique de gestion collective (OUGC) des prélèvements d’eau à usage d’irrigation agricole, a insisté sur « la nécessité d’optimiser au maximum les volumes d’eau disponibles ». Par ailleurs, il a présenté le nouvel arrêté « sécheresse » applicable cette année sur le département de la Drôme. En situation d’alerte, la réduction des prélèvements sur les cours d’eau et les forages est fixée à 25 % (contre 20 % auparavant). En alerte renforcée, les restrictions passent à 50 %, avec un arrêt des irrigations de 7 h à 19 h. En cas de crise, tout prélèvement sera strictement interdit sur les cours d’eau superficiels, avec cependant une dérogation pour les modes d’irrigation de type goutte à goutte et micro-jets. « Nous avons pu maintenir les prélèvements souterrains (nappes) avec 64 % de restriction assortis d’une interdiction de prélèvement de 7 h à 19 h, ainsi que du samedi matin 7 h jusqu’au lundi 19 h », a-t-il ajouté. À noter, ces restrictions ne s’appliquent pas à l’eau du Rhône et de l’Isère, ressources encore considérées comme « sécurisées ». Pierre Combat a convié les vignerons de l’appellation à « tout mettre en œuvre pour que les vignobles résistent le mieux possible au stress hydrique ».

Faible rendement en 2022

Revenant sur le millésime 2022, « les parcelles de blancs ont été vendangées dès la fin août afin de sauvegarder des équilibres naturels au niveau acidité », a relaté Pierre Combat. En rouge, les vendanges se sont déroulées la première quinzaine de septembre, la maturité phénolique étant atteinte avec des degrés corrects. « Nous avons réalisé des vendanges peu quantitatives, mais qualitatives, a-t-il ajouté. Compte tenu des conditions météorologiques, nous ne pouvons qu’être satisfaits du résultat obtenu. »
Les volumes produits totalisent 73 389 hectolitres (65 805 en rouge et 7 584 en blanc), soit pour une surface de 1 964 hectares un rendement moyen de 37 hl/ha. « Depuis 2010, c’est le rendement hectare le plus faible, et ce malgré l’agrandissement du vignoble. La sécheresse a eu un fort impact », a fait remarquer Paul Marson, responsable du service des crus au syndicat des vignerons des Côtes-du-Rhône.
Par ailleurs, s’agissant des demandes d’autorisation de plantation pour la saison 2023-2024, le conseil d’administration de l’ODG Crozes-Hermitage a limité le contingent à 60 hectares. 
Enfin, un point a été fait sur le marché aux vins organisé lors de la première édition du Grand week-end des Crozes-Hermitage, en avril. « Ce fut un franc succès dans tous les domaines, a indiqué Pierre Combat. De plus, bon nombre de jeunes vignerons ont appris à se connaître et viennent de créer un petit groupe, ce qui ne peut être que bénéfique pour l’avenir de notre appellation. » La seconde édition aura lieu du 14 au 16 avril, à Mercurol.

Christophe Ledoux
 

AOP Crozes-Hermitage : tension sur les stocks

Selon l’analyse d’Inter Rhône, l’appellation Crozes-Hermitage présente un bilan 2021-2022 « positif sur tous les plans » avec des sorties de chais très dynamiques, que ce soit en conditionné (+ 58 %) ou en vrac (+ 8 %). Actuellement, « les sorties de chais ralentissent ». Seul bémol, la tension sur les stocks qui représente désormais « moins neuf mois » de vente. À noter, les transactions en vrac ont bondi de 27 %. 
Sur le plan commercial, Inter Rhône observe un recul des ventes en grande distribution (- 9,2 %) sur douze mois (au 29 janvier 2023), mais l’AOP Crozes-Hermitage reste la plus présente dans les rayons (dans 87 magasins sur 100). Chez les cavistes, elle figure parmi le top 10 des AOP (enquête entre octobre 2021 et avril 2022) ; sur le segment CHR (café, hôtels, restaurants), son taux de présence est de 40 % (entre mars 2020 et juillet 2022). Sur douze mois, les exportations sont estimées à 27 % du total des sorties de chais, avec une progression en volume et en valeur malgré un tassement lié au conflit russo-ukrainien. 

Plan de filière viticole : enjeux et aides
Isabelle Seigle-Ferrand, déléguée générale du Comité vin Auvergne-Rhône-Alpes.

Plan de filière viticole : enjeux et aides

Dans le cadre de la programmation Feader* 2023-2027, un plan de filière viticole a été acté pour soutenir les investissements autour de quatre axes :

  •  l’adaptation des productions aux enjeux environnementaux et sociétaux avec notamment des aides à la production, aux plantations nouvelles pour les jeunes installés, un soutien aux pépinières viticoles ;
  •  la création de valeur, le développement économique et la conquête de nouveaux marchés avec notamment des aides à l’investissement dans les caveaux (vente directe, dégustation...), à la digitalisation, pour la promotion et la notoriété des vins (salons et actions de communication)ainsi qu’un soutien aux projets de structuration de la filière ;
  •  le développement de l’œnotourisme et le renforcement de l’image de la viticulture d’Auvergne-Rhône-Alpes à travers, entre autres, le dispositif DTour ;
  •  l’animation et les démarches prospectives avec des soutiens aux projets mutualisés, à la valorisation des métiers et des formations viticoles, à la communication.
    « Il ne faudra pas tarder à déposer les dossiers car le fonctionnement de ce plan se fera non plus au fil de l’eau, mais en appels à projets », a souligné Isabelle Seigle-Ferrand, déléguée générale du Comité vin Auvergne-Rhône-Alpes. 

* Feader : Fonds européen agricole pour le développement rural.

L’AOP recherche des traces de son histoire

Dans le cadre de sa communication, l’AOP Crozes-Hermitage recherche des traces de son histoire : écrits, photos, plans… Les documents sont à transmettre à la Maison des vins de Tain-l’Hermitage. Une fois numérisés, ils seront rendus à leur propriétaire respectif. 

Les adhérents de l’ODG Crozes-Hermitage ainsi que les invités présents à l’assemblée générale, le 15 mars à Érôme.