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Syndicalisme

JA 26 :  l’énergie  au cœur  des débats

Face à la hausse des prix de l’énergie, à la montée de l’agrivoltaïsme et au risque de dépendance énergétique, les Jeunes Agriculteurs de la Drôme ont proposé une journée sur l’énergie lors de leur assemblée générale.

JA 26 :  l’énergie  au cœur  des débats
Les participants à l’assemblée générale des Jeunes Agriculteurs de la Drôme, à Fauconnières près de Montélier. © plb

«L’énergie est au cœur de nos exploitations. Elle soulève beaucoup de questions. On nous demande, par exemple, de fournir de l’électricité : les Jeunes Agriculteurs ne sont pas tous favorables pour suivre cette démarche. Il nous faut étudier l’existant, ce que l’on peut produire sans pénaliser les autres cultures, sans nuire au foncier. » C’est en ces termes que le président des Jeunes Agriculteurs de la Drôme (JA 26), Yvan Jarnias, a ouvert la journée consacrée à l’énergie lors de l’assemblée générale du syndicat le 14 mars à Fauconnières.
Parmi les intervenants, Hassine Mani, qui a créé il y a trois ans son entreprise de conseils en énergie, est revenu sur le contexte actuel du marché de l’énergie, les prévisions d’évolution. « En 2022, le marché de l’énergie a dérapé avec une forte hausse des prix et une incertitude sur l’approvisionnement en gaz. Pour l’année 2023, le marché de gros en électricité est marqué par un ralentissement qui reste très volatil en termes de prix. Et depuis septembre 2021, l’autoconsommation photovoltaïque bénéfice d’une conjoncture favorable pour l’utilisation de panneaux photovoltaïques et la production de sa propre électricité à moindre coût. »

Anticiper la négociation et figer le tarif

Pour tous les contrats d’énergie, Hassine Mani recommande aux agriculteurs et aux entreprises de la vigilance : « L’électricité ne se stocke pas, à l’inverse du gaz. Comme le marché est très volatil et nerveux, il est préférable d’anticiper la négociation pour figer le tarif dès maintenant pour un démarrage de l’activité dans un ou deux ans. Il est conseillé de faire un appel d’offres en un seul tour. » La lecture des conditions générales contractuelles est nécessaire voire indispensable dans toute négociation : règles d’évolution des prix, ce qui est inclus dans le tarif de la fourniture, ce qui est facturé à part, la question de la reconduction. Le timing idéal pour négocier les prix de l’électricité et du gaz est entre 12 et 15 mois avant la date d’échéance pour l’électricité et entre 15 et 20 mois avant la date d’échéance pour le gaz.

Se faire assister par un professionnel

Il est conseillé de se faire accompagner par un professionnel ou une personne avertie. « Il faut limiter les intervenants, fuir ceux qui proposent des conseils gratuits, ajoute Hassine Mani. Il est préférable de choisir un accompagnement sur le long terme plutôt qu’une prestation « one shot » (en une seule fois - ndlr). Le conseiller étudiera la situation spécifique de chaque site et indiquera à quel moment il conviendra de négocier, ce qu’il faut négocier, quel type de contrat choisir, quel sera l’impact sur le budget. Seul un professionnel de l’énergie dira s’il faut massifier l’achat ou le faire par lots séparés. » L’analyse du profil énergétique de l’entreprise permet d’agir sur plusieurs leviers d’optimisation : le contrat de fourniture, le contrat d’acheminement, l’organisation technique et humaine. Pour obtenir l’offre la moins chère, Hassine Mani privilégie la prestation de conseil plutôt que le courtage.

Monter un projet de centrale photovoltaïque

Daniel Cluze, consultant photovoltaïque, a abordé l’analyse des projets de centrale photovoltaïque pour les entreprises agricoles. Il existe deux modèles économiques : le client investisseur et la location d’une surface. Le but est de diminuer fortement sa facture énergétique. Les porteurs de projets recherchent un investissement ou un apport en cash-flow ou rente (loyer annuel). Les clients comme EDF proposent un prix d’achat avec une garantie sur vingt ans. Le transporteur est Enedis. Le permis de construire est obligatoire. « Les fournisseurs ont besoin de vous pour la location de vos surfaces ou la vente de centrales photovoltaïques, a-t-il fait remarquer. Il convient de surveiller la surface financière de son fournisseur et de négocier uniquement le prix de la centrale. » Il conseille aussi de faire appel à un bureau d’étude et d’établir un business plan. « Mieux vaut consulter plusieurs fournisseurs qui vont estimer le coût du raccordement au réseau, la qualité des supports et le potentiel en électricité, ajoute Daniel Cluze. Et bien prévoir dans chaque projet de centrale photovoltaïque le coût du raccordement, les contraintes d’entretien, le lavage, la vérification, la sécurité incendie, l’accès aux pompiers. » 

Pierre-Louis Berger
 

Hausse du coût de l’énergie : point sur les aides de l’État

Trois mécanismes d’aide sont en place pour aider les entreprises à surmonter la hausse spectaculaire du coût de l’énergie : le bouclier tarifaire, le bouclier tarifaire renforcé pour les TPE et, depuis le 1er janvier, l’amortisseur d’électricité destiné à toutes les PME employant moins de 250 personnes et ayant un chiffre d’affaires inférieur à 50 M€ (ou ayant un total de bilan n’excédant pas 43 M€).
Selon Hassine Mani, « le bouclier tarifaire 2022 est maintenu. Le tarif de l’électricité est garanti pour toutes les petites entreprises avec un prix plafonné. Il y a une baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité. Le bouclier tarifaire renforcé pour les TPE garantit un prix plafonné à 230 € le mégawattheure (MWh). Quant à l’amortisseur électricité, il s’agit d’une prise en charge par l’État d’une partie du prix de l’énergie qui sera déduite directement sur la facture d’électricité. » 
P-L. B. 

Le 14 mars, adhérents et invités présents à l’assemblée générale de Jeunes Agriculteurs de la Drôme.© JA26

L’agrivoltaïsme, sujet à débat

L’agrivoltaïsme, sujet à débat
« Aborder le thème de l’énergie reste un enjeu et un engagement importants pour le monde agricole », a dit Élodie Degiovanni, préfète de la Drôme. © plb

Le débat sur l’agrivoltaïsme a réveillé beaucoup de craintes chez les jeunes agriculteurs (JA). Jocelyn Dubost, représentant de JA Auvergne-Rhône-Alpes, avance : « Si on s’engage dans l’agrivoltaïsme au sol, on aura un effet pervers avec une rétention importante des terres agricoles et des difficultés pour le renouvellement des générations. »
Le prix d’une location de terrain proposée par les investisseurs qui souhaitent installer une centrale photovoltaïque au sol est 4 000 à 8 000 €/ ha. « Qui rémunère le plus, l’énergie ou l’agriculture ? Si l’agrivoltaïsme finance tout, l’agriculture perd de son intérêt profond. Il y a un risque que l’agriculteur ne vive qu’avec des revenus hors agricoles conséquents », s’inquiète un jeune agriculteur. Les craintes sont bien là : perte du foncier, perte de l’identité profonde de l’agriculteur. Face aux inquiétudes, Thierry Mommée, vice-président de la chambre d’agriculture de la Drôme, s’est montré rassurant : « L’agrivoltaïsme n’a pas vocation à consommer du foncier. Il est au service de l’agriculture. Il faut poser des garde-fous. »
Pour Elodie Degiovanni, préfète de la Drôme, « l’agriculteur doit s’adapter à de nombreux défis pour accomplir cette transition vers une agriculture plus durable. » 
Isabelle Nuti, directrice départementale des territoires (DDT), a conclu : « Il faut engager une réflexion avec les territoires. Où va-t-on installer ces projets photovoltaïques ? La loi du 10 mars 2023 d’accélération des énergies renouvelables prévoit des mesures spécifiques pour éviter les friches photovoltaïques. »  

Pierre-Louis Berger