PATRIMOINE
La baguette française bientôt reconnue au patrimoine de l’Unesco ?

Une fierté pour le secteur de la boulangerie ! Le ministère de la Culture a choisi, le 26 mars dernier, de présenter la candidature nationale « des savoir-faire et de la culture de la baguette de pain » à l’inscription sur la liste représentative du patrimoine immatériel de l’Unesco.

La baguette française bientôt reconnue au patrimoine de l’Unesco ?
La baguette de tradition française est devenue au fil des années un symbole de la gastronomie. Elle figure même comme le type de pain le plus apprécié en France. ©le monde des boulangers

Faire inscrire la baguette de pain au patrimoine mondial immatériel de l’Unesco, telle est la volonté du gouvernement, par la voix de Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la Culture. Le 26 mars dernier, le ministère a rendu son verdict, après avoir étudié les trois projets de postulation portés par différentes filières. Outre la candidature des savoir-faire et de la culture de la baguette de pain, figuraient celles de Le Biou d’Arbois (fête périodique viti-vinicole) et des savoir-faire des couvreurs-zingueurs et des ornemanistes parisiens. C’est donc un honneur pour la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française (CNBPF) et ses 33 000 entreprises artisanales de la boulangerie, largement soutenus par l’ensemble des composantes de la filière (céréaliers, meuniers, producteurs de levure, formateurs, équipementiers, etc.), mais aussi par un comité de soutien présidé par la sénatrice de Paris Catherine Dumas et le président de l’institut européen d’histoire et des cultures de l’alimentation (IEHCA) Bruno Laurioux. Une sélection qui s’inscrit dans la continuité de la reconnaissance de la baguette, en novembre 2018, comme élément du patrimoine culturel immatériel national. À l’époque, un sondage, réalisé par l'institut CSA, révélait que 9 Français sur 10 soutenaient cette candidature. « C’est une grosse joie que la France choisisse notre dossier pour le présenter à l’international ! Nous en sommes très fiers », savoure aujourd’hui Dominique Anract, le président de la CNBPF. Au fil des années, la baguette est devenue un emblème national, un vecteur de lien social et de convivialité, voire un rituel quotidien pour nombre de citoyens. Pour preuve, ce sont plus de 12 millions de consommateurs qui fréquentent chaque jour les boulangeries, pour une production de plus de 6 milliards de baguettes par an. « La boulangerie-pâtisserie se classe au premier rang des entreprises du commerce de détail alimentaire », rappelle la confédération.

Une décision rendue à l’automne 2022

Toutefois, dans un communiqué, le ministère rappelle que le nombre de boulangeries est « en constante baisse, notamment dans les communes rurales ». En 1970, on comptait 55 000 boulangeries artisanales contre 35 000 aujourd’hui souvent au profit de la vente de baguettes produites industriellement. L’enjeu est alors de lutter contre l’industrialisation et de protéger davantage la filière artisanale. « C’est un vrai combat. Nous souhaitons inscrire dans le marbre cette recette artisanale de la baguette, avec un pétrissage lent, un façonnage à la main, une très longue fermentation et une cuisson dans un four à sole… afin que les générations futures puissent profiter de ce produit du terroir », ajoute Dominique Anract. Le dossier transmis à l’Unesco fait d’ailleurs état de la transmission des savoir-faire liés à la préparation de la baguette artisanale par la voie de l’apprentissage, avec plus de 24 000 personnes pour le secteur de la boulangerie-pâtisserie en France en 2020. « 9 000 postes sont actuellement à pourvoir en boulangerie », prévient le président de la Confédération. « Si cette candidature nationale était couronnée de succès devant l’Unesco (au titre du cycle 2021-2022, ndlr), l’inscription de cet élément permettra de faire prendre conscience qu’une pratique alimentaire faisant partie du quotidien, partagée par le plus grand nombre et allant de soi, constitue un patrimoine à part entière », déclarait quant à elle la ministre Roselyne Bachelot-Narquin dans un communiqué. Le dossier, enrichi d’une étude anthropologique et d’un film d’une dizaine de minutes traduit en plusieurs langues, sera examiné lors de la 17e session du Comité intergouvernemental de l’organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture à l’automne 2022. Lors de la constitution du dossier, la Confédération et les différents groupes de travail ont énoncé plusieurs mesures de sauvegarde. Sont ainsi envisagées la création d’une bibliothèque virtuelle afin de conserver l’ensemble des connaissances et des enseignements sur les savoir-faire et la culture de la baguette, mais aussi la mise en place d’un nouveau niveau d’études, juste avant le CAP : le CCP. « Celui-ci permettrait à de jeunes étrangers, à des migrants par exemple, d’apprendre à se sociabiliser, à parler français, à pétrir le pain, avant d’apprendre véritablement le métier les deux années suivantes », annonce Dominique Anract.

La baguette, symbole de la gastronomie française

La mise en lumière de la baguette française permet de faire un bond dans ses origines. D’où vient-elle ? La question ouvre alors le champ des légendes… et des incertitudes. Les histoires autour de l’origine de la baguette sont nombreuses. L’une des fables indique qu’elle remonterait à l’époque de Napoléon, au XIXe siècle, où ses boulangers l’auraient inventé pour faciliter le transport, contrairement à la miche traditionnelle plus imposante. Une autre source suppose que c’est August Zang, boulanger autrichien, qui aurait introduit la baguette dans sa boulangerie à Paris dans les années 1830. France Culture, dans son article « À l'origine de la baguette de pain », rajoute également que la baguette aurait été inventée sur le chantier du métro parisien dans les années 1900 à la demande des maîtres d’œuvre pour avoir un pain que l’on pouvait couper sans couteau pour éviter tout règlement de compte. Pourtant, selon l’historien américain Steven L. Kaplan, auteur de nombreux ouvrages sur le pain, l’apparition de la baguette serait beaucoup plus récente (XXe siècle) et répondrait simplement à une demande sociétale et à l’évolution de la boulangerie moderne. En 1935, les ministères de l’Agriculture et de la Santé publique établissent une « commission du bon pain » afin de préserver les spécificités du pain traditionnel français face à l’industrialisation massive. Mais c’est seulement le 13 septembre 1993 que le décret « pain de tradition française » sera publié. Cette dernière stipule que pour être vendu sous cette dénomination, le pain ne doit pas avoir subi de traitement de surgélation durant son élaboration, ni contenir d'additif. Il doit également respecter d’autres caractéristiques liées à sa composition (eau, farine, sel, levure ou levain) et à sa fermentation. Ainsi, la baguette de tradition française est devenue au fil des années un symbole de la gastronomie. Selon le ministère de la Culture, elle figure même comme le type de pain le plus apprécié en France.

Amandine Priolet

Concours / La meilleure baguette tradition de France
Mehdi Courgey (région Bourgogne Franche Comté), tenant du titre de la meilleure baguette tradition de France 2019 ©F.Vielcanet.

Concours / La meilleure baguette tradition de France

La Confédération nationale de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie française organise le prestigieux concours annuel de la meilleure baguette tradition de France. Sont admises à participer les entreprises de boulangerie artisanale, relevant du code NAF 1071C, lauréates d’un des concours régionaux. Ce concours, qui se déroule sous les yeux du public sur le parvis de Notre-Dame de Paris - Hôtel de Ville, est traditionnellement organisé lors de la fête du Pain. Cette année, restrictions sanitaires obligent, il se déroulera les 4, 5 et 6 octobre 2021 (sous réserve de modification). Il se déploie en deux étapes : une phase de qualification pendant deux jours, puis la finale le dernier jour. Les candidats finalistes ont 6 heures pour produire 40 baguettes de tradition française répondant à un certain nombre de critères : 50 cm de long (tolérance + 5 %), non farinées, poids après cuisson de 250 g (tolérance + 5 %) ; teneur en sel maximale de 18 g par kg de farine ; etc. Lors de la délibération, le jury tient compte des paramètres suivants : aspect, croûte (couleur et croustillant), arôme, mie (couleur et alvéolage), goût, mâche.

Le top 3 de la 6e édition (2019) :

1er Mehdi Courgey (région Bourgogne Franche Comté) ; 
2e Nicolas Cadoret (région Bretagne) ; 
3e Sébastien Vareille (région Auvergne-Rhône-Alpes).

Évènement / La fête du pain est repoussée en octobre 2021

Évènement / La fête du pain est repoussée en octobre 2021

Chaque année, autour du 16 mai – jour de la Saint-Honoré, patron des boulangers -, la fête du pain met en valeur le travail et le savoir-faire de la boulangerie française. La Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie, en charge de cet événement, propose des manifestations et des animations pour permettre aux professionnels de la filière (céréaliers, meuniers, boulangers) de faire découvrir leur métier et leurs produits. « Cette année, le contexte sanitaire particulier ne nous permet pas d’impulser des actions collectives tant à l’extérieur que dans les boutiques », prévient cependant Anne Aldeguer, directrice de la communication à la CNBPF. Elle est repoussée en octobre 2021 sous réserve des contraintes sanitaires.