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Les tiques à l’épreuve du changement climatique

Alors qu’il existe près de 900 espèces de tiques à travers le monde, seules quelques-unes sont vectrices de maladies pour l’homme et l’animal, dont la plus connue est la borréliose de Lyme. Depuis plusieurs années, de nombreux programmes de recherches sont menés pour améliorer les connaissances scientifiques sur l’écologie des tiques et les maladies qui en découlent, en tenant compte d’un paramètre nouveau : le changement climatique.

Les tiques à l’épreuve du changement climatique
©Archvies AD26

Printemps oblige, l’invasion des tiques dans les jardins, en lisière de forêts ou dans les prairies n’est pas en reste. Depuis toujours, les tiques posent des problèmes de santé animale ou humaine, en transmettant des 
microorganismes lors de leurs repas de sang. « Toutes les tiques ne sont pas porteuses d’agents pathogènes, et toutes les piqûres ne conduisent pas au développement de maladies, quand bien même la tique qui a piqué est infectée », prévient l’Inrae, l’Institut national de la recherche agronomique qui a fait de la question des tiques un sujet crucial. « En Europe occidentale, la tique qui pose le plus de problèmes de santé publique, en transmettant entre autres la maladie de Lyme, est l’Ixodes ricinus », précise Karine Chalvet-Monfray, professeur en biostatistique et épidémiologie et directrice adjointe de l’UMR Epia (épidémiologie des maladies animales et zoonotiques). Pour essayer de mieux comprendre le cycle annuel du développement des tiques et les risques d’infection, l’Inrae a lancé plusieurs programmes de recherche, en s’intéressant notamment à la question du changement climatique sur l’évolution des populations en France.

Le changement climatique, la grande inconnue

« Le fil conducteur de nos différents projets est de comprendre la saisonnalité de l’activité des tiques par l’étude de la levée du jour, la température, l’humidité et les conditions météorologiques. Les valeurs moyennes sont en train de varier en raison du changement climatique », poursuit-elle. 
En effet, l’activité et l’abondance des tiques dépendant des conditions environnementales et météorologiques, le changement climatique contraint les chercheurs à s’interroger sur le développement de ces acariens, devenus une véritable menace pour les espèces humaine et animale. 
Le projet Climatick (2018-2021) a donc permis d’éditer des cartes hebdomadaires d’activité d’Ixodes ricinus, en lien avec la séquence météorologique, grâce à un réseau de huit observatoires répartis sur la France métropolitaine (voir carte). « Ce suivi se fait sur une longue période, et sur de longues séries, afin d’avoir les grandes tendances des variations interannuelles selon les saisons. Ces observations et nos connaissances ont permis de construire des modèles statistiques qui nous permettent de prévoir l’activité des tiques en fonction de la météo. En parallèle, nous avons développé des modèles mathématiques pour expliquer chaque étape du cycle de la vie de la tique dans un souci d’extrapolation du climat futur », déclare Karine Chalvet-Monfray. Ces modèles ont permis à l’Inrae de décrypter les différents phénomènes du développement de la tique, et notamment en termes de mortalité : « il y a un optimum de température. S’il fait trop chaud ou trop froid, la tique meurt », poursuit-elle.

Les tiques ne résistent pas aux fortes chaleurs

Ainsi, des simulations en climat futur 2050 et 2100 permettent d’étudier l’impact mais aussi d’envisager une meilleure adaptation. « En Europe ou en Amérique du Nord, le réchauffement climatique s’est accompagné d’une remontée des tiques vers les zones les plus froides (Canada, Suède, Norvège, etc.) et en France vers les massifs montagneux (Alpes, Pyrénées, etc.). Les tiques Ixodes ricinus n’ont certainement pas un avenir prometteur dans les zones de fortes chaleurs et de sécheresse », décrit la scientifique. Le projet Climatick s’est aussi intéressé à la tique Hyalomma marginatum, apparue dans le Sud de la France depuis une dizaine d’années (Gard, Ardèche) et vectrice potentielle du virus de la fièvre hémorragique Crimée-Congo. Un regard attentif est porté sur cette nouvelle espèce et son développement dans nos territoires. Désormais, le travail de l’Inrae consiste à améliorer les cartes météo des risques des tiques. « Nous devons être capables de déterminer les lieux et les moments où la menace est la plus forte pour informer les citoyens sur une vigilance toute particulière à adopter dans des zones et périodes à risque ». Toutefois, Karine Chalvet-Monfray alerte sur le fait que l’évolution du nombre de tiques ces dernières années n’est pas forcément due au changement climatique. 
« La présence des ongulés sauvages, et plus particulièrement des chevreuils, a considérablement augmenté dans les zones boisées. Ces animaux sauvages sont d’excellents nourriciers des tiques, aidant à la prolifération de la population », conclut-elle.  

 Amandine Priolet

Que faire en cas de morsure de tique ?
Dès lors qu’une morsure de tique entraîne une plaque rouge, appelée halo ou érythème migrant, il est indispensable de prendre rendez-vous chez son médecin généraliste. Lyme©ARSAura

Que faire en cas de morsure de tique ?

Actives de mars à novembre, les tiques, vectrices de bactéries, virus et autres parasites, aiment les milieux humides (bois, buissons, prairies). Les agriculteurs, comme les bûcherons, paysagistes et autres gardes forestiers, sont les personnes les plus à risque de se faire mordre. Mais les particuliers, tout comme les animaux, font également partie du panel de cibles touchées. 
Quel geste réaliser en cas de morsure ? Comment éviter de contracter la maladie de Lyme ? Il faut savoir que toute piqûre de tique n’entraîne pas nécessairement la maladie de Lyme. Mais la vigilance doit être de mise pour éviter toute mauvaise surprise. Il est bien évidemment recommandé de porter des chaussures fermées et des vêtements couvrants pour éviter que les tiques s’accrochent. Selon Caroline Garcon, médecin chef du service Santé sécurité au travail au sein de la MSA 
Ardèche Drôme Loire, « lors des pleines périodes de prolifération des tiques, il est impératif de s’auto-inspecter dans un miroir, matin et soir, pour s’assurer qu’il n’y ait ni tique, ni  lésion, y compris au niveau du cuir chevelu. Il faut traquer tout signe qui pourrait indiquer une morsure ». 
à noter que les tiques sont davantage attirées par les zones sensibles du corps, comme les plis inguinaux, les aisselles, le cou, derrière les oreilles, etc. « Dès lors qu’une morsure de tique, encore présente ou non, entraîne une plaque rouge, appelée halo ou érythème migrant, il est indispensable de prendre rendez-vous chez son médecin généraliste. Un traitement d’antibiothérapie est alors prescrit sur huit à dix jours pour éviter la diffusion de la maladie », conseille Caroline Garcon. 

A. P. 

CiTique, signalez vos tiques !
Pour connaître la densité de tiques dans un endroit, la méthode de récolte au drap est souvent utilisée. © Eric Delmar – Istock)
Programme de recherche participative

CiTique, signalez vos tiques !

Lancé en 2016, le programme de recherche CiTique (Inrae Nancy) mobilise tous les citoyens, professionnels de santé humaine ou vétérinaire ou encore chercheurs. Développée en partenariat avec le ministère de la Santé et l’Anses dans le cadre du plan Lyme, l’application Smartphone « Signalement Tiques », gratuite et disponible sur IOS et Android, permet à tous de signaler en temps réel la présence d’une tique. Ainsi, la participation des citoyens à une collecte massive d’informations sur les tiques qui ont piqué les humains ou les animaux, est encouragée. Ces données collectées au niveau 
national visent à répondre à des questions de recherche concernant l’écologie des tiques et des maladies qu’elles transmettent. Pour aller plus loin dans les connaissances scientifiques, il est également proposé aux personnes victimes d’une piqûre de tique d’envoyer la tique en question à l’adresse suivante :

CiTIQUE – Laboratoire Tous Chercheurs, Centre Inrae Grand Est-Nancy, 54280 Champenoux, pour une analyse plus approfondie. 


Ce travail participatif et collaboratif permet ainsi d’alimenter une tiquothèque, constituée d’échantillons et de données, unique en France, et à disposition des chercheurs.