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Anniversaire

L’Enclave des papes fête ses 700 ans

Quatre communes forment l’Enclave des papes, qui fête cette année ses 700 ans en se basant sur des faits historiques ayant eu lieu en 1317. En sept siècles, ce morceau de territoire vauclusien enclavé dans la Drôme a connu bien des vicissitudes avant d’avoir la forme définitive qu’on ne lui connaît, en fait, que depuis 1800.
L’Enclave des papes fête ses 700 ans

Sept siècles parcourent l'histoire de l'Enclave des papes, terre vauclusienne de 120 kilomètres carrés enclavée dans la Drôme et qui regroupe aujourd'hui les communes de Grillon, Richerenches, Valréas et Visan. En effet, c'est en 1317 que le pape Jean XXII achète à Jean II, dauphin du Viennois, et son frère Guy, les droits sur la haute justice de Valréas. La même année, il reçoit les biens récupérés des Hospitaliers (et confisqués aux Templiers), à savoir la commanderie de Richerenches, des droits sur Valréas. Il possédait déjà Grillon. Jean XXII va ensuite racheter systématiquement les droits seigneuriaux encore détenus par quarante co-seigneurs. En 1344, Clément VI rachètera à Humbert II la ville de Visan, alors atelier monétaire des Dauphins. Ces évènements majeurs sont fondateurs de la politique des souverains pontifes, arrivés en 1309 à Avignon. Ceux-ci feront perdurer cette situation jusqu'en 1791, date du rattachement du comtat Venaissin (dont faisait partie les enclaves des papes) à la France.

Assurer la subsistance de la cour pontificale

L'enclave médiévale de Valréas était plus étendue que celle d'aujourd'hui. En effet, elle englobait Rousset-les-Vignes, Saint-Pantaléon-les-Vignes ainsi que Bouchetaux aux quatre villes déjà citées, sans que l'on sache à quelle date exactement ces communautés furent rattachées aux papes. Car, dans le Dauphiné, il y eut jusqu'en 1791 d'autres enclaves appartenant au Saint Siège : Eyrolles, Vallouse, Les Pilles, Solérieux (Saint-Rafael).
L'existence de ces enclaves résulte donc d'une stratégie de consolidation et de sécurisation de la souveraineté pontificale doublée, à partir de 1320, d'un désir d'agrandissement territorial. Etendre le territoire était vital pour les papes qui, en installant de manière durable la papauté à Avignon, avaient besoin d'assurer la subsistance d'une cour pontificale comprenant 500 à 650 personnes suivant les époques. En 1377, après le départ de Grégoire XI à Rome, ont été dénombrés 2 359 courtisans et 1 471 citoyens de la cour romaine, en comptant enfants, mères de famille et domestiques ! Tout ce monde avait le vêtement, le logement, la nourriture fournie en sus d'un traitement. C'est dire si les papes avaient besoin de terres et de productions agricoles.

Une enclave qui a perduré

Si les enclaves dans le Dauphiné étaient bien réelles, celle de Valréas aurait pu facilement être supprimée. Comment ? Tout simplement en annexant au comtat Venaissin ce que l'on nomme « le chemin de Barbaras », qui reliait le sud des communes de Visan et Bouchet au comtat. Malgré toutes les tractations, procès, essais, menaces et bagarres (dont certaines violentes) qui ont émaillé ces années, jamais les Valréassiens ne réussirent à assurer cette continuité. Toujours a subsisté à travers les siècles cette langue de terre relevant du Dauphiné et s'étendant au sud de Visan, de Tulette à Barbaras. Pendant 474 ans, toute communication entre le comtat Venaissin et l'enclave de Valréas a été empêchée. Et ce bout de territoire fut un lieu de contrebande intense (tabac, poudre à canon, soieries, tissus imprimés, cartes...) et de conflits entre les papes et les fermiers du roi.

Carte manuscrite anonyme du milieu du 17e siècle montrant la topographie du passage de Barbaras pour unir le Comté Venaissin (archivio Segreto Vaticano).

Valréas dans la Drôme !

Pendant quelques années, les communes de Valréas mais aussi celles de Visan, Grillon et Richerenches ont été drômoises. En effet, après le rattachement du comtat Venaissin à la France, il n'y avait plus d'enclave. « Dans un premier temps, en 1792, l'ancien comtat Venaissin est partagé en deux, explique Sophie Bentin, historienne. La moitié nord (district de l'Ouvèze avec Valréas, Vaison et Carpentras) est rattachée au département de la Drôme, tandis que la moitié sud est rattachée aux Bouches-du-Rhône. C'est un camouflet pour Avignon qui n'avait jamais caché son ambition de devenir chef-lieu de département. La ville ne se laisse pas faire et obtient en août 1793 la création du département de Vaucluse, qui rassemble les districts d'Avignon (chef-lieu totalement excentré), de Carpentras, d'Apt et d'Orange. Rousset et Saint-Pantaléon-les-Vignes demandent alors à être rattachées à la Drôme. Mais le Vaucluse est d'un seul tenant. En 1800, c'est le canton de Suze-la-Rousse (comprenant Suze, Tulette et Bouchet) qui émet cette demande. Cette décision a donc pour conséquence de recréer une enclave, comme au temps des papes, mais limitée à quatre communes : Valréas, Visan, Grillon et Richerenches ».

Grignan et Valréas ensemble

Dans l'histoire récente (1970-1980), une tentative d'annexion à la Drôme fit long feu. Alors que la commune de Ferrassières, qui se trouve derrière le Ventoux, proche de Vaison-la-Romaine et d'Avignon, avait demandé son rattachement au Vaucluse, le conseil général de la Drôme avait mis cette question en débat. Le député-maire bien connu de Suze-la-Rousse, Henri Michel, eut alors cette réplique : « Donnez-nous l'Enclave, nous vous donnerons Ferrassières ! ». On assista à un véritable tollé, la presse régionale et nationale, la télévision s'en mêlèrent et ce fut la dernière fois que l'on entendit parler de cette éventualité. Les préfets de la Drôme et de Vaucluse ont réussi cependant à raboter les angles il y a trois ans ans en créant, contre l'avis des concernés, une communauté de communes baptisée « Enclave des Papes - Pays de Grignan ».
Marc Olivier

Vendanges et vinification au Moyen Âge (tapisserie du 14e siècle).

Une activité agricole importante
De tradition viticole depuis le Moyen Âge, l'Enclave des papes est située au sein de plusieurs appellations d'origine contrôlée : Côtes-du-Rhône, Côtes-du-Rhône villages et Grignan-les-Adhémar. La culture du lavandin représente pas moins de 500 hectares. Ce territoire est également connu et réputé pour son sous-sol propice au diamant noir : la truffe. Richerenches accueille le plus important marché aux truffes d'Europe. L'oléiculture occupe aussi une place importante ainsi que l'élevage d'agneaux, de chèvres (pour le Picodon), la culture du blé dur, les productions fruitière (abricot, melon, cerise) et légumière, entre autres.  

Une légende bien ancrée

Dans les années 1970 est née, au sein du Cellier de l'Enclave des papes, une légende « officielle » qui veut que le pape Jean XXII ait acheté Valréas parce qu'il avait été guéri par ce vin. Elle se raconte de la sorte : « Pour rejoindre Avignon où s'était installé son prédécesseur Clément V, Jean XXII, de santé fragile, élu depuis peu à Lyon (7 août 1316) choisit le moyen de déplacement le plus sûr et confortable de l'époque, la navigation sur le Rhône. Le soir, lors des étapes, les villageois venaient admirer leur nouveau pontife et lui apporter des présents pour rendre grâce à son élection et profiter de sa bénédiction. C'est ainsi que lors de son étape à Donzère, les Valréassiens firent le déplacement et lui offrirent leur vin. Le pape goûta le vin de Valréas (du piquepoul) et s'en trouva fort ragaillardi... et même très vite guéri. Aussi, pour être sûr de pouvoir en disposer à sa convenance, il acheta la cité au dauphin du Viennois l'année suivante. »


Cette légende, qui s'appuie bien entendu sur des vérités historiques, a permis aux vignerons de revendiquer une antériorité et une notoriété pour leurs vins depuis longtemps !

 

Des réjouissances toute l’année         

Pour célébrer dignement les 700 ans de l'Enclave des papes, des dizaines de manifestations jalonnent l’année. Le vin et les papes, qui sont intimement liés, sont mis en avant. C’est ainsi que l’exposition « Les vins des pontifes d’Avignon » (1309-1403), est visible à Valréas (à la salle des Cordeliers) jusqu'au 1er septembre, tous les après-midi. L'entrée est libre. Plus d'infos sur : http://levindespapes.blogspot.fr/Par ailleurs, les vignerons de l'Enclave ont choisi de marquer cet anniversaire par une cuvée spéciale, qui est un vin différent pour chaque opérateur. Les syndicats locaux ont défini les règles ainsi : avec une étiquette commune, très sobre, façon étain, seule la contre-étiquette donne les indications légales de chaque vin. Chacun, sur la base du volontariat, a ainsi le loisir d’en proposer à la vente la quantité qu’il veut. Les prix de ces cuvées, qui seront toutes représentatives de la qualité des vins de l’enclave, est compris entre 7 et 15 euros.A noter encore, deux journées médiévales les 19 et 20 août à Valréas, l'édition d'un livre « Enclave des Papes, une longue histoire »... Pour le reste des festivités, consultez le site internet http://enclavedespapes-700ans.fr/.