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Viticulture

AOC Crozes-Hermitage : prudence sur l'avenir

Economiquement, l'AOC Crozes-Hermitage se porte bien mais la vigilance s'impose car, dans le contexte actuel de crise sanitaire et économique, la situation peut vite basculer...
AOC Crozes-Hermitage : prudence sur l'avenir

A l'assemblée générale du syndicat AOC Crozes-Hermitage, le 16 juillet à Larnage, le président, Pierre Combat, a retracé la campagne écoulée, marquée par des évènements climatiques extrêmes. La grêle a causé des dégâts sur la zone sud de l'appellation, le 15 juin 2019, puis sur la zone centre, le 6 juillet. Seul le nord de l'appellation a été épargné. En outre, deux épisodes caniculaires sont survenus, fin juin et fin juillet avec des pics de température de 39 et 40°C. Les fortes chaleurs de l'été et l'absence de pluies ont généré un stress hydrique, surtout sur les terroirs les plus séchants. C'est pourquoi « nous avons demandé exceptionnellement une dérogation à l'irrigation pour la première fois depuis 2004 », a rappelé le président du syndicat. Pour ce faire, un dossier d'arguments a dû rapidement être constitué, avec le concours de la chambre d'agriculture. « Cette dérogation, comme son nom l'indique, ne peut être demandée systématiquement », a-t-il prévenu.

Une production inférieure au potentiel

Les vendanges 2019 se sont déroulées « dans des conditions parfaites ». Les 1 778 hectares (ha) de l'AOC Crozes-Hermitage (90 % en rouge et 10 % en blanc) ont donné 57 935 hectolitres (hl) de vin, « alors que le potentiel de production est de 80 000 hl », soit 24 % de moins qu'en 2018 où 75 918 hl avaient été produits.
En termes d'autorisations de plantations, le contingent de la campagne était de 80 ha pour 158 vignerons demandeurs. Et le rendement demandé pour 2019 était de 50 hl par ha de PLC (plafond limite de classement) maximum. « Cela peut surprendre, suite aux épisodes de grêle, a noté Pierre Combat. Mais, pour les domaines non touchés par la grêle, il n'y avait aucune raison de les empêcher de faire le rendement maximum. »

Une expérience décevante

L'assistance à l'assemblée générale du syndicat de l'AOC Crozes-Hermitage, le 16 juillet à Larnage.

Le système de protection anti-grêle mis en place l'an dernier, « a démontré son inefficacité, voire sa dangerosité », a déploré le président du syndicat : le 6 juillet 2019, en retombant, les fusées ont mis le feu à trois parcelles de céréales (à Chanos, Granges-les-Beaumont et Châteauneuf-sur-Isère). La société proposant ce système de protection a reconnu sa responsabilité. Deux sinistres ont été indemnisés. Mais le problème n'est pas résolu pour le troisième. En plus, les négociations avec cette société en vue d'arrêter les abonnements au radar n'aboutissent pas. « Actuellement, les discussions se font par avocats interposés », a indiqué Pierre Combat. Reste aussi du matériel en propriété à financer. « Cette expérience, qui avait pour but de nous protéger d'un aléa climatique récurrent, n'a pas répondu à nos attentes, a-t-il regretté. Bien au contraire, elle nous a créé du travail, des soucis et des frais dont on se serait bien passés. »

Traverser la crise sans trop de dégâts

Par rapport à d'autres zones viticoles françaises, « pour notre appellation, tout se passe bien pour le moment : Nous n'avons pas de stock. Les cours du vrac se sont envolés, même sur une partie de 2020. Le vrac a tout été retiré. C'est une chance », a confié Pierre Combat, avant de mettre en garde : « Mais quid de la campagne prochaine ? La situation peut changer rapidement, devenir plus compliquée. Taxe Trump, Brexit, Covid-19 dans le monde peuvent nous mettre en difficulté. » Et d'espérer que « la crise qui s'annonce puisse être traversée sans trop de dégâts ».
A cette assemblée générale, la directrice de la DDT, Isabelle Nuti, a rappelé le plan de soutien de la filière viticole, les mesures post-Covid : celles pour le stockage privé « qui peuvent aider à passer le cap difficile » ; l'exonération de cotisations sociales patronales pour les entreprises les plus affectées par la crise économique et sanitaire ; les prêts « pour avoir un apport de trésorerie ». Le président d'Inter Rhône, Michel Chapoutier, a commenté : « On a des vins de garde ». Donc, il demande entre autres qu'une partie des fonds du plan d'aide soit réservée au stockage mais aussi des moyens pour rebondir.
Isabelle Nuti et Bruno Darnaud, élu chambre d'agriculture, ont évoqué une autre aide : celle à l'investissement dans du matériel de pulvérisation performant (enveloppe de 30 millions d'euros) accessible jusqu'au 31 décembre (plus de précisions en page 19). Tous deux invitent les agriculteurs intéressés à remplir rapidement un dossier car « les premiers arrivés seront les premiers servis ».

Annie Laurie
AOC Crozes-Hermitage
La commercialisation
Sébastien Lacroix, chef du service économique d'Inter Rhône.
Lors de l'assemblée générale du syndicat de l'AOC Crozes-Hermitage, Sébastien Lacroix, chef du service économique d'Inter Rhône, a fait le point sur la situation économique de l'appellation. Sur la campagne 2018-2019, les sorties de chais (69 132 hl) se sont ainsi réparties : 65 % en conditionné, 18 % en vendanges fraîches et 16 % en vrac. Depuis le confinement Covid-19, elles ont reculé de 12 % en mars, 37 % en avril, 45 % en mai et 2 % en juin (par rapport aux mêmes mois en 2019). D'août 2019 à juin dernier, elles ont baissé de 14 % (54 651 hl contre 63 560).
80 % des sorties se font sur le marché français et 20 % à l'export. Sur le marché intérieur, 22 % sont absorbés par la grande distribution et 32 % par la restauration.