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SANITAIRE

La gestion des coléoptères ravageurs d’automne du colza

La recrudescence des coléoptères ravageurs d’automne est aujourd’hui une généralité sur tout le territoire français. Cependant, il apparaît qu’elle se manifeste à des niveaux de pression variables selon les territoires.

La gestion des coléoptères ravageurs d’automne du colza
Les deux formes de l’insecte doivent être gérées de façon dissociée.

Dans un contexte marqué par le changement climatique, la réduction du nombre de solutions chimiques efficaces autorisées et le développement de résistances aux pyréthrinoïdes, le recours à un ensemble de leviers est incontournable pour maîtriser la pression sanitaire face aux coléoptères ravageurs d’automne sur le colza (grosse altise, adulte, larve et charançon du bourgeon terminal, aussi appelé CBT). L’état végétatif du colza sur sa première partie de cycle (levée à repos végétatif) est un élément essentiel dans la stratégie de gestion de ces insectes. Néanmoins, les conditions de sécheresse à l’implantation pouvant aboutir à des échecs de levée compliquent la situation et imposent donc de recourir à d’autres leviers.

Un colza robuste, le premier moyen de lutte 

Un colza robuste, moins vulnérable aux attaques des ravageurs d’automne, doit atteindre le stade quatre feuilles avant début octobre et rester en croissance active durant l’automne. Il est donc indispensable de viser une installation rapide du colza par un semis précoce, avant une pluie, et une fertilisation au semis, pour lui permettre d’atteindre le stade quatre feuilles avant l’arrivée des grosses altises entre fin septembre et début octobre. Selon l’évolution des températures et si la pluviométrie est insuffisante, une irrigation sera la bienvenue : un volume d’eau compris entre 10 et 15 mm est généralement suffisant. Le colza peut cependant se retrouver exposé à d’autres ravageurs comme la petite altise (ou altise des crucifères) dont l’arrivée sur la parcelle est beaucoup plus aléatoire et plus difficile à prévenir. Le maintien des repousses de colza dans l’environnement proche est alors un moyen d’éviter les déplacements de population vers le colza récemment levé. Une biomasse suffisante à l’entrée de l’hiver est le deuxième objectif à atteindre pour limiter l’impact des larves d’altises et/ou de CBT.  Cet objectif sera atteint à partir d’une biomasse d’environ 1,2 - 1,5 kg de biomasse fraiche/m² en entrée hiver. Pour un peuplement de 25 plantes/m², cela correspond à une biomasse de 50 – 60 g /plante. Plus encore que la biomasse atteinte en entrée hiver, la croissance régulière du colza sur la phase automnale est déterminante. La disponibilité en azote par l’apport de fertilisants organiques ou encore les fournitures par un précédent légumineuse contribuent à alimenter le colza en azote et à éviter un arrêt brutal causé par une faim d’azote. L’association à une légumineuse gélive joue également un rôle sur l’alimentation en azote du colza grâce à une meilleure minéralisation. L’évaluation variétale conduite par Terres Inovia et ses partenaires intègre désormais de nouveaux critères d’intérêt, tels que la vigueur de départ et la vigueur automnale dans le souci de privilégier un colza robuste. D’autres critères tels que le comportement de ces variétés face aux larves d’altises sont évalués (nombre de larves et d’intensité des dégâts). 

Penser à estimer le risque en cours de campagne 

Cette démarche, qui repose principalement sur le piégeage et l’observation des plantes, est indispensable. Elle permet d’éviter les interventions inutiles - et donc de contenir les charges opérationnelles – et, lorsqu’un traitement est nécessaire, de le réaliser au bon moment avec une efficacité optimale. Le piégeage est une alerte de la présence du ravageur sur la parcelle. L’estimation du risque s’appréhende différemment selon le ravageur et les différences, bien que parfois subtiles, sont déterminantes. L’utilisation de la cuvette jaune, qui permet leur détection, en est un bon exemple. Sa mise en place doit en effet s’adapter au mode de déplacement des insectes. Ainsi en début de cycle, il est indispensable de disposer deux cuvettes : l’une posée au sol pour détecter la présence d’éventuelles petites altises et plus tard le CBT (en maintenant la cuvette posée à hauteur de végétation), une autre enterrée dans le sol pour piéger la grosse altise (piégeage via les sauts des individus, ravageur non-attiré par le jaune). Les piégeages avec ces cuvettes ne sont cependant que des indicateurs, alertant sur la présence du ravageur sur la parcelle, ils ne définissent pas le risque à eux seuls. Pour les petites et grosses altises adultes, on tiendra compte de la surface foliaire détruite et de l’état des plantes. Pour un colza à moins de quatre feuilles, on retiendra le seuil de 25 % de surfaces foliaires détruites sur au moins 80 % des plantes touchées. Au-delà de quatre feuilles, le colza est hors de danger. Dans le cas de levée tardive, au-delà du 1er octobre ce seuil est abaissé à 25 % de destruction foliaire sur 30 % de plantes. Pour les larves d’altises et de CBT, l’évaluation du risque tient à la fois compte du risque lié au ravageur mais aussi du risque agronomique, c’est-à-dire de l’état du colza (voir les figures 1 et 2).

Choisir l’insecticide adapté 

Le choix des produits insecticides doit être raisonné dans une stratégie globale de protection face aux ravageurs en tenant compte de la situation locale en termes d’apparition/développement des résistances aux pyréthrinoïdes. Les préconisations de Terres Inovia en matière de protection sur coléoptères à l’automne intègrent donc ces contraintes, et proposent des stratégies qui alternent l’usage des molécules entre elles de façon à maintenir leur efficacité dans le temps. On distingue deux types de situations en fonction du niveau de risque évalué comme indiqué précédemment : les situations justifiant un traitement CBT et celles ne le justifiant pas. En cas de présence de petites altises, il est recommandé d’appliquer une pyréthrinoïde autorisée pour cet usage (cyperméthrine, alphaméthrine, deltaméthrine, lambda-cyhalothrines, etc.), qui donne encore de bons résultats sur ce ravageur. Face aux grosses adultes d’altises, l’usage de Boravi WG à 1 kg/ha est la solution à privilégier. À noter que dans certains secteurs, les pyréthrinoïdes conservent une certaine efficacité sur adulte mais celle-ci est beaucoup plus aléatoire. On conservera donc ce type de molécule pour cibler le CBT, ou éventuellement les larves d’altises si le Boravi WG a été employé précédemment sur adulte. L’objectif d’alterner les molécules doit être privilégié. Dans les situations où un traitement est réalisé sur le CBT, celui-ci permet un contrôle sur les premières larves d’altises, permettant en principe de ne pas revenir avec un traitement spécifique pour ces dernières.

Arnaud Micheneau - Alexis Verniau Terres Inovia

Pour évaluer plus facilement le niveau de risque des ravageurs d’automne, rendez-vous sur : www.terresinovia.fr : rubrique produit / outils - Accès gratuit avec votre compte utilisateur
1. À titre d’exemple, la lutte insecticide contre la grosse altise adulte ne repose plus aujourd’hui que sur une seule molécule efficace, le phosmet (Boravi WG)

Grosse altise : un insecte à deux ravageurs

Au stade adulte, la grosse altise fait peser un risque sur le colza à partir de fin septembre en venant s’alimenter des feuilles de colza. L’adulte pond également à la base des plantes. Les larves issues de ces pontes se développent dans les tissus et s’attaque au cœur des plantes avec un risque de destruction dans l’hiver. Ainsi, les deux formes de cet insecte doivent être gérées de façon dissociée. Une absence de risque « grosse altise adulte » n’est pas synonyme d’absence de risque « larve de grosse altise ». Dans tous les cas, une évaluation du risque larvaire devra être réalisée à partir de novembre. Une application injustifiée sur les adultes dans le but de réduire la pression larvaire est sans intérêt (et déconseillée) par rapport à une application réalisée spécifiquement sur larve. 

Boravi WG : sur la sellette

La réapprobation du phosmet, matière active du Boravi WG, est peu probable et actuellement en « sursis ». Le retard de décision au niveau européen et la volonté politique sur les délais repousse cette échéance. Par conséquent, l’utilisation du Boravi WG pour la campagne 2021 reste possible et la filière est pleinement mobilisée sur ce dossier. En outre, la position technique de Terres Inovia sur les stratégies insecticides à l’automne reste inchangée.