ANALYSE
Réglementation environnementale autour des haies : mode d’emploi

Présentant des bénéfices importants pour la préservation de la biodiversité et l’activité agricole, les haies sont aujourd’hui encadrées par une réglementation parfois méconnue des agriculteurs. Éléments de compréhension.

Réglementation environnementale autour des haies : mode d’emploi
Il est interdit d’intervenir sur les haies du 1er avril au 31 juillet, afin de préserver l’habitat des espèces qui s’y abritent. ©Mission Haies

Le premier cadre réglementaire qui entoure les haies est celui de la politique agricole commune (Pac). Au fil des années, le verdissement de cette politique a amené à la création de nombreuses normes de préservation de l’environnement, les BCAE (pour bonnes conditions agroenvironnementales, ndlr) dont la septième concerne plus spécifiquement les arbres et les haies. « La principale disposition à retenir est le maintien des haies, et donc l’interdiction de leur arrachage. On ne peut les déplacer que sur dérogation Pac et la plantation de la nouvelle haie doit être réalisée avant l’arrachage de la haie existante. L’autre règle à retenir est l’interdiction d’intervenir sur les haies du 1er avril au 31 juillet, afin de préserver l’habitat des espèces qui s’y abritent », détaille Delphine Picard de la Draaf Auvergne-Rhône-Alpes. Rappelons aussi que les haies de moins de 10 m de large sont admissibles au droit au paiement de base (DPB) dans le cadre de la Pac.

Un maillage de réglementations

La protection des haies conférée par la Pac est complétée par d’autres réglementations inscrites dans les codes de l’urbanisme, rural, du patrimoine, de la santé publique mais aussi le code de l’environnement. Cette réglementation découle de la directive habitat de 1994 qui tend à préserver autant que possible les espèces de la faune et de la flore sauvages. En 2009, la directive habitat a été complétée par la directive oiseaux qui encadre de manière plus précise les lieux de vie de nombreuses espèces de volatiles. « Au niveau national, plusieurs réglementations viennent s’entrecroiser pour renforcer le maillage de préservation des haies et des arbres. Le code de l’environnement, notamment, fixe des règles à respecter pour la préservation des espèces protégées qui peuvent être présentes dans les haies, et dont la destruction des spécimens et des habitats est interdite. Ces espèces sont fixées par des arrêtés ministériels », explique Julie Blanchon de l’OFB.

De nombreux enjeux autour des haies

« Depuis les années 1950, 70 % du linéaire de haies a disparu en France », alerte-t-elle. L’enjeu est donc de préserver les haies existantes en mettant en place une gestion durable. L’OFB insiste notamment sur le rôle essentiel des haies qui « peuvent représenter des corridors mais aussi des lieux d’habitat, de nidification, de repos ou d’alimentation pour de nombreuses espèces fragiles ». Julie Blanchon rappelle à ce titre que « 32 % des espèces d’oiseaux nicheurs sont menacées d’extinction, dont un certain nombre est abrité par les haies ». Des enjeux tellement importants que des sanctions peuvent être imposées aux contrevenants, notamment en matière d’aides Pac. « Un remboursement pouvant aller jusqu’à 3 % des aides Pac peut être demandé au contrevenant », signale Delphine Picard de la Draaf Auvergne-Rhône-Alpes. D’autres contraventions liées au code de l’environnement peuvent par ailleurs être infligées à l’agriculteur en faute. Avant toute intervention, les professionnels doivent donc impérativement prendre contact avec leur Direction départementale des territoires et de la mer (DDT), qui s’assure du respect de la réglementation environnementale et accorde les autorisations après avis des services Pac et environnement.

Pierre Garcia

ZOOM / Quelles incidences sur la Pac, les droits de douane et FranceAgriMer ?

Comment déplacer une haie classée BCAE7 ?

Le principe directeur reste toujours le même : une haie ne peut pas être arrachée sans être replantée au préalable. Ce déplacement de haie doit se limiter à 2 % du linéaire de l’exploitation ou 5 m par campagne. Néanmoins, il est tout à fait possible de détruire une haie pour accéder à un chemin, mais aussi pour construire ou agrandir un bâtiment. On peut aussi détruire une haie en cas de problème sanitaire, de défense contre les incendies ou autre élément qui relève de l’intérêt public comme un meilleur emplacement environnemental ou un agrandissement de parcelle. Néanmoins, tout arrachage d’une haie doit être validé par la DDT.

Quelle est la tolérance de la Pac sur l’entretien des clôtures électriques aux abords d’une haie ?

Dans son application de la réglementation environnementale, la DDT se montre généralement assez pragmatique. Le principe de base reste la période d’interdiction de tailler ou d’arracher une haie du 1er avril au 31 juillet pour préserver l’habitat des espèces protégées. Néanmoins, il est tout à fait possible pour l’agriculteur d’opérer une taille légère si la pousse de la haie sur l’année entre en contact avec des clôtures électriques. Il est aussi permis de broyer au pied de la haie. De la même manière, si une chute d’arbre est imminente et qu’elle représente un potentiel danger pour l’exploitation ou la sécurité publique, l’agriculteur peut procéder à une taille si la DDT l’y autorise.

Quelle est l’incidence en termes de droits de douane, mais aussi d’aides Pac et FranceAgriMer sur l’implantation de haies en viticulture bio ?

En matière de préservation des haies, l’agriculture biologique répond aux mêmes règles que l’agriculture conventionnelle. Concernant la Pac, les haies n’ont pas d’incidences sur les primes et l’agriculteur reste donc éligible. Mais pour ce qui est des droits de douane, un agriculteur qui déciderait par exemple d’arracher une rangée de vigne pour planter une haie verrait ses droits se réduire. Enfin pour les aides FranceAgriMer, la situation est plus variable. Certaines AOC, par exemple, ne prennent pas en compte les haies dans le calcul.

Pierre Garcia

Tableau pour compléter si besoin
Dans la Pac, c'est la réglementation BCAE7 qui encadre les interventions sur les haies. ©DR
TECHNIQUE / Un intérêt agronomique pour toutes les filières
Sylvie Monier, directrice de Mission Haies. ©mission_haies

TECHNIQUE / Un intérêt agronomique pour toutes les filières

Directrice de Mission Haies, une structure associative qui travaille sur les haies et l’agroforesterie, Sylvie Monier rappelle que « les haies servent à la circulation des insectes et des animaux dans l’espace ». Une circulation qui impacte directement l’activité agricole puisqu’elle participe à la régulation des espèces invasives. Elle prend l’exemple de l’hermine qui consomme du rat taupier : des études ont prouvé qu’au-delà de 300 m sans haies pour s’abriter, l’hermine ne traverse pas la parcelle et ne va donc pas pouvoir chasser le rat taupier qui prolifère.

« Un espace productif »

Autre rôle joué par la haie : celui de brise-vent. « Une haie de 10 m de haut protège sur 150 à 200 m derrière elle ce qui compense largement la perte de rendement au pied de la haie et permet d’améliorer le rendement des cultures lorsque l’eau est un facteur limitant », rappelle Sylvie Monier. Et de poursuivre : « Les haies limitent aussi les problèmes de percolations de pesticides et aident à la filtration des sols luttant ainsi contre l’érosion. En matière de gel, des études ont montré que le risque de gelée blanche est deux fois moins fort de part et d’autre des haies ». Les filières d’élevages trouvent elles aussi un intérêt à l’implantation de haies : « À partir de 30 °C, la productivité des animaux baisse. Les haies font chuter la température de 10 °C et sont donc indispensables en cas de canicule ! » La haie doit plutôt être vue comme « un espace productif » qui peut notamment permettre de fabriquer des litières en stabulation, se substituant à de la paille.

Les bons conseils d’implantation


L’implantation ou le déplacement de haies répond à des règles précises. D’après le code rural, une haie interne qui une fois adulte fera moins de 2 m de haut doit être implantée au minimum à 50 cm du fonds voisin. Si elle excède les 2 m de hauteur, la distance exigée est de 2 m. Ces distances peuvent être différentes en bord de voirie départementale. À chaque implantation ou déplacement de haie, il est aussi conseillé aux agriculteurs de s’intéresser au règlement de voirie à retrouver sur le site internet de leur conseil départemental. En cas d’arrachage de haie, l’agriculteur doit également s’assurer en mairie qu’elle n’est pas classée au document d’urbanisme et s’assurer du respect des autres réglementations applicables.

Pierre Garcia
 

Stéphane Joandel : « Les agriculteurs n’arrachent pas des haies pour le plaisir »
Stéphane Joandel, responsable de la commission environnement de la FRSEA Aura.

Stéphane Joandel : « Les agriculteurs n’arrachent pas des haies pour le plaisir »

Quel est le message porté par le syndicalisme au sujet des haies ?

Stéphane Joandel : « Le conseil que nous donnons aux agriculteurs, c’est de rester prudents : même s’ils obtiennent l’accord de la DDT, ils doivent s’assurer, avant toute intervention sur leurs haies, d’être bien en phase avec le code de l’environnement et l’ensemble des codes nationaux. Ce cadre réglementaire national est assez subtil puisqu’il ne protège pas directement les arbres ou les haies mais plutôt l’habitat de certaines espèces, animales ou végétales dont beaucoup sont protégées ».

Les agriculteurs sont-ils assez bien informés de l’intérêt agronomique des haies ?

S.J. : « D’une manière générale, le sujet est assez bien connu même si on peut toujours faire mieux. Aujourd’hui en agriculture, il se plante beaucoup de haies dans tout le pays, c’est une réalité. Rappelons que les haies présentent de nombreux avantages, comme le ralentissement de l’érosion des sols, l’abri des animaux contre le soleil ou encore le rôle de clôture naturelle qui protège l’exploitation à la fois des intrusions et des animaux qui pourraient s’en échapper. »

Que pensez-vous des sanctions qui peuvent être infligées aux contrevenants ?

S.J. : « Les condamnations sont souvent assez brutales et nous demandons un peu de respect car les agriculteurs n’arrachent pas des haies pour le plaisir. Notre crainte, c’est que demain il faille demander l’autorisation à l’OFB de couper le moindre arbre. Au dernier Salon international de l’alimentation (Sial), j’ai demandé aux ministres de l’Agriculture et de la Transition écologique de constituer un groupe de travail pour élaborer une charte d’entretien des haies plus lisible. J’espère que ce groupe de travail verra le jour après l’élection présidentielle. »

Propos recueillis par Pierre Garcia