Visite à la ferme
IGP saint-marcellin : « Nous sommes fiers de ce que nous faisons »
Pour les dix ans de l’IGP saint-marcellin, des fermes laitières ouvrent leurs portes dans le Vercors.
«Pourquoi les vaches ont un piercing ? », s’inquiète Agathe, 7 ans. « C’est un anneau anti tétée, pour ne pas que les jeunes vaches se tètent les mamelles entre elles, sinon elles s’abîment », répond Pauline Guillot, salariée de la ferme familiale de la Grand Mèche à Lans-en-Vercors. Dans la stabulation de la ferme laitière, les familles sont attentives aux explications du fromager Alexandre Chabod, en pleine démonstration des étapes de la réalisation d’un fromage saint-marcellin. La ferme a ouvert ses portes à l’occasion des dix ans de l’IGP. Une habitude à la Grand Mèche où les vacanciers du Vercors viennent souvent voir les bêtes, échanger avec les éleveurs qui appliquent le principe de la ferme ouverte avec des visites libres, notamment au moment de la traite.
« Un vrai plus »
« C’est un vrai plus et une demande des clients. On répond à leurs questions parce qu’ils entendent beaucoup de choses, explique Pauline Guillot. Ils nous interrogent sur le label, nous demandent si les vaches vont dehors et voient que cela ne se passe pas comme aux États-Unis. » Elle ajoute : « Nous sommes fiers de ce que nous faisons. Nous n’avons rien à cacher et nous travaillons dans le respect de nos vaches que nous aimons et que nous respectons. C’est notre outil et notre passion. »
Avec le sourire, la jeune femme répond aux questions des visiteurs : les vaches mangent-elles des OGM ? Sortent-elles ? Pourquoi séparer le veau de la mère ? « Il faut expliquer tout cela. Depuis quelques années, les gens nous interrogent sur le bien-être animal. Les visiteurs ont l’œil partout. Si une vache est sale ou si elle est maigre, ils s’en étonnent. Mais ils sont aussi surpris que les vaches et les veaux se laissent caresser. Nous en prenons soin, ce ne sont pas des machines ! »
Petit mais rentable
À l’occasion des dix ans de l’IGP saint-marcellin, le format proposé aux visiteurs est un peu plus complet. « Nous allons plus dans le détail, ils participent aux gestes de la ferme, la traite, le moulage », indique l’éleveuse. Le groupe est studieux. Parents et enfants boivent les paroles d’Alexandre Chabod et de Sylvie Colombier-Marion, chargée de mission et de communication pour le CISM*. « Le saint-marcellin est un fromage très ancien, raconte cette dernière. Au tout début, il était fait avec du lait de chèvre. Il est remplacé par le lait de vache dans les années 1980. Mais c’est un petit fromage qui a gardé son format. »
Le saint-marcellin est un fromage caillé de type lactique. En se développant une journée durant, les ferments lactiques du lait libèrent l’acidité et lui permettent de se densifier. L’ajout d’une dose de présure favorise le caillage. Il est alors temps de procéder au moulage individuel, à la louche. « Au bout de quatre heures, le fromage est démoulé à la main, explique le fromager. S’ensuivent dix jours d’affinage pour l’appellation IGP. » Le séchage en cave favorise le développement du champignon geotrichum en surface du fromage, qui lui confère son goût de noix. « Il faut 0,7 litre de lait pour fabriquer un saint-marcellin de 90 g, précise Alexandre Chabod. Ce qui donne un rendement de 16 à 17 %. Comparé au bleu du Vercors - dont le rendement est de 12 %, c’est-à-dire qu’il faut 100 litres de lait pour faire 12 kg de fromage -, le saint-marcellin est plus rentable. »
« Que devient le petit-lait ? », interroge un parent à ce moment de la démonstration. « Il passe directement dans la fosse à lisier ou alors il est redonné aux vaches et aux veaux, en veillant bien entendu à la quantité distribuée », expose le fromager.
Tisser le lien
Après les informations, place à la dégustation avec du saint-marcellin présenté sous toutes ses formes, recettes à l’appui. Sur une tartine avec un peu de confiture, les enfants en raffolent. Les familles s’attardent, posent encore quelques questions jusqu’à l’heure de la traite, autre temps fort de la vie de la ferme. « Il y a beaucoup de lait dans leurs mamelles ! », s’étonne un jeune visiteur.
« Ces rencontres contribuent à tisser des liens avec les producteurs et à parler des produits », ajoute Sylvie Colombier Marion. Le Comité pour le saint-marcellin propose encore de nombreuses dates de visite à la ferme jusqu’au 26 septembre (voir encadré). Il donne aussi rendez-vous les 15 et 16 juin pour la fête du saint-marcellin, à Saint-Marcellin. La manifestation se tiendra dans un nouveau format car elle est désormais portée par la communauté de communes, en association avec la noix de Grenoble. On retrouvera aussi le saint-marcellin au comice agricole d’Auberives-en-Royans les 3 et 4 août et au concours départemental d’élevage à Lans-en-Vercors du 23 au 25 août.
Dix ans de l’IGP saint-marcellin / Visites de fermes et fromageries
- 2 juin, de 15 h à 18 h : Ferme de Sébastien Poncet, à La Bâtie-Montgascon.
- 12 juin, de 15 h à 17 h : Ferme du Sabot, à Auberives-en-Royans.
- 15 juin : Gaec des Terres Froides, à Biol.
- 15 et 16 juin : Fête du Saint-Marcellin IGP et de la Noix de Grenoble AOP.
- 5 juillet, de 10 h à 12 h : Fromagerie Rochas, à Saint-Sauveur.
- 6 et 7 juillet : Gaec La Ferme de Miri’bêle.
- 3 et 4 août : comice agricole, à Auberives-en-Royans.
- 28 septembre, de 15 h à 18 h : Ferme La Jersiaise des Combes, à Châteaudouble.
- 12 octobre : descente des Alpes, à Grenoble.
- 26 octobre : Gaec de la Cerisière, à Autrans-Méaudre-en-Vercors.
Informations et inscriptions : https://www.fromage-saint-marcellin.fr
Isabelle Doucet
* CISM : Comité pour le saint-marcellin.
EARL Ferme de la Grand Mèche
Exploitant : Pierre Guillot, installé en 1988.
Trois salariés : Pauline Guillot (la fille de Pierre), Alexandre Chabod (responsable de la fromagerie), et Ambre Hustache (pour la vente).
Une apprentie.
35 vaches laitières et leur suite, montbéliardes et quatre villardes.
Création du laboratoire et du magasin de vente à la ferme en 2006.
Transformation à la ferme : 160 000 litres (8 familles de fromages dont le bleu du Vercors-Sassenage (100 000 l) et saint-marcellin).
95 % des ventes à la ferme et au marché.
SAU : 75 ha (10 ha prairies temporaires, 64 ha de prairies permanentes, 1 ha de blé panifiable).
Achat de complément pour les vaches (maïs, orge et tourteau).
Sortie des vaches à l’herbe : 150 jours par an (jusqu’à 30 minutes de marche de la ferme).
Pâturage au fil avant, traite à la ferme en 2x3.
Génisses en alpage aux Allières.
Vaches de réforme valorisées.
L’IGP, un tournant
Il y a dix ans, le saint-marcellin est entré dans la famille des IGP. Sa zone concerne 274 communes. Les animaux élevés doivent obligatoirement pâturer pendant au moins 180 jours dans ce secteur. Plus de 50 % de leur consommation annuelle doit être de l’herbe, et en hiver 15 % de leur ration doit être constituée de foin. 80 % de la matière sèche de leurs aliments doivent être issus de la zone de l’IGP, « mais dans les faits, nous approchons plutôt les 90 % », explique Bruno Neyroud, président de l’IGP saint-marcellin. Si aucune race n’est définie, 80 % des effectifs sont constitués par les montbéliardes.
Selon Bruno Neyroud, le choix a été « un peu imposé, dans le sens où à l’époque où nous avons monté l’IGP, il y avait un resserrement des exigences par l’Inao, qui n’acceptait alors plus que les AOP soient faites avec du lait en partie thermisé ». Les producteurs de saint-marcellin ne souhaitant pas « se priver de produire en cas de risque sanitaire », l’IGP a été retenue.