Les fromages AOP oscillent toujours entre craintes et optimisme

Face à la fermeture de la restauration hors domicile et la baisse brutale de la consommation lors du confinement, 2 000 tonnes de fromages sous appellations peinaient à trouver preneur au début de la crise du Covid-19. « Finalement, 500 tonnes ont pu trouver une place sur le marché », indique Michel Lacoste, président du Conseil national des appellations d'origine laitières (Cnaol). Par ailleurs, une bonne partie a été dirigée vers les filières de recyclage de fonte où la valorisation est « à peine à 10 % de la valorisation habituelle en AOP ». Les dons vers les plus démunis ont également représenté des débouchés importants pour ces fromages en manque de consommateurs. Des démarches locales ont pu être mises en place pour soutenir les fabricants qui ont préféré donner plutôt que jeter. Si une partie des entreprises a dû prendre à sa charge le coût du don, des collectivités, en Savoie, dans l'Aisne et ailleurs, ont financé des opérations. Certaines entreprises, telle que GRDF, ont également réalisé des achats solidaires. Sur le plan national, l'association de don agricole Solaal a également joué un rôle clé, en association avec le Cnaol.
Malgré tout, « près de 5 % des fromages qui n'avaient pas trouvé preneur ont dû être jetés au tout début de la crise », regrette l'éleveur du Cantal. En termes de chiffre d'affaires, les pertes pour l'ensemble des AOP sont estimées par le Cnaol à 140 millions d'euros.
Et ça repart
De 2000 tonnes au tout début du confinement, les surstocks, malgré de fortes baisses de fabrication - en Cantal, une diminution de moitié pendant deux mois - sont estimés à 5 000 tonnes en fin de confinement. Mais la reprise est déjà amorcée. « Entre le début et la fin du confinement, il y a eu une reprise de la consommation même si les niveaux étaient toujours bien au-dessous de la normale à cette époque-là », retrace Michel Lacoste. « En juin, la situation de la consommation était normale et s'améliorait même chaque semaine. Les Français ayant besoin de se faire plaisir grâce aux fromages d'appellation. Et finalement, le niveau consommation s'annonce meilleur que la moyenne pour cet été », se réjouit-il. Les acteurs espèrent donc, notamment grâce aux touristes qui passeront leurs vacances sur les territoires des AOP, des niveaux de ventes supérieures qui permettraient de résorber les surstocks. « Nous sommes assez optimistes pour l'été », ose même dire le président du Cnaol. Des craintes pour la rentrée se font malgré tout déjà sentir. « Comme beaucoup d'autres secteurs, nous avons des inquiétudes pour l'automne car les perspectives économiques s'annoncent compliquées », indique Michel Lacoste. Si aucune faillite dans le secteur n'a été pour le moment rapportée, la situation des petites et moyennes entreprises et des producteurs est fragilisée. « Certains producteurs de lait ont perdu le revenu de l'année au printemps. Pour eux, cela sera une année pour rien », illustre-t-il. Et si la présence de grands groupes laitiers au sein des filières AOP a permis de rediriger du lait vers d'autres fabrications et parfois d'éviter le pire, des risques de restructuration et de concentration ne sont pas à écarter. Une menace pour ces filières AOP qui ont fait de la diversité de leurs acteurs et leur ancrage territorial leur fierté.
A. J.