Surmonter les chocs par l’engagement syndical
Dans une actualité particulièrement lourde, la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, a échangé vendredi dernier avec l’ensemble des responsables syndicaux de la FDSEA de la Drôme. L’engagement syndical a été mis en avant comme porteur de solutions.

Pour bien entamer son hiver syndical, la FDSEA de la Drôme a convié Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, à son conseil d’administration élargi. Une invitée de marque pour donner le top départ du renouvellement syndical de la fédération d’ici le prochain congrès fixé au 10 mars. Pendant près de quatre mois, et comme tous les trois ans, les membres des différents échelons de la FDSEA (73 syndicats locaux, 8 régions syndicales, 14 sections, 8 commissions, 2 fédérations partenaires) devront élire (ou réélire) leurs responsables. « Ce qui fait la force de la FNSEA, c’est son réseau », a rappelé Christiane Lambert aux actuels responsables de la FDSEA de la Drôme, le 18 novembre à Saint-Marcel-lès-Valence. Les services aux adhérents (juridique, conseil et animation, Pac, main-d’œuvre étrangère, formation, Agri Emploi…) sont aussi des atouts. « Vous êtes une FDSEA “couteau suisse” », a lancé la présidente de la FNSEA à l’issue d’une présentation exhaustive de la structure menée tambour battant par les salariés.
Susciter l’engagement syndical
À Saint-Marcel-lès-Valence, les responsables de la FDSEA de la Drôme ont pu échanger avec la présidente de la FNSEA, tant sur les sujets d’actualité que sur l’engagement syndical.
« Les élections de cet hiver sont une priorité », a insisté Sandrine Roussin, présidente de la FDSEA Drôme, annonçant la tenue d’un séminaire début décembre. Mais les priorités sont aussi celles de l’actualité, particulièrement lourde avec la hausse des prix de l’énergie, l’incertitude sur l’irrigation, la nouvelle Pac, le nouveau dispositif d’assurance multirisque climatique mettant fin au régime des calamités, l’explosion des dégâts des loups… Des préoccupations amplement partagées avec la présidente de la FNSEA, laquelle a expliqué ses points de vue tout au long de cette journée d’échanges (voir encadrés).
« Dans une période très troublée, l’agriculture subit énormément de chocs. Cela peut faire perdre le moral à des agriculteurs, d’où l’importance de ne pas rester isolés chez soi et d’échanger pour trouver des solutions collectives », a confié Christiane Lambert. Pour obtenir des réponses aux revendications, « nous avons besoin d’un syndicalisme fort avec des agriculteurs et des agricultrices qui s’engagent à défendre leur métier. Pour susciter l’engagement syndical, il faut expliquer nos acquis, œuvrer dans la convivialité, cultiver la solidarité et la tolérance, faire de la place aux jeunes. Le monde change et le monde agricole aussi, a-t-elle ajouté. Face aux défis du changement climatique, de la décarbonation, de la souveraineté alimentaire, de l’énergie, l’agriculture est porteuse de solutions. »
Christophe Ledoux
SID : « Sauver la possibilité d’irriguer en 2023 »
L’alourdissement considérable de la facture d’électricité du Syndicat d’irrigation drômois (SID), qui gère l’ensemble des réseaux collectifs, fait craindre le pire. De 2,5 millions d’euros en 2020, puis 7,5 M€ en 2022, la facture grimperait à 30 M€ en 2023. Soit un prix du mètre cube d’eau à 62 centimes d’euro, ce qui représenterait 2 400 € par hectare ! « À ce prix, les 2 600 exploitants concernés ne pourront pas se permettre d’irriguer, annonce Sandrine Roussin, présidente de la FDSEA 26. Cela marquerait la fin de l’agriculture drômoise sachant que 28 % des surfaces agricoles sont irriguées, ce qui représente la moitié du chiffre d’affaires de notre agriculture. » Serge Guier, secrétaire général de la FDSEA insiste : « Il faut sauver la possibilité d’irriguer en tombant impérativement en dessous des 1 000 € par ha ». Le 18 novembre, en marge de la réunion syndicale (lire ci-dessus), les responsables du SID et de la FDSEA ont échangé avec la présidente de la FNSEA. Pour Christiane Lambert, « Il n’y a pas cinquante solutions mais une seule : obtenir une prise en compte du statut particulier du SID pour bénéficier des aides existantes ainsi qu’un accompagnement supplémentaire ». Des échanges au plus haut niveau de l’État sont en cours.
Stockage de l’eau : « La France à la traîne »
En matière de stockage de l’eau pour les besoins agricoles, « la France est à la traîne, constate la présidente de la FNSEA. Même les Pays-Bas et le Danemark font mieux que nous. Plus aucun agriculteur ne conteste le changement climatique mais cherche des adaptations. Mais sans eau, pas d’agriculture et donc pas d’alimentation, d’où une fragilité à la dépendance. » Christiane Lambert ajoute : « Le Giec nous dit qu’il n’y aura pas moins de pluviométrie mais qu’elle sera beaucoup plus mal répartie. Il faut donc gérer l’eau en la stockant lorsqu’elle est abondante et c’est ce que nous avons porté lors du Varenne agricole de l’eau. Il est important de conserver notre appareil productif car dans dix ans, 40 % des agriculteurs seront en âge de prendre leur retraite. Je n’ai pas envie que notre agriculture subisse l’équivalent du “haro sur le nucléaire”. Il faut au contraire tenir à bout de bras le secteur agricole. La France ne doit pas désarmer et continuer à promouvoir sa souveraineté alimentaire et énergétique. »
« Je n’ai pas envie que notre agriculture subisse l’équivalent du “haro sur le nucléaire” », avertit Christiane Lambert.
Coût de l’énergie : « L’agriculture, ce n’est pas comme Duralex »
« Avec un prix du mégawatt multiplié par dix, l’urgence énergétique est là », constate la présidente de la FNSEA. D’ailleurs, fait-elle remarquer, le gouvernement porte une loi sur l’accélération des énergies renouvelables. « L’alternative au gaz de Poutine, ce sont les énergies renouvelables tous azimuts. L’agriculture française n’est pas restée les bras croisés : biocarburant, biomasse, méthane, photovoltaïsme, agrivoltaïsme sont capables d’apporter de l’énergie et ce seront des sources de revenus pour les agriculteurs. Mais comme l’agriculture est très utilisatrice d’énergie, les nouveaux contrats proposés à des tarifs très prohibitifs remettent en question la production, s’insurge Christiane Lambert. Les activités comme la fabrication de verres peuvent s’arrêter (référence à Duralex, Luminarc - ndlr), mais pas les activités agricoles qui travaillent quotidiennement avec du vivant. Le gouvernement a mis 17 milliards d’euros pour les particuliers et seulement 10 milliards pour les entreprises, c’est trop peu. »
« L’alternative au gaz de Poutine, ce sont les énergies renouvelables tous azimuts », estime la présidente de la FNSEA.
Réforme de la Pac : « Nous avons épuré tout ce qui était idéologique »
« On a réussi à préserver le caractère économique de la Pac, c’est à dire les aides aux agriculteurs, mais avec du verdissement pour tenir compte du changement climatique, de la biodiversité, des attentes sociétales », fait remarquer Christiane Lambert. Avec son plan stratégique national (PSN) qui met en œuvre la Pac dans notre pays, « la France a pu préserver son budget, en baisse de seulement 2 % au lieu des 15 %, voire plus, annoncés. Pour la mise en œuvre de l’écorégime - qui représente 25 % des aides Pac - nous avons obtenu trois voies d’accès pour assurer l’accessibilité des soutiens aux agriculteurs. » La présidente de la FNSEA note une autre avancée comme la possibilité de la monoculture (maïs sur maïs, blé sur blé). « Nous avons épuré tout ce qui était idéologique », assure-t-elle.
« Pour l’écorégime, nous avons obtenu trois voies d’accès pour assurer l’accessibilité des soutiens aux agriculteurs », indique Christiane Lambert.
Aléas climatiques : assurance et solidarité nationale
« Le nouveau dispositif qui arrive au 1er janvier a été voulu par la FNSEA et il a été co-construit avec les assureurs, indique Christiane Lambert. Au-delà d’un certain niveau de pertes, de 30 à 50 % selon les productions, nous tenions énormément à la solidarité nationale parce que les évènements climatiques extrêmes vont se multiplier. L’État a tardé à sortir certains décrets mais les assureurs sont en train de construire les contrats qui seront proposés aux agriculteurs dans le courant du mois de décembre. Avec le changement climatique qui bouleverse l’activité agricole, le meilleur conseil à donner aux agriculteurs, c’est de s’assurer pour couvrir ces périodes où l’on peut tout perdre. »
Loup, main-d’œuvre, inflation
« La France est le pays d’Europe où l’inflation alimentaire est la plus basse, constate Christiane Lambert. Nous sommes le pays où l’alimentation est la moins chère, ce qui a été dramatique pour l’agriculture avec dix années de baisse des prix qui ont détruit des exploitations agricoles. Grâce à la loi Alimentation, on arrive à regagner de la valeur. Mais quand les moyens de production sont bloqués (manque d’eau, décapitalisation…), les prix montent du fait de la rareté des produits. Il faut donc continuer à produire autant et plus et de façon durable. »
À propos de la main-d’œuvre, « l’agriculture fait partie des secteurs en tension pour les tâches saisonnières et nous avons soutenu la réforme de l’assurance chômage, indique la présidente de la FNSEA. L’agriculture a besoin de la main-d’œuvre étrangère dans un cadre légal et régularisé. »
Au sujet de loup, « la prédation est énorme en Drôme avec la présence de 29 meutes, observe Christiane Lambert. Le travail des éleveurs est déconsidéré alors que les loups sont plus destructeurs que porteurs de biodiversité. »