Arrêté abeille : « Une déclaration de guerre envers les agriculteurs »
Dans le cadre du projet de « plan pollinisateurs », l’arrêté « abeille », qui durcit considérablement les possibilités de traitements phytosanitaires, a fait vivement réagir FDSEA et JAde la Drôme.

Le 6 août, dans le cadre de la dérogation néonicotinoïdes accordée à la betterave sucrière, le ministère de l’Agriculture annonçait un plan de protection des pollinisateurs « d’ici fin 2020 ». Promesse tenue avec la présentation, le 14 décembre, du volet réglementaire du « plan pollinisateur », suivie d’une réunion d’échange le 18 décembre avec les filières agricoles (compte rendu à lire ici). Dès le 11 décembre, FDSEA et JA de la Drôme avaient écrit aux parlementaires pour « tirer la sonnette d’alarme ».
« Un danger pour toutes les filières agricoles »
« Le principal point de crispation de ce plan est l’interdiction de traitement, en période de floraison, élargie aux herbicides et fongicides, exception faite de ceux portant la mention “abeilles” dans un délai de trois heures après le coucher du soleil, explique Régis Aubenas, président de la section fruits de la FDSEA de la Drôme. Cela met en danger toutes les filières agricoles, y compris en agriculture biologique. Ce dossier a été géré dans la précipitation alors que l’on peut à la fois protéger les cultures et les pollinisateurs. Le volet “abeille” nous pose problème car il revient à interdire la quasi-totalité des traitements nécessaires pour préserver la santé des plantes et assurer les futures récoltes. Cela aboutirait à une réduction significative du nombre de produits autorisés, donc à des impasses techniques majeures mettant en péril nos cultures et nos exploitations. Et pour les produits autorisés, les contraintes d’utilisation ne seraient pas tenables ni techniquement, ni socialement, ni économiquement. » FDSEA et JA pointent aussi le risque « majeur » de distorsion de concurrence avec les producteurs des autres Etats membres de l’Union européenne et des pays tiers.
Une demande de concertation
Les deux syndicats rappellent leur attachement à la protection des pollinisateurs. « En arboriculture, par exemple, nous utilisons les abeilles dans nos vergers durant la période de floraison, dans le cadre de contrats de pollinisation avec nos apiculteurs pour les vergers écoresponsables, fait remarquer Régis Aubenas. Dans la Drôme, plusieurs milliers de ruches sont ainsi déposées sur nos parcelles avec des résultats sanitaires et économiques très satisfaisants pour nos apiculteurs. J’ajoute que la réglementation française pendant la floraison est la plus stricte d’Europe. C’est pourquoi nous considérons l’approche du plan gouvernemental extrêmement méprisante vis-à-vis de notre profession. »
FDSEA et JA demandent de la concertation afin d’expliquer le professionnalisme des agriculteurs. Le document de travail remis le 18 décembre aux représentants de la profession agricole confirme que la mention « abeille » serait bien étendue progressivement à tous les fongicides et herbicides, conformément à l’avis de l’Anses. L’une des voies consisterait à imposer aux fabricants de phytosanitaires de remettre de nouvelles données sous 18 mois à compter de la promulgation du texte. L’autre suivrait le calendrier de renouvellement des autorisations de mise en marché (AMM) des produit ; en cas d’absence de solution en période de floraison pour une culture et un « agresseur », les ministères envisageraient déjà des dérogations.
La consultation publique reportée
Grâce à l’action syndicale de ces derniers jours, « l’étau s’est desserré avec le report de la mise en consultation publique, initialement prévue le 23 décembre, sans date précisée. Cela donne du temps pour la concertation, indique Régis Aubenas, qui reste cependant sur ses gardes. La pression syndicale de terrain et celle de la FNSEA auprès des cabinets des ministres et du Premier ministre commencent à payer. Je note également une prise de conscience des difficultés exprimées sur les horaires de traitement. »
En revanche, le ministère de la Transition écologique persiste dans sa volonté d’étendre la mention « abeilles » aux fongicides et herbicides. « Avec la FNSEA et JA, nous maintenons notre proposition d’un plan global pour la protection des pollinisateurs, qui favorise les liens apiculteurs-agriculteurs, ajoute Régis Aubenas. Nous continuons à réclamer l'application du strict cadre européen concernant les mesures réglementaires relatives aux autorisations des produits phytosanitaires. Nous allons continuer à sensibiliser nos parlementaires et le préfet sur le bien-fondé de nos arguments. »
C. L.