Trufficulture
Une saison des truffes en demi-teinte

Alors que les producteurs de truffes vendent les deux tiers de leur production en restauration hors-domicile, la commercialisation de ce diamant noir s’annonce délicate en cette fin d’année. Pourtant, les premières récoltes font émerger des produits de très bonne qualité.

Une saison des truffes en demi-teinte
Cette année, les truffes sont de très bonne qualité. Dommage que les débouchés soient restreints, en raison du contexte sanitaire… (photo d’archive)

« La Drôme est le premier département trufficole de France et nous en sommes fiers ! », annonce d’emblée Robert Perrenot, trufficulteur et président du syndicat des producteurs de truffes de la Drôme des Collines. Avec 20 tonnes de truffes produites chaque année sur les trois bassins de production (Tricastin, Val de Drôme et Drôme des Collines), le monde agricole drômois se démarque une nouvelle fois. « Le département est très riche en nombre de trufficulteurs », rajoute-t-il. Dans la Drôme des Collines, la saison a débuté à la fin du mois de novembre. Et les premières truffes sorties de terre tiennent toutes leurs promesses, malgré une récolte plus précoce que les années précédentes. « Les truffes sont belles, matures et odorantes. La qualité est au rendez-vous », souligne Robert Perrenot. Si le diamant noir, appelé la Tuber melanosporum, se révèle être une nouvelle fois remarquable, sa commercialisation quant à elle s’annonce difficile : « Les prix sont relativement bas, et notamment les prix de gros qui sont en baisse. La truffe est un produit frais, et est énormément consommée sur les tables des restaurants. Or, le contexte sanitaire et la fermeture de la restauration hors-domicile mettent à mal les ventes de ce produit. Les débouchés sont donc limités. Ce sera une année assez compliquée pour les trufficulteurs », poursuit le président.

Promouvoir le produit au niveau local

Les producteurs comptent donc sur l’intérêt des particuliers pour acheter de la truffe. « Nous mettons les bouchées doubles avant les fêtes. Beaucoup de personnes sont intéressées par ce produit et nous avons déjà eu pas mal de commandes pour Noël. Notre but est de faire en sorte que les gens consomment de la truffe ». Dans la Drôme des Collines, la vente en local ne cesse de s’accentuer, avec un engouement de la part des producteurs pour faire découvrir le produit, le faire déguster, etc. Mais cette année, la perte financière sera inévitable. Fort heureusement, les trufficulteurs ne jetteront pas de truffes puisqu’elles seront réutilisées à bon escient : « les truffes seront ramassées et congelées, afin de pouvoir les remettre en terre et s’en servir de semences pour les années à venir », prévient Robert Perrenot. 
Dans le sud-Drôme, à Grignan, les inquiétudes sont similaires : « avec la Covid-19 et la fermeture des restaurants jusqu’au 20 janvier 2021, à minima, nous n’avons pas ou peu de commandes. La situation est la même à l’international avec des marchés asiatiques ou américains à l’arrêt », souligne Audrey Chabert-Chapuis, du Domaine de Cordis à Grignan.

La flambée des prix n’aura pas lieu

Agricultrice depuis 2013 et trufficultrice, elle peut toutefois compter sur le soutien de ses clients locaux : « nous avons la chance de commercialiser nos produits en grande partie en vente directe. Nous avons aussi eu dernièrement les honneurs d’un reportage télévisé sur RMC, ce qui a favorisé certaines ventes », avoue-t-elle. Pour autant, les prix ne flamberont certainement pas cette année : « les prix sont à la baisse, même en s’approchant des fêtes de Noël. Pour l’heure, ils ne sont pas supérieurs à 1 € le gramme. Et je redoute une chute des prix après les fêtes. »
Spécialisé en truffes biologiques – produit relativement rare sur le marché français -, le Domaine de Cordis aime faire découvrir le milieu de la truffe, depuis l’arbre en passant par le cavage, le travail avec les chiens, les différentes techniques de travail et les outils pour entretenir la truffière. « Les gens montrent un intérêt particulier pour ce produit. Certes, il s’agit d’un produit de luxe, un produit saisonnier mais il est important de le promouvoir », note Audrey Chabert-Chapuis. Au Domaine de Cordis, les truffes non commercialisées seront utilisées pour les produits dérivés (sel, huile, vinaigre, etc.), sans arômes ajoutés.

Amandine Priolet

Le 13 décembre a marqué l’ouverture du célèbre marché aux truffes de Saint-Paul-Trois-Châteaux sur la place de l’Esplan. Un marché auquel ont pris part les sénateurs Marie-Pierre Monier et Gilbert Bouchet, la présidente du Département Marie-Pierre Mouton et de nombreux représentants des communes avoisinantes. Dans un contexte particulier en raison de la crise sanitaire, seul manquait à l’appel le stand de dégustation. Cela n’a toutefois pas empêché le public à venir en nombre échanger avec les producteurs et se faire plaisir pour embaumer les repas de fêtes à venir. « Nous connaissons une année très favorable sur notre territoire des trois cantons de Saint-Paul, Grignan et Valréas », a annoncé l’équipe des trufficulteurs du marché sur sa page Facebook. Avant de poursuivre : « la bonne quantité et surtout une maturité avancée laissent déjà penser aux arômes du mois de janvier… ». Le marché de détail se tiendra tous les dimanches jusqu’au 15 mars 2021.

A. P.

Produit phare de la Drôme, la truffe noire fait des envieux. Et la concurrence étrangère ne cesse de faire feu : « nous sommes bien conscients que la concurrence arrive sur le marché, avec des prix différents à ceux que nous proposons sur le territoire national. Cela casse un peu le cours du marché », regrette Robert Perrenot, président du syndicat des producteurs de truffes de la Drôme des Collines. « Des quantités importantes de truffes arrivent par l’Espagne. L’Italie, l’Allemagne, l’Australie, voire même la Turquie se mettent aussi à produire davantage. Nous devrons nous démarquer », poursuit-il. La nécessité de vendre les produits localement s’avère donc inéluctable : « promouvoir la truffe au niveau local, c’est le but des trois syndicats drômois. Nous devons faire en sorte que le produit soit connu et reconnu ». Dans ce contexte, la démarche d’une indication géographique protégée (IGP) est en cours.

A.P.