Fêtes de Noël : la résilience de la ferme La Freydière
Éleveurs de canards dans la Drôme, Sylvie Boutarin et Mathieu Duvernois sont à la tête de la ferme La Freydière depuis huit ans. Cette année, comme nombre de producteurs, ils sont confrontés aux conséquences de l’influenza aviaire en prévision des fêtes de Noël.

Cuisiniers de métier pour des restaurants gastronomiques et étoilés, Sylvie Boutarin et Mathieu Duvernois élèvent aujourd’hui des canards sur la commune de Soyans, dans la Drôme. Une reconversion qui a du sens. « Nous avons retapé une maison en ruine, sur un terrain agricole, dans laquelle nous souhaitions ouvrir une ferme-auberge. Il nous fallait une base agricole, c’est pourquoi nous nous sommes lancés dans l’élevage de canards, puisque c’est un produit que nous savons travailler tous les deux sous toutes ses formes », explique Sylvie Boutarin, fille d’agriculteurs depuis plusieurs générations dans le même hameau. Ainsi, de l’élevage à la vente directe, en passant par la transformation, le couple d’agriculteurs peut garder un pied dans sa passion initiale, la cuisine. Un quotidien bien rythmé qui oblige le couple à mettre son projet culinaire de ferme-auberge en stand-by pour le moment.
La création de la ferme La Freydière s’est faite en 2014, après l’obtention, pour Mathieu Duvernois d’un BPREA au lycée agricole Le Valentin à Bourg-lès-Valence (Drôme) puis de stages
effectués chez des éleveurs de canards, notamment dans le Sud-Ouest. « Nous avons sélectionné des canards de race mulard, reconnus pour la qualité de leur viande, que nous élevons en plein d’air », explique-t-il. Ainsi, le couple élève près de 2 000 canards sur l’année.
Un élevage en plein air
« Nous recevons un lot de 300 canetons âgés d’un jour, toutes les six semaines environ. Ils sont élevés en poussinière chauffée à 38 °C pendant deux semaines, puis nous baissons la température progressivement, durant quatre semaines supplémentaires. Ensuite, nous les mettons dans le parc extérieur durant six semaines. À la suite de ces douze semaines, nous procédons au gavage pendant dix jours (hors période estivale), par lot de 30 à 50 selon nos besoins, en fonction des marchés », poursuit-il. Pendant cette période de gavage, les canards ont un repas matin et soir, avec un intervalle de onze à douze heures entre les repas.
Les canards de race mulard offrent une qualité de viande remarquable.
Les quantités sont augmentées progressivement. Une fois par semaine, le lundi, Sylvie Boutarin et Mathieu Duvernois abattent les volailles, une étape qu’ils réalisent directement sur la ferme grâce à une chaîne d’abattage. « Déjà, les animaux sont moins stressés. Ensuite, nous avons une jolie qualité de viande à proposer à nos clients », prévient Sylvie Boutarin. Après abattage et plumage, les canards sont stockés en chambre froide jusqu’au lendemain. « C’est une étape importante pour la conservation de la viande et donc de la qualité de nos produits », expliquent les éleveurs. Ils transforment ainsi directement en foie gras, cuisses, magrets, aiguillettes, et autres tournedos, et réalisent des rillettes, terrines et confits pour agrémenter leurs gammes de produits. « Notre volonté est de valoriser toutes les parties du canard », l’éleveur. Parmi les produits transformés, les anciens cuisiniers de profession proposent des recettes qui leur sont propres : foie gras aux écrevisses, au magret fumé, au gingembre confit, caillette à la viande de canard, au foie gras, terrine au picodon fumé, etc.
Le choix de la vente directe
Certains de leurs produits ont d’ailleurs été primés lors du concours Fermier d’Or, en 2018, pour leur foie gras mi-cuit et en 2019 pour leur rillette de canard. Une belle reconnaissance de leur travail. Côté commercialisation, le couple d’éleveurs a fait le choix de la vente directe. Ils vendent leurs productions sur deux marchés hebdomadaires, dans un magasin de producteurs, via une plateforme Rezopaysans et directement à la ferme. La vente en circuit court est pour eux un bon moyen d’être proche de leur clientèle et de pouvoir évoquer les enjeux du métier. En cette fin d’année, les difficultés sont nombreuses. « Nos accouveurs sont situés dans les principaux bassins de production touchés par l’influenza aviaire, en Pays de la Loire. Depuis mars- avril, nous avons été dans l’impossibilité d’avoir des canetons. Les premières livraisons ont été faites en septembre, soit avec près de six mois de retard », précise Mathieu Duvernois. « En août, septembre et octobre, nous avons élevé des oisons grâce à un accouveur de l’Ain, pour tenir la tête hors de l’eau, ajoute Sylvie Boutarin. Les clients ont joué le jeu et nous ont soutenus. »
Une perte de trois mois de production
Toutefois, la disponibilité en foie gras de canards sera plus faible cette année : « il nous manque quand même trois mois de production, soit près de 600 canards », regrette l’éleveuse. Pour l’heure, la ferme La Freydière s’interroge également sur les livraisons futures. « Nous savons déjà que nous ne pourrons pas avoir de canetons pour la fin décembre. Nous ne savons donc pas comment nous allons relancer l’année 2023. Nous vivons au jour le jour », indique-t-elle. Dans ce contexte, le couple réfléchit à diversifier ses activités agricoles, avec des idées de camping d’été à la ferme, de conserverie, etc. « En attendant, on ne se laisse pas abattre, on s’appuie sur le soutien de notre clientèle. C’est la première fois, depuis notre installation, que l’on connaît une situation pareille. Jusque-là, nous regardions cela de loin, sans penser que ça nous toucherait en cette fin d’année. Malgré tout, nous avons toujours des investissements en cours donc il ne faudrait pas que cette situation dure trop longtemps. » La ferme La Freydière estime une perte de 40 % de son chiffre d’affaires cette année. À cette situation délicate s’est ajoutée, fin octobre, une attaque de loup. « Nous avons retrouvé quarante canards déchiquetés dans le parc. Malheureusement, il n’y a pas d’indemnisation pour les animaux de moins de dix kilos. C’est une semaine de travail perdue », déclarent-ils. Malgré toutes ces difficultés rencontrées en cette année 2022, le couple ne regrette en rien sa reconversion. « On prend plaisir chaque année à faire notre métier, à transformer nos produits. Cette année nous permet simplement de nous poser les bonnes questions, d’analyser ce qu’on a fait depuis huit ans et de prendre du recul », conclut Mathieu Duvernois.
Amandine Priolet
Tourte au canard

Temps de préparation : 30 mn
Temps de cuisson : 40 mn
Préparation (pour 6 personnes environ) :
Réaliser la pâte brisée : mélangez 500 gr de farine, une cuillère à café de sel avec 250 gr de graisse de canard, pétrissez rapidement et légèrement du bout des doigts pour obtenir une semoule grossière. Incorporez rapidement 100 gr d’eau pour obtenir une pâte et faire une boule.
Préparer la garniture : dans une poêle, faire fondre à feu doux 1 kg de vert de blettes ou épinards frais avec une noix de graisse de canard pendant environ 5 mn, les égoutter.
Mélanger ensuite les fritons de canard, saler et poivrer à votre goût (attention, les fritons sont déjà assaisonnés). Étaler la moitié de la pâte dans un moule à tarte, ajouter la garniture froide et remettre un disque de pâte. Souder les bords avec un jaune d’œuf. Faire une cheminée au centre de la tourte et cuire au four à 180 °C environ pendant 40 minutes.
Le petit + du chef : en automne, vous pouvez y ajouter quelques champignons des bois.