Bon cru pour Vercors lait

Ambiance froide à l’extérieur de La Coupole à Villard-de-Lans et chaude à l’intérieur, le 3 février pour l’assemblée générale de la coopérative Vercors Lait. Rien de dramatique, mais des échanges francs et directs. Pourtant, le dernier exercice est bon pour la structure de collecte de lait vertacomicorienne. Depuis quinze ans, Paul Faure la préside. Il était arrivé à sa tête dans un moment de turbulence extrême où l’outil a failli disparaître. « Il faut quatre ans pour creuser un trou de 600 000 euros, quatorze pour rattraper le déficit et redonner une assise financière à l’entreprise », souligne Philippe Guilloud, directeur de la coopérative. Car le résultat comptable est désormais positif.
« L’activité est enfin rentable, la situation saine et le bilan équilibré », poursuit-il. Mais il reste prudent quant à l’état du marché. « La vente dans les magasins filiales - Seyssins et Saint-Paul-lès-Romans - a connu un léger retrait par rapport à l’exercice précédent. Et cette année, les turbulences économiques doivent nous éviter de nous emballer. » Mais « la clientèle bio est en place et nous devrions passer la crise actuelle correctement ».
Clientèle fidèle
La production reste plutôt inférieure à la demande du marché. Les consommateurs sont là, très près, sur le plateau ou proches dans les vallées de part et d’autre. Les 32 exploitations laitières (dont 11 en bio) produisent bon an, mal an un peu plus de six millions de litres de lait transformés en 430 tonnes de bleu du Vercors. Une belle performance puisqu’en 2007, seulement 130 tonnes sortaient de l’usine. « L’ouverture au négoce a permis de relancer la dynamique commerciale il y a quatorze ans », insiste le directeur. La gamme s’est renforcée et offre une palette satisfaisante. « Pour le bleu, c’est notre plus belle année, tandis que le stock de vercorais qui s’était formé pendant la crise de la Covid a été apuré. » La politique de fromages de garde mise en place à ce moment-là a été salutaire parce que les débouchés ont finalement été trouvés.
Prix augmentés
L’exercice a été bon non seulement parce qu’il est bénéficiaire mais aussi parce qu’il a permis de distribuer des compléments de prix et de mieux payer les producteurs. Le prix moyen est ainsi passé de 388 à 434 euros pour 1 000 litres en lait traditionnel, et de 475 à 528 euros les 1 000 litres en bio. Une augmentation que les responsables coopératifs apprécient d’autant plus que les charges liées au tank à lait et à l’entretien des machines à traire sont supportées par la coopérative, évitant aux éleveurs une charge de 5,32 euros pour 1 000 litres. Dans la salle un producteur fait remarquer que « la Bretagne est à un niveau de 480 euros les 1 000 litres et que les fournisseurs croient que le prix du lait de montagne augmente avec l’altitude », faisant référence à des prix savoyards bien plus élevés. Les dirigeants de la coopérative rappellent que « le prix pratiqué par la coopérative est linéaire et ne suit pas ceux pratiqués sur le marché spot, variable quotidiennement ».
Livraison presque totale
En revanche, la discussion s’est focalisée sur un complément de prix lié à la livraison minimale de 95 % des volumes des exploitations à la coopérative. Un vieux débat local, de nombreux apporteurs transformant une partie de leur production pour la vendre en direct. Ce seront eux les plus pénalisés par cette décision interne, « imposée par les statuts coopératifs, soulignent les dirigeants, une décision qui aurait dû être prise depuis longtemps ». D’autant plus qu’un organisme de contrôle des coopératives a attiré l’attention des responsables de Vercors Lait. « Nous devons faire preuve de bonne volonté, indique Paul Faure, les coopératives étant sous le regard attentif de l’Union européenne. »
Jean-Marc Emprin
Vercors Lait en quelques chiffres
• 32 exploitations laitières dont 11 en bio.
• 55 salariés répartis entre la coopérative et sa filiale gérant les deux magasins de la plaine.
• 6,2 millions de litres de lait transformés.
• 1 100 tonnes de fromages dont 430 de bleu du Vercors.
• 1,2 million d’euros d’investissements prévus pour moderniser le refroidissement du lait, le recyclage des effluents de nettoyage, améliorer le piquage des bleus, faciliter le travail des salariés par la mécanisation du retournement des tommes.