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Les éleveurs ovins ont besoin de signaux clairs pour leur avenir

Marché de l’agneau, devenir des aides couplées dans la nouvelle Pac et prédation étaient à l’ordre du jour de l’assemblée générale de la fédération ovine de la Drôme, le 17 mars à Crest, en présence de Michèle Boudoin, présidente de la fédération nationale ovine.

Les éleveurs ovins ont besoin de signaux clairs pour leur avenir
Michèle Boudoin, présidente de la fédération nationale ovine (FNO) participait à l’assemblée générale de la FDO 26, aux côtés de son président Frédéric Gontard.

« Le prix de l’agneau, depuis l’automne dernier, atteint des niveaux sans précédent depuis 15 ans, nous avons une véritable fenêtre de respiration », affirme Michèle Boudoin, présidente de la fédération nationale ovine (FNO), qui a fait le 17 mars, un aller-retour express depuis le Puy-de-Dôme pour rencontrer les éleveurs drômois. Pourtant, il y a un an, à la veille de Pâques, entre confinement, interdiction de rassemblements et clusters dans les abattoirs, les perspectives semblaient des plus sombres pour écouler les agneaux français. Mais très rapidement le vent a tourné favorablement pour la filière. Covid oblige, la limitation des échanges internationaux a fait chuter les importations, déjà ralenties depuis que l’Australie a subi de lourdes pertes de brebis durant les incendies de 2019-2020 et que les éleveurs néo-zélandais se tournent vers la production de lait… Pendant ce temps, le consommateur français, secoué par la crise sanitaire, est revenu vers des produits estampillés France. « La filière a su s’adapter et proposer de nouvelles découpes et présentations pour répondre à cette demande de consommation », insiste Claude Font, secrétaire général adjoint de la FNO, qui participait également à cette assemblée générale de la FDO 26. Si bien que l’agneau français, qui représente 43 % de la consommation hexagonale, s’est mis à manquer.

« Le cours va augmenter à Pâques »

Pour les semaines à venir, Michèle Boudoin affiche une certaine confiance : « Le cours va augmenter à Pâques. On va de nouveau manquer d’agneaux ». Selon elle, les importations en provenance du Royaume-Uni, y compris celles de pays tiers qui y transitent, sont en recul, effet direct des mesures douanières liées au Brexit. L’agneau d’Espagne fait tout de même une percée vers la France, privé de ses marchés habituels vers le Maghreb pour cause de frontières fermées en raison du Covid. « Mais, je le dis sans vouloir vous froisser, ce n’est pas grave qu’il y ait un peu d’import. C’est important de trouver de l’agneau dans les linéaires et qu’il soit accessible au plus grand nombre des consommateurs », indique la présidente de la FNO. En résumé : il faut faire manger de l’agneau. Et bien sûr chaque fois que possible de l’agneau français. « C’est la feuille de route de l’interprofession : nous devons au sein des régions travailler pour développer la consommation hors domicile, dans les cantines, les lycées… Pour cela, il faut trouver des niveaux de prix accessibles et préparer les consommateurs de demain », explique Michèle Boudoin. 

Eleveurs en détresse

Malgré ce contexte économique plutôt favorable à la viande ovine, les éleveurs drômois présents à l’assemblée générale ont fait part de leur découragement, de leur colère pour certains. Alors qu’on les enjoint à être toujours plus performants techniquement pour améliorer la productivité de leurs élevages et répondre aux besoins du marché, la réalité à laquelle ils sont confrontées est toute autre. « Mon quotidien, c’est gérer les chiens de protection et les tensions qui en découlent avec le voisinage. Aujourd’hui, il y a tellement de loups sur le secteur qu’il nous faut des meutes de chiens pour défendre nos troupeaux. Ça devient impossible. Il faut faire baisser la population de loups pour qu’on n’ait pas besoin d’autant de chiens », déplore Nicolas Peccoz, éleveur dans la vallée de la Gervanne. Des propos relayés par l’ensemble des éleveurs de ce territoire présents le 17 mars. Tous témoignent d’une situation qui empire avec le voisinage, de responsabilités qui pèsent sur eux et de temps passé à s’occuper des chiens. 

Comment apaiser ces tensions ? Pour l’instant, peu de pistes semblent se dessiner. Michèle Boudoin rappelle cependant que le travail acharné de la FNO auprès des pouvoirs publics a permis de passer à une autorisation de prélèvement de 121 loups en 2021, « alors qu’il y a dix ans, on nous disait : vous ne pourrez jamais dépasser les neuf ». « Je sais que c’est difficile sur le terrain car on voit l’argent dépensé pour les chiens, les filets et leur inefficacité. Qu’est ce que le loup comprend ? Il comprend les coups de fusils. Des sommités scientifiques le disent, l’écrivent mais on n’arrive pas à faire bouger les choses parce qu’il y a un dogmatisme écolo (…). Les chiens et les filets ne seront efficaces que si on rééduque le loup à avoir peur de l’homme », soutient la présidente nationale. 

Inquiétudes sur les aides couplées

Autre sujet brûlant pour la filière ovine, la nouvelle politique agricole commune qui entrera en vigueur en 2023. «  A l’heure où je vous parle, je ne sais pas si l’aide ovine sera sacralisée. Je ne sais pas si nous pourrons trouver l’enveloppe pour ces aides couplées qui ont permis depuis dix ans de redonner un ressort à notre filière ovine, un rééquilibrage. Les propositions qui sont tombées la semaine dernière de la part du ministère [dans le cadre du plan stratégique national, NDLR] nous paraissent assez dangereuses, a déclaré Michèle Boudoin à Crest ce 17 mars. Si on n’a pas l’aide couplée demain, on ne pourra pas être compétitif face à des pays tiers. Je ne comprends pas comment on pourrait revenir sur un dispositif qui est vertueux, qui permet d’encourager à la fois la production d’agneaux, de lait, d’occuper économiquement des territoires. Là où la production ovine reste, souvent c’est parce qu’on ne peut rien faire d’autre », rappelle-t-elle. Les prochaines semaines seront déterminantes pour sauver l’enveloppe de 125 millions d’euros nécessaire selon la FNO pour l’aide ovine. Sa présidente assure que l’échelon national défendra cette position auprès du ministre de l’Agriculture. Elle invite aussi le terrain à interpeller députés et sénateurs. « Eux savent quelle importance l’élevage ovin a sur les territoires en termes économique, de biodiversité, de paysages... », estime Michèle Boudoin. Des élus, tout comme des représentants de l’État, qui n’ont pas entendu ces messages le 17 mars, invités mais excusés à l’occasion de cette assemblée générale de la FDO 26.

S.Sabot

Tirs de défense renforcée
Claude Font, en charge du dossier prédation à la FNO.

Tirs de défense renforcée

Claude Font, membre du bureau de la FNO en charge du dossier prédation, a rappelé que l’autorisation des tirs de défense renforcée s’arrête automatiquement au 31 décembre et que les éleveurs concernés doivent réactiver leur demande. Il invite également la FDO 26 et les éleveurs drômois à s’assurer que le nombre d’autorisations accordées correspond bien au nombre d’éleveurs qui pourraient y prétendre. « Pour l’obtenir, il faut trois attaques sur les deux dernières années. Si on regarde la liste des attaques en Drôme en 2019-2020, je suis persuadé que des éleveurs ont droit à des tirs de défense renforcée et ne l’ont pas forcément demandé », indique le représentant de la FNO.

Sondage : l’élevage plutôt que le loup

« La question de la prédation a cristallisé les tensions et cloisonné les différentes sensibilités. Mais nous ne pourrons pas nous en sortir sans le soutien de la société », a souligné Frédéric Gontard, président de la FDO 26. Il insiste sur la nécessité de communiquer et souligne : « Les résultats d’un sondage diffusé par la FNO montre que la société est plus sensible à ce que l’on vit que ce que l’on pouvait le croire. » Selon cette enquête réalisée en 2020 par OpinionWay pour le compte de la FNO et de la confédération nationale de l’élevage (CNE), « plus de six Français sur dix pensent que les bergers devraient avoir le droit de se défendre lorsque les loups attaquent leurs troupeaux ». Près de huit sondés sur dix comprennent le désarroi des éleveurs de brebis. « Cette empathie est d'autant plus forte chez les personnes ayant déjà entendu parler des problèmes de prédation (81 %) », précise la FNO. Ce sondage indique aussi que plus de six Français sur dix privilégieraient l'élevage de brebis à la présence du loup. « Cette intention est davantage prononcée par les habitants du Sud-Est (69 %) qui sont témoins depuis plus de vingt ans de l'impact du loup sur leur territoire », rapporte la FNO. En revanche, les Français sont partagés sur le « déclassement » de l’espèce lupine : 50 % sont pour le maintien de sa protection et 50 % sont contre.

Foire aux béliers

Foire aux béliers

La 8e édition de la foire aux béliers, qui se déroule chaque année après l’assemblée générale de la FDO 26, a bien eu lieu mais en extérieur. Si les conditions liées au Covid ont modifié les habitudes, une cinquantaine de béliers ont tout de même été exposés contre soixante-dix en 2020.