Géopolitique
La Russie sur tous les fronts

La Russie amasse des troupes aux frontières de l’Ukraine pour tenter d’accroître son influence régionale, tout en multipliant les accords commerciaux, y compris agricoles, avec la Chine et l’Inde, pour compenser des sanctions qui lui sont coûteuses.

La Russie sur tous les fronts

Où va Vladimir Poutine ? Il y a moins d’un mois, un renforcement des accords bilatéraux entre la Russie et la Chine a été conclu, qui doit permettre de renforcer les flux et surtout les achats de céréales par les Chinois. Début décembre, il était en Inde, pour signer une pluie d’accords commerciaux et militaires. Il est aussi sur les fronts syriens, libyens, maliens et autres théâtres d’opérations où les Occidentaux se frottent à ses ambitions. Surtout, Poutine menace - tout en s’en défendant - d’ouvrir un conflit armé avec l’Ukraine, tout en acceptant une visioconférence sur le sujet avec le président américain Joe Biden, qui promet de réagir en cas d’attaque...

Avec l’invasion de la Crimée en 2014, son pays a fait l’objet de sanctions économiques des Américains et des Européens, en évitant toutefois cibler les échanges commerciaux. En rétorsion, la Russie a interdit l’importation de produits alimentaires pour une valeur d’environ 9 milliards d’euros (Md€). La pandémie a aussi fait des ravages sur l’économie russe, en raison de la chute des prix du pétrole et du gaz. Rien qu’avec l’Union européenne, d’après Eurostat, les importations russes sont passées de 145 à 94 Md€ entre 2019 et 2020, et l’impact est encore plus élevé pour les produits agricoles, passés de 6 à 2 Md€. L’UE a mieux tiré son épingle du jeu et a vendu des biens en Russie pour une valeur de 90 Md€, dont 5 Md€ de produits agricoles.

30 Md$ d’exportations agricoles

En 2021, les échanges se sont rééquilibrés à la faveur de la hausse des prix des matières premières. Mais si des sanctions commerciales devaient à nouveau frapper la Russie, son économie en souffrirait beaucoup. Vladimir Poutine en a sans doute conscience, et il a un intérêt évident à diversifier ses débouchés. Selon la vice-premier ministre russe, Viktoria Abramchenko, en charge de l’agriculture, les exportations de denrées agricoles s'élèvent cette année à plus de 30 milliards de dollars (Md$), en hausse de 20 %. « Pour la première fois, nos exportations sont supérieures à nos importations, précise-t-elle. De nouvelles possibilités d'approvisionnement en produits russes dans différentes parties du monde apparaissent. Il convient de tirer parti de ces opportunités ».  D’où l’activité de Vladimir Poutine sur la scène internationale.

La Russie est aussi le premier exportateur mondial de blé, avec environ 35 millions de tonnes (Mt), soit 50 à 60 % de sa production, qu’il destine au Maghreb et au Moyen-Orient, en concurrence avec les pays européens. Le pays a un potentiel à terme de 100 Mt « et s’en sert pour accroître son influence géopolitique », affirme un expert.  Mais avec une mauvaise récolte en 2021 et des prix à près de 300 €/t, la Russie se voit contrainte de limiter ses exportations pour éviter une envolée de prix sur son marché intérieur. Avec la Chine, on estime les exportations de matières premières agricoles à environ 4 Md$, ce qui reste un montant limité comparé aux importations chinoises de céréales dans le monde, notamment aux États-Unis et au Brésil. Les achats chinois de produits agricoles russes ne sont pas, pour l’heure, supérieurs à ceux de l’Union européenne.

La Mer Noire, un atout stratégique

La Russie a aussi beaucoup d’atouts. Elle a réussi à renforcer ses ports, sa logistique, et son accès à la Mer Noire lui ouvre des routes maritimes vers le Sud de l’Europe, le Maghreb, le Moyen-Orient, l’Afrique et l’Inde, qui facilitent ses exportations agricoles. Elle est idéalement située entre la Chine et l’Union européenne. Mais son activisme géopolitique est beaucoup plus retentissant que son poids économique dans le concert mondial. Son PIB est à peine supérieur à celui de l’Espagne, deux fois moins important que celui de l’Allemagne, plus de dix fois inférieur à celui de la Chine et des États-Unis. Pourtant, Vladimir Poutine réussit à faire chaque jour la une des actualités internationales...

La Chine et la Russie cherchent à resserrer leur coopération agricole 

La Chine et la Russie viennent de tenir leur huitième réunion de coopération bilatérale dans le domaine de l’agriculture, en présence par vidéoconférence des ministres de l’Agriculture, respectivement Ma Youxiang et Sergey Levin. “Depuis le début de l’année 2021, le commerce agricole entre les deux pays a maintenu sa croissance malgré la pandémie”, s’est félicité le ministre chinois.

La Russie exporte en Chine pour environ 4 Md€ de produits agricoles, principalement du blé, et affichait une croissance en 2020 de l’ordre de 20 %. Les exportations à destination de la Chine se sont révélées bien utiles pour compenser les sanctions européennes et américaines à la suite de l’annexion de la Crimée par la Russie, en 2014. Même si c’est l’Europe qui reste son premier débouché.