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Réseau Déphy

Le colza préfère les légumineuses

Gestion des ravageurs, des adventices, gain d’IFT : la culture associée peut être une solution agronomique pour corriger certains risques culturaux, à condition d’être utilisée à bon escient.

Le colza préfère les légumineuses

«La question des colzas associés est travaillée depuis dix ans dans le Centre de la France », indique Arnaud Micheneau, intervenant de Terres Inovia en recherche et développement sur les cultures en région Auvergne-Rhône-Alpes. Depuis 2017, un réseau a été développé dans les départements de l'Ain, de l'Isère et du Rhône afin d'observer comment cette technique peut s'adapter sur le territoire de Rhône-Alpes et récolter des données locales. « Toutes les associations sont possibles, rappelle le technicien.
À condition de bien gérer les implantations. »
Pour réussir un colza, il faut d'abord réussir sa levée. Il préconise donc « de se poser les bonnes questions en amont par rapport au travail du sol ». Il s'agit essentiellement de limiter l'évaporation. Le labour ne s'impose pas forcément, ni de gratter le sol trop souvent, au risque de rencontrer des problèmes à la levée. « Il convient d'adapter la profondeur du semis, d'avoir une terre fine, exempte de mottes et surtout de semer le plus tôt possible afin de ne pas louper la première pluie », conseille Arnaud Micheneau.

Le stade de tous les dangers

L'inbtervenant précise que la croissance du colza « est faible entre la levée et le stade quatre feuilles : c'est la phase de tous les dangers ». En effet, à ce moment-là, la plante est sensible aux attaques d'altises. Les premières altises font leur apparition dans les parcelles aux alentours du 20-23 septembre, à la faveur d'une baisse suivie d'une hausse des températures. L'intérêt est donc d'atteindre les quatre feuilles avant le 20 septembre. Au-delà, la plante attaque une phase de croissance active. Une autre variable à prendre sérieusement en compte est le cumul des températures, la plante ayant besoin de 400 °C pour arriver à maturité. « Il faudra beaucoup plus de temps si on sème tard », assure le conseiller. Les périodes de semis idéales sont estimées entre le 20 et le 25 août pour les sols lourds et un peu plus tard dans les limons sableux ou quand les sols se réchauffent plus rapidement. « L'objectif est celui d'une levée au 5 septembre ». Avec un semoir classique (à 80), la densité sera de 40 grains/m2 et de 25-30 graines/m2 en semant à 60, ce qui représente un gain de 20 % sur les semences, mais une charge de mécanisation supplémentaire.

Structure du sol

Il existe quelques leviers sur lesquels jouer comme l'apport d'azote et de phosphore qui donnent à la plante une vigueur plus importante. « Cela ne favorise pas la croissance, mais le développement », insiste Arnaud Micheneau.
La pratique est admise en zone vulnérable si le semis a eu lieu avant le 1er septembre. Le conseiller indique que les dates de restriction d'épandage sont appelées à bouger avec l'harmonisation de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Enfin, le colza, pour bien se développer, doit être doté d'une bonne longueur de pivot, c'est-à-dire entre 10 et 15 cm, voire 20. « C'est plus une question de structure de sol que de profondeur, ajoute le conseiller. Avec un petit pivot, en cas de stress hydrique ou d'un épisode de gel, la plante ne peut pas compenser. »
En 2017, les rendements en colza ont atteint des records. « S'il y a un problème, c'est une question d'enracinement dans 90 % des cas », affirme le conseiller de Terres Inovia. La priorité sera donnée à l'implantation du colza avant de songer à une association. Celle-ci peut être intéressante dans le cas d'une situation à risque : présence d'adventices trop importante, situation géographique etc. Car une plante associée, ce sont aussi des contraintes.

Légumineuses gélives

En association, les légumineuses gélives, comme la féverole, la lentille, le trèfle alimentaire ou la vesce, peuvent avoir un impact sur les ravageurs d'automne. « L'association vient perturber l'activité du ravageur », précise Arnaud Micheneau, qu'il s'agisse de grosse altise ou du charançon du bourgeon terminal. Mais ces plantes risquent de se retrouver en compétition pour les ressources (eau, lumière, minéraux) avec la culture, notamment en début de cycle.
Les effets désirés d'une telle association sont aussi la gestion de l'hydromorphie, c'est-à-dire la saturation des pores du sol en eau. L'implantation de féveroles permet ainsi d'éviter les problèmes de rougissement du colza car « elle aère mieux l'horizon racinaire ». Cet apport d'oxygène favorise la minéralisation de l'azote (ce qui ne signifie pas qu'il y aura une restitution d'azote à l'automne). L'enracinement des deux plantes étant différent et complémentaire, une plus grande partie du sol est colonisée. Un colza associé sera de préférence semé une semaine avant le 1er septembre. Le semis s'effectuera en un ou deux passages en fonction du type d'association et du matériel. Un colza associé à un mélange trèfle, vesce, lentille se mélangera aisément dans la trémie du semoir. En revanche, avec de la féverole, un épandeur type à engrais s'imposera avec le semis de colza derrière. Autre possibilité : séparer les graines dans une double caisse d'un semoir monograine. Une association est aussi pertinente dans la gestion des adventices. « Dès que l'on atteint 1,5 kg de biomasse (poids de matière verte fraîche), c'est-à-dire 700 g de colza + 800 g d'un couvert associé, il n'y a plus de problèmes d'enherbement », rapporte Arnaud Micheneau.

Altises et rendements

Terres Inovia délivre quelques résultats obtenus sur la base de ses études. Il apparaît que l'association d'un colza à un couvert a un effet sur la pression des altises. Le nombre de larves observées diminue et surtout, en présence d'un colza seul, 30 % des plantes d'une parcelle infestée buissonnent, contre 15 % dans le cas d'un colza associé. Les rendements sont aussi intéressants. Les écarts sur 163 parcelles observées entre 2013 et 2016 dans le Centre de la France sont en moyenne de 33,7 q/ha en colza seul contre 36,1 q/ha en colza associé, mais Terres Inovia observe des tendances et mesure le gain en apport d'azote, qui peut atteindre 30 à 40 unités. Autre effet sur le long terme, l'association apporte des rendements réguliers et de la robustesse à la culture. Pour autant, le colza associé est utilisé pour répondre à une impasse agronomique ou pour réduire les intrants. Son implantation génère des charges supplémentaires pour l'achat de semences, l'idéal étant d'avoir des semences de ferme comme la féverole, par exemple. Ce sont aussi des charges de mécanisation supplémentaires en cas de double passage de semis. Le calcul final est un gain de 80 à 100 euros/ha avec une réduction de 1,5 IFT*. L'association peut aussi s'envisager en couvert semi-permanent, avec un trèfle associé au colza en précédent blé. « Le trèfle n'aura pas d'effet positif sur le colza, à moins de lui ajouter une légumineuse gélive. En revanche, ce que l'on recherche, c'est un bénéfice avec le blé derrière ou alors faire du fourrage. » Le trèfle jouera sur la fertilisation du blé. Le gain est d'environ un quintal à l'hectare. Dans ses conclusions, Arnaud Micheneau déconseille une autre association qu'avec des légumineuses.

Isabelle Doucet
*Indicateur de fréquence de traitements phytosanitaires.

 

Performances / À l’heure des premiers bilans, le réseau Déphy animé par la Maison Cholat, observe une évolution très positive des IFT.
En un an, de 2016 à 2017, l’IFT du groupe herbicide du réseau Déphy  
a baissé de 11,7 %.

Un point sur les IFT

Etudiés individuellement, par groupes et par cultures, les résultats font apparaître que l’IFT du groupe herbicide a baissé de 11,73 % entre 2016 et 2017 et que l’IFT de l’ensemble du groupe (hors traitement semences) a reculé de 9 %. Sylvain Lemaître, technicien Cholat, avance quelques explications. Elles sont d’abord climatiques, « ce qui a permis de limiter la pression des maladies au printemps et de faire l’impasse sur un fongicide ». Autre élément, les exploitants ont commencé à travailler avec des produits de biocontrôle, notamment sur le colza. Résultat : un gain de 1,5 IFT. « Sur le maïs, un exploitant a lutté contre la pyrale en passant au trichogramme », détaille le technicien qui espère que cette pratique fera école, surtout si elle se développe avec des lâchers par drone. Car, comme pour le biocontrôle, ces méthodes de lutte comptent pour
0 IFT. Le groupe a aussi été sensibilisé à la culture du seigle qui peut entrer dans des rotations, améliorant le bilan économique et environnemental des cultures, au niveau de la marge brute et de la réduction des IFT, surtout en précédent blé et orge.
Le réseau Déphy a également procédé à des comparaisons d’IFT entre une culture d’orge et une culture de seigle à Chateauvilain en Isère : sur la précédente campagne, l’IFT a été de 3,92 sur l’orge et de 1,66 sur le seigle, soit un gain de 2 IFT et une marge brute sur le seigle de + 60 euros/ha environ. Enfin, les échanges vont toujours bon train concernant l’utilisation de la herse étrille. «  D’autres agriculteurs s’y intéressent dans le groupe. Je leur conseille de se constituer en Cuma pour prétendre au maximum d’aides, mais à la condition qu’ils soient suffisamment proches les uns des autres, explique Sylvain Lemaître. En conventionnel, ça peut être un choix intéressant de combiner passage de herse et traitement pour limiter les invasions. »