Eau
Irrigation : « Il faut prendre  les choses en main »

En Sud-Drôme et Nord-Vaucluse, l’accès à l’eau est un enjeu majeur pour le maintien de l’agriculture. Afin de préserver et partager équitablement la ressource, un collectif d’agriculteurs a créé l’association de protection et promotion de l’irrigation (APPI) en Drôme provençale et Vaucluse. Rencontre avec Michel Brès, le président, également élu à la chambre d’agriculture du Vaucluse depuis 2019.

Irrigation : « Il faut prendre  les choses en main »
Le président de l’association, Michel Brès, vigneron sur les communes de Séguret (84) et Vinsobres (26), est également élu à la chambre d’agriculture du Vaucluse.

Dans quel contexte l’association APPI a-t-elle vu le jour ?
Michel Brès : « Plusieurs projets d’irrigation sont à l’étude sur le Sud-Drôme et Nord-Vaucluse, là même où j’exerce ma profession de viticulteur. C’est notamment le cas du projet Hauts de Provence Rhodanienne (HPR) qui avance, à mon goût, à petits pas. Sur ce même secteur, on parle également beaucoup de projets de modernisation des réseaux d’arrosage des ASA (associations syndicales autorisées en hydraulique agricole). Cependant, nous avons des difficultés à trouver des financements, alors que nous pouvons prétendre à des fonds du Feader* et de l’Agence de l’eau. Ceci permettrait de faire d’énormes économies sur la ressource en eau et d’atteindre les objectifs de réduction des prélèvements sur les cours d’eau déficitaires. Il faut donc prendre les choses en main. »

Qu’est-ce qui a motivé votre décision de vous implanter sur les deux départements limitrophes ?
M. B. : « Au niveau associatif, il existait déjà des associations d’irrigants individuels et des fédérations d’ASA en Drôme et Vaucluse. Mais personne ne défendait les irrigants, individuels ou collectifs, dans les deux départements, ni même les gens qui n’ont pas encore d’irrigation. Le but était de rassembler tout le monde et de créer une émulation autour de projets de territoire, non seulement avec les agriculteurs mais aussi avec les différentes organisations professionnelles agricoles, les associations de riverains, de chasseurs, de pêcheurs... »

Quels sont vos objectifs aujourd’hui ?
M. B. : « L’idée est d’aller vers une irrigation efficiente (micro-irrigation, goutte à goutte...) qui permette d’augmenter les surfaces irriguées, de sécuriser le revenu des agriculteurs mais aussi le foncier agricole ainsi que de baisser, dans le même temps, notre emprise sur la ressource en eau. Notre objectif sera alors de défendre des projets qui vont en ce sens. Le but est d’arrêter d’arroser à la raie comme nos arrières grands-parents et de rentrer enfin dans le 21e siècle ! »

La situation est en effet complexe sur Nord Vaucluse et Sud-Drôme… Qu’en pensez-vous ?
M. B. : « Lors des précédentes vendanges, plusieurs viticulteurs m’ont fait part d’une baisse de rendement de 30 % par rapport à la saison précédente, causée par la sécheresse. Aujourd’hui, nous n’irriguons même pas pour augmenter les revenus agricoles mais pour sécuriser les revenus actuels. Nous faisons également face à une perte de fonds sur les vignobles, la situation devient donc grave. Jusque-là, les restrictions sur les cours d’eau déficitaires, tels que le Lez, l’Aigues et l’Ouvèze, n’étaient pas les mêmes dans la Drôme et dans le Vaucluse, alors qu’il s’agit bien des mêmes cours d’eau. L’APPI espère pouvoir s’exprimer sur ce sujet, notamment lors des “comités ressources en eau” ». 

Propos recueillis par Amandine Priolet
* Feader : fonds européen agricole pour le développement rural.

« Etre moteur des projets »

L’œil de Sandrine Philibert-Roussin, vice-présidente de la chambre d’agriculture de la Drôme, membre fondatrice de l’association APPI et viticultrice à Tulette. « C’est une bonne chose que cette association ait été constituée pour défendre l’irrigation sur notre territoire. Au-delà des rôles que certains d’entre nous peuvent avoir dans les différentes organisations professionnelles agricoles, nous sommes présents avant tout au sein de cette association pour défendre notre métier mais surtout notre territoire. Je tiens à rappeler que l’irrigation n’est pas un sujet purement agricolo-agricole. De nombreux acteurs sont concernés et il est primordial de montrer aux services de l’État l’unité créée autour de cette problématique de l’hydraulique. Les projets de territoire doivent être pris en considération par tous : habitants, élus, professions agricoles, industries... mais aussi tous les utilisateurs de l’eau. Il n’est pas question d’aller à l’encontre d’un secteur (comme celui de la pêche par exemple, ndlr) mais plutôt de permettre de dégager des volumes d’eau à rendre aux milieux aquatiques. Il nous faut être moteur des projets, en faire du lobbying pour se faire entendre. » 

APPI : 21 membres fondateurs

Lors de l’assemblée générale constitutive de l’APPI, le 25 janvier à Vaison-la-Romaine, 21 membres fondateurs ont constitué le conseil d’administration : Jean-Etienne Alary, André Bernard (président de la chambre régionale d’agriculture Paca), Michel Brès, Jean-Louis Canto, Christophe Charransol, Eric Gigondan, Nicolas Granget, Denis Guthmuller, Christian Guigue (notaire à Vacqueyras), Julien Latour, Léa Lauzier, Jean-François Périlhou (maire de Vaison-la-Romaine), Audrey Piazza, Sandrine Philibert-Roussin (vice-présidente à la chambre d’agriculture de la Drôme), Justin Roussin, Michel Roussin, Hervé Roux, Aurélie Tailleux, Sophie Vache et Thierry Vaute.