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Loup et pastoralisme

Zones pastorales : « On ne veut pas devenir une réserve à loups »

A l'occasion d'un déplacement en Drôme, le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes, également préfet coordonnateur du plan national loup, a rencontré la profession agricole. Délivrance des tirs de prélèvement, matériel à disposition des louvetiers ou encore critère de l'aide ovine ont constitué les principaux points de cet échange.
Zones pastorales : « On ne veut pas devenir une réserve à loups »

Afin d'échanger sur la problématique de la prédation et les enjeux du pastoralisme, Stéphane Bouillon, préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes, également préfet coordonnateur du plan national loup, s'est rendu au Gaec de la Grange Neuve, à Saint-Nazaire-le-Désert le 23 juillet. Là, Didier Beynet et son épouse Sandrine élèvent 700 brebis préalpes-du-sud. Les agneaux sont produits sous label rouge. Organisée pour assurer son autonomie fourragère, l'exploitation compte 630 hectares de parcours auxquels s'en ajoute 70 ha de prairies et céréales. Dans un système extensif conçu pour laisser les brebis le plus longtemps possible à l'extérieur, tout irait bien s'il n'y avait pas le loup.

« Une situation ingérable »

A Saint-Nazaire-le-Désert, chez Didier et Sandrine Beynet, autour de la table : Stéphane Bouillon (préfet de région et coordonnateur du plan national loup), Éric Spitz (préfet de la Drôme), Patrice Bouzillard (sous-préfet de Die), Jean-Pierre Royannez (premier vice-président de la chambre d'agriculture de la Drôme), Michel Metton (président des louvetiers de la Drôme), Christian Blachier (responsable Drôme de l'ONCFS) ainsi que des élus du Diois parmi lesquels Daniel Fernandez (maire de la commune).
© journal L'Agriculture Drômoise

« Depuis une dizaine d'années, c'est un calvaire quotidien, a confié l'éleveur, la gorge nouée. L'an dernier, nous avons eu trois attaques coup sur coup. Avec la surveillance nuit et jour des animaux, on détruit les familles. Encore une paire d'années comme cela et on arrête l'élevage. » Pour Jean-Pierre Royannez, premier vice-président de la chambre d'agriculture de la Drôme, « c'est une situation ingérable, tant pour les éleveurs que pour les salariés ». Par ailleurs, il s'est inquiété d'apprendre que les louvetiers n'obtiennent pas la possibilité d'utiliser des armes équipées de lunette thermique. « Il faut une autorisation du ministère de la Défense car la réglementation dit qu'il s'agit de matériel de guerre, a répondu Stéphane Bouillon. Une demande a été déposée et nous allons relancer le ministère. » Michel Metton, président des louvetiers drômois, a, lui, évoqué une certaine « frustration ».

Inquiétude sur les tirs de prélèvement

Alors qu'un prochain décret permettra au préfet coordonnateur du plan national loup de choisir les sites sur lesquels seront accordés les tirs de prélèvement, « mon objectif est de pouvoir détruire non pas des loups isolés mais des meutes qui investissent un territoire », a indiqué Stéphane Bouillon. Inquiet des nouvelles modalités, « je ne suis pas sûr que la Drôme soit un secteur prioritaire », a fait remarquer Didier Beynet. « Je ne peux pas vous dire quelle position je prendrai fin août, lui a répondu Stéphane Bouillon, en charge de 35 départements pour la mission loup. Tout dépendra des situations locales, des remontées de l'ONCFS(1), des DDT(2). » Des propos qui n'ont pas du tout rassuré la profession agricole. « On ne veut pas devenir une réserve à loups », a lâché Jean-Pierre Royannez. Et Didier Beynet d'ajouter à l'adresse du préfet de région : « Vous êtes en train de nous expliquer qu'il faut que l'on fasse avec le loup. S'il continue ses ravages comme aujourd'hui, vous ne pourrez plus compter sur nous. Et l'économie locale en pâtira. Ce n'est plus possible de continuer d'élever des moutons dans de telles conditions. »

« L'état d'esprit change »

« Mon objectif est de faire en sorte que les activités d'élevage puissent continuer à prospérer », a indiqué Stéphane Bouillon, préfet de région et coordonnateur du plan national loup.
© journal L'Agriculture Drômoise

Pour le préfet de région, « les choses évoluent quand même ». Et de citer la hausse du quota de prélèvement l'an prochain (12 % de la population de loups au lieu de 10 %), la possibilité de tirs de défense simple tout au long de l'année au-delà du plafond de 43 loups... « L'état d'esprit change, a-t-il ajouté. Mon objectif est de faire en sorte que les activités d'élevage puissent continuer à prospérer. »
Autre sujet abordé, l'économie de l'exploitation. Aux pertes directes provoquées par la présence du loup, s'ajoute la baisse de la prolificité du troupeau. Ce qui a des conséquences sur l'aide ovine. « Rien qu'en 2017, notre exploitation a perdu 7 200 euros, a indiqué Didier Beynet. Un rattrapage est indispensable. » La profession demande un abaissement du taux de productivité au prorata des attaques. Pour le préfet de région, il s'agit de faire évoluer le cadre de la Pac. Ce sujet fera partie de ses remarques dans un rapport qu'il remettra au gouvernement en fin d'année. En attendant, après cet échange, les éleveurs ne semblaient pas davantage convaincus par ce nouveau plan loup.

Christophe Ledoux

(1) ONCFS : office national de la chasse et de la faune sauvage.
(2) DDT : direction départementale des territoires.

 

Loup /
Lettre ouverte au préfet coordonnateur

La FNSEA et les JA ainsi que les fédérations nationales ovine (FNO), bovine (FNB) et équine (FNC) et les chambres d'agriculture (APCA) ont adressé, le 20 juillet, une lettre ouverte au préfet coordonnateur du plan loup, Stéphane Bouillon. Les organisations agricoles dénoncent l'inefficacité des dispositifs actuels pour la défense des troupeaux et demandent trois mesures au préfet : des tirs de défense renforcés accordés aux éleveurs dès la première attaque de troupeau ; l'étoffement de la brigade loup ; l'autorisation, pour les tireurs habilités dans le cadre de tirs de défense renforcés, à disposer d'armes équipées de lunettes thermiques, sous couvert des lieutenants de louveterie. Elles attirent aussi l'attention du préfet sur la lenteur du traitement des dossiers d'indemnisation des attaques de troupeau et demandent une instruction dans les 24 heures suivant le constat des dégâts par les agents habilités.