« Aujourd'hui, j'ai un repreneur potentiel »

Malgré un taux de renouvellement parmi les meilleurs de la région, la Drôme a perdu 300 chefs d'exploitation en cinq ans, ce qui représente une baisse de 5 % (de 5 582 à 5 278). Plus du tiers des agriculteurs drômois ont plus de 55 ans. Pour les sensibiliser à préparer leur succession, la chambre d'agriculture a lancé l'action « agir ensemble pour le renouvellement des générations ». Jusqu'au 15 septembre, les 41 élus et les 46 conseillers de la compagnie consulaire vont rencontrer, en binômes, quelque 500 agriculteurs drômois nés entre 1959 et 1962.
Un état des lieux
Le 5 août, Maëva Antheme, conseillère ovin et pastoralisme, également animatrice de la filière équine, s'est rendue chez Hervé Eymard, à Autichamp. Elle devait être accompagnée par Didier Beynet, élu chambre d'agriculture, retenu au dernier moment. Au domicile de l'exploitant, l'entretien a débuté par un questionnaire. Objectif : dresser un rapide état des lieux de l'exploitation (surfaces, caractéristiques technico-économiques), vérifier s'il y a ou pas un ou des repreneurs identifiés et à quelle échéance.
Avec 30 hectares (ha) de céréales à paille, 8 de productions semencières (maïs et tournesol), 15 de surfaces fourragères (luzerne) ainsi que deux bâtiments avicoles de 400 mètres carrés chacun (poulets et pintades en label), l'exploitation d'Hervé Eymard est solide. Environ 7 ha sont irrigués. Et une EARL comprenant un bâtiment de 1 350 m² dédié à la production de poulets standards complète l'ensemble. Seul sur son exploitation, l'agriculteur fait appel à de la main-d'œuvre occasionnelle - par le biais d'un groupement d'employeurs (Agritravail) - pour les castrations de maïs et de tournesol ainsi que pour l'attrapage des volailles.
« A échéance 2025-2026 »
La retraite n'est pas pour tout de suite. « J'ai 58 ans et pense arrêter à échéance 2025-2026, confie Hervé Eymard. Mon fils, Quentin, actuellement technicien volailles à Valsoleil, devrait reprendre. On ne peut pas vivre à deux sur l'exploitation, donc pas d'association possible, à moins de s'agrandir et d'avoir l'irrigation. » L'entreprise est reprenable en l'état. Une quarantaine d'ha est en nue-propriété avec la mère et l'oncle d'Hervé, le reste en fermage avec un bail a priori transmissible à son fils.
« Comment vous projetez-vous dans six ans ? », questionne la conseillère. « Aujourd'hui, j'ai un repreneur potentiel. Mais que sera l'agriculture dans six ans, je ne sais pas », répond Hervé Eymard. La conversion en bio ? « Pas pour l'instant, dit-il. Ce sera peut-être le projet de Quentin, en semences ce peut être une opportunité. » La plantation de plantes à parfum, aromatiques et médicinales (Ppam) ? « Peut-être. Moi, j'ai bien assez à faire », assure-t-il.
« La physionomie agricole risque de changer »
L'entretien se poursuit avec la présentation du Point accueil transmission, service basé à la chambre d'agriculture, « à contacter deux ans avant la retraite, conseille Maëva Antheme. Et pour votre fils, il y a le Point info installation afin de connaître les démarches à réaliser avant de s'installer et être accompagné au mieux, notamment pour bâtir son prévisionnel économique, faire une demande de dotation jeune agriculteur (DJA)... »
La discussion se termine en évoquant le prix trop élevé des terres et le devenir agricole d'Autichamp. « Sur la commune, nous sommes une dizaine d'agriculteurs proche de la retraite, note Hervé Eymard. Certains ont des enfants qui souhaitent reprendre l'exploitation mais pas tous. D'ici dix ans, la physionomie agricole risque de changer avec, peut-être, moins d'exploitations familiales. »
Le 28 septembre, tous les binômes se réuniront par territoire (nord, sud et centre Drôme) afin de dresser le bilan de leurs enquêtes respectives. Ils réfléchiront aussi à l'opportunité de développer de nouveaux moyens d'accompagnement, toujours dans l'objectif de faciliter le renouvellement des générations.
Christophe Ledoux
Repères /
Dispositifs d'aide à la transmission
- Accompagnements individuels+ Point accueil transmission (PAT) : accueil du cédant pour faire un état des lieux de la situation, recenser les problématiques principales, établir un plan d'action, définit les interlocuteurs à rencontrer... En 2019, le PAT a reçu 57 agriculteurs.+ Répertoire départ installation (RDI) : mise en relation entre cédants et porteurs de projet via une offre de reprise diffusée sur un site internet national. L'an dernier, 31 offres de reprise d'exploitations ont été diffusées et plus de 150 contacts intéressés. Pour chaque offre, une rencontre individuelle permet d'analyser la situation, d'évaluer le potentiel et de rédiger une proposition détaillée.
+ Concrétisation transmission (CT): accompagnement individuel financé par la Région depuis 2019 incluant les phases du PAT (état des lieux, plan d'actions) et du RDI (recherche et mise en relation avec des candidats). L'an dernier, 8 agriculteurs ont sollicité ce nouvel accompagnement.
+ Audits transmission : collecte et analyse de la situation de l'exploitation pour rédiger une offre de reprise. Chaque année, une dizaine de ces audits est réalisée.
+ Stages test installation transmission : mise en place et suivi des stages pour la reprise d'exploitations par des porteurs de projet hors cadre familial. Le cédant est accompagné dans sa démarche de transmission.- Accompagnements collectifs+ Réunions d'information (Aita) : trois journées sur la cessation d'activité et la transmission (au nord, centre et sud du département) avec des informations sur la retraite, la succession et les accompagnements de la chambre d'agriculture. Entre 40 et 50 personnes présentes chaque année.
+ Formations Vivea « Se préparer à transmettre son exploitation » : deux sessions de 2 jours chacune par an où sont abordés les aspects fiscaux, juridiques et sociaux liés à l'arrêt d'activité. Un plan d'action personnalisé est travaillé en séance. 25 cédants ont été formés lors des deux sessions de 2019.