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Calamité agricole

Gel d’avril :  les vignes du Sud-Drôme très impactées

L’évaluation des dégâts du gel de début avril se poursuit. Une mission d’enquête a arpenté les vignobles du Sud-Drôme. Objectif : activer le processus d’indemnisation au titre des calamités agricoles qui profite, exceptionnellement, à la viticulture.

Gel d’avril :  les vignes du Sud-Drôme très impactées
A Rochegude, Denis Dumonteil, Dominique Chatillon, Laurent Meynier et Romain Thuile.

Des pointes à moins 6 °C dans le Sud-Drôme avec un gel qui a sévi pendant huit heures d’affilée dans la nuit du 7 au 8 avril ont lourdement impacté les vignes. Pour évaluer précisément les dégâts, une mission d’enquête a sillonné le vignoble de cette région, le 10 août. Pilotée par Dominique Chatillon, cheffe du service agricole de la direction départementale des territoires ( DDT) de la Drôme, la délégation était composée d’Elisabeth Manzon (DDT), Sandrine Roussin (vice-présidente de la chambre d’agriculture), Denis Dumonteil (FranceAgriMer), Alexandre Morin et Léa Lauzier (agriculteurs non concernés par le sinistre). On notait également la présence d’Isabelle Méjean, conseillère viticole à la chambre d’agriculture de la Drôme.
Le circuit a débuté à Livron sur le vignoble de Brézème, au domaine Lombard, puis sur des vignes IGP de Mme Alibert. Les dégâts du gel ont pu être constatés mais ceux-ci ont été amplifiés par la grêle et la pluie causant une pression sanitaire énorme sur le vignoble (mildiou, oïdium). Les pertes s’annoncent très importantes, de l’ordre de 60 %. La mission d’enquête s’est ensuite rendue à La Laupie, chez Adelin Marchaud. Ses vignes IGP ont, elles aussi, été très touchées par le gel.

Des charges de remise en état du vignoble décuplées

Plus au sud, chez Romain Thuile, jeune vigneron au quartier Garrigue à Rochegude, des pertes de récolte jusqu’à 80 % ont été observées sur des grenaches. Le plantier de quatre ans en cépage carignan, très touché, va devoir être taillé (avec difficulté) et il faudra trois ou quatre ans pour tout remettre en ordre. Chez Sylvie Meynier, le gel des bourgeons sur des carignans de onze ans a entraîné une mauvaise reprise. Une taille sévère sera nécessaire pour les récupérer. Toujours à Rochegude, chez Laurent Meynier, une vigne de carignan de quarante ans, connue pour apporter des raisins AOP de première qualité à la cave, est totalement détruite. Le producteur, par ailleurs vice-président de la Cave des vignerons et conseiller municipal représentant le maire, demande à la mission d’enquête d’intercéder pour que soit prise en compte cette catastrophe. Il en est de même sur un plantier de syrah à proximité, qui va perdre sa récolte. Globalement, la cave coopérative s’attend à une perte importante de récolte sur les Côtes-du-Rhône, ce qui va impliquer des acomptes réduits dans les années futures alors que les charges de remise en état du vignoble vont être décuplées.

A Saint-Maurice-sur-Eygues, Eric Françon montre les impacts du gel sur ses vignes.

Des impacts quantitatifs et qualitatifs

La mission d’enquête s’est ensuite déplacée à La Baume-de-Transit, chez William Vallon (en AOP Grignan-les-Adhémar) puis à Tulette, chez Sébastien Feschet (en AOP Côtes-du-Rhône). Sur ce secteur, les dégâts sont également très importants, un courant d’air froid de moins 6 °C ayant parcouru ces deux communes. Du jamais vu, même en 1997 date du dernier grand gel. La conjonction de l’arrêt du Mistral et l’absence de vent matinal habituel (le Pontias) expliquant ce gel exceptionnel. Beaucoup de vieilles vignes de plus de cinquante ans ont été impactées, causant des pertes de récolte sans précédent cette année, mais aussi à plus long terme car les plantations les plus anciennes en grenache pourraient ne pas se remettre de cet épisode.
L’après-midi, la mission d’enquête a poursuivi ses évaluations à Tulette, chez Alex Boyer, jeune vigneron coopérateur de la cave Costebelle, visiblement très affecté par cette calamité. Il a montré comment les bois sur ses syrah avaient littéralement éclatés. Sur des grenaches de quatre ans, qui auraient dû entrer en pleine production, la perte est estimée à 80 %. Quant aux grenaches de trente ans, l’impact du gel est tel qu’une taille sévère devra être effectuée. Certains plantiers, mis en route avant le gel, sont aussi touchés.

A Tulette, Alex Boyer présente les dégâts sur son vignoble à Isabelle Méjean et Denis Dumonteil.

18 000 hl contre 25 000 en moyenne

A Saint-Maurice-sur-Eygues, les cépages carignan et grenache d’Eric Françon ne portent qu’une charge de 20 % par rapport à d’habitude. Un désastre selon ses propres mots. Yannick Brus, président de la cave coopérative Les Coteaux, a ensuite fait visiter le quartier à proximité de la rivière Eygues où le vignoble en IGP a été très touché, quels que soient les cépages (caladoc, chardonnay, ou merlot). Ces vignes qui produisent annuellement 120 hectolitres (hl) à l’hectare ne donneront qu’une petite récolte, autour de 40 hl maximum soit une perte des deux tiers. Sur son exploitation, Yannick Brus a estimé les pertes de récolte à 50 %. La cave coopérative table sur une récolte de 18 000 hl (contre 25 000 en moyenne). Les vignes situées dans les coteaux ont moins souffert.

A Vinsobres, dans les vignes de Lilian de Zanet.

Un gel inédit sur certaines vignes

A Vinsobres, la mission d’enquête s’est rendue chez Lilian de Zanet, vigneron au quartier les Préaux et président de la cave coopérative La Vinsobraise. Il a tenu à montrer des vignes qui ont peu souffert puis des grenaches en cru Vinsobres de 45 ans où l’on voit bien les bourgeons gelés avec des souches n’accueillant qu’une ou deux grappes. Les pertes sont estimées de 30 à 40 %. Il a gelé dans des endroits où le gel n’était encore jamais arrivé, comme sur ces grenaches de cinquante ans d’âge où il pense ne pas pouvoir atteindre les 20 hl à l’hectare, sans préjuger de la qualité du jus des raisins. Il plaide pour qu’une assurance contre le gel, basée plutôt sur le chiffre d’affaires, soit mise à l’étude. La dernière visite s’est faite à Saint-Pantaléon-les-Vignes, chez Evelyne Maurent, vigneronne, et son neveu Fréderic Rabaix, vigneron à la cave coopérative Les vignerons de Valéon. Comme ailleurs, les dégâts sont bien localisés, laissant supposer une perte de 50 % sur la commune.

Des aides « calamités » étendues à la viticulture

A chaque visite de parcelle, Isabelle Méjean, conseillère à la chambre d’agriculture, a pointé les différents dégâts causés par le gel, aussi bien sur les bourgeons que sur les bois de la vigne, sur la fragilité des repousses. Compte tenu des aléas climatiques fréquents, il semble évident que la taille tardive a permis à quelques-uns de ses adeptes de s’en tirer un peu mieux cette année. Cette technique est à encourager mais, comme l’on fait remarquer certains vignerons, cela n’est pas toujours possible selon la surface à tailler et les disponibilités des professionnels.
« Il est bien évident que cette zone du Sud-Drôme, qui va de Suze-la-Rousse en passant par Tulette et jusqu’à Saint-Pantaléon a été très fortement impactée par le gel avec des pourcentages de perte de l’ordre de 80 % souvent atteints. C’est pourquoi des aides sur les calamités agricoles ont été étendues cette année à la viticulture, explique Dominique Chatillon. Ce soutien exceptionnel bénéficiera aux vignerons mais aussi aux structures (caves coopératives) avec un système d’avances qui va être mis en place pour l’arboriculture rapidement puis pour la viticulture en janvier. »

M. O.