Sécuriser les exploitations agricoles
Face au risque climatique, à la difficulté de recruter de la main-d’œuvre ou encore d’accéder au foncier, les agriculteurs ont besoin de dispositifs de sécurisation des exploitations. C’est ce qu’ils ont fait savoir à la préfète lors d’une visite au Gaec de l’Ardoise, à Châteauneuf-sur-Isère.

Au Gaec de l'Ardoise, Francis, Quentin et David Malossanne n’ont récolté cette année que 10 % des 1 500 tonnes d’abricots prévues habituellement. Le gel d’avril dernier a été dévastateur. En quatre ans, l’exploitation a été frappée chaque année par des sinistres climatiques, dont deux particulièrement dévastateurs (grêle en 2019 et gel cette année), sans oublier le gel en 2018 et 2020. « Depuis le 1er mars, en plus du gel, on a eu 400 mm de pluie et de la grêle, a expliqué Quentin Malossane à la nouvelle préfète de la Drôme le 13 août. On a allumé les bougies sept fois. » Les jeunes agriculteurs présents ont déploré un système assurantiel « qui indemnise moins que le fonds des calamités agricoles », et ce malgré le versement cette année d’un complément d’indemnisation pour les assurés multirisque climatique victimes du gel - équivalent à un rachat de franchise de 2,5 points pour l’ensemble des productions, porté à 10 points dans le cas de l’arboriculture. « Même si on faisait sauter la franchise, ça ne passerait pas », a déclaré l’un d’eux. Tous réclament un système assurantiel entièrement rénové.
Doubler le nombre de contrats Ofii
Suite au gel d’avril, seulement 10 % des 1 500 tonnes d’abricots prévues habituellement ont été récoltés cette année par le Gaec de l'Ardoise. Le 13 août, les chambres froides étaient quasiment vides.
Autre difficulté, le recrutement de main-d'œuvre. Habituellement, le Gaec de l’Ardoise et sa structure commerciale (SARL Les délices) emploie une centaine de personnes (une soixantaine pour le ramassage des fruits, une quarantaine pour le conditionnement). « Les étudiants ne veulent bosser qu’en juillet ou souvent que pour de courtes périodes », a fait remarquer Quentin Malossane. Le recours à des saisonniers étrangers en contrat Ofii (voir notre édition du 5 août) apparaît de plus en plus sécurisant pour les exploitations fruitières. « On en dénombre 300 dans la Drôme sur 35 000 saisonniers, a rappelé Marc Fauriel, membre de la FDSEA. Même si on doublait ce nombre, cela ne changerait pas la physionomie de l’emploi agricole. » Un bilan de la saison sera fait prochainement avec la préfète, ceci afin de préparer au mieux la campagne 2022.
« Garantir l’usage du foncier pour les jeunes »
Au Gaec de l’Ardoise, dans l’un des rares vergers d’abricotiers préservés du gel grâce aux bougies et protégés par des filets paragrêle, les Jeunes Agriculteurs ont déploré un système assurantiel « qui indemnise moins que le fonds des calamités agricoles ».
L’accès au foncier pour installer des jeunes agriculteurs, ou pour les conforter, demeure un sujet prégnant. « Les prix du foncier s’envolent et la concurrence est vive », a fait remarquer Henry Vignon, co-président de JA 26. L’urbanisation mais aussi la multiplicité des projets agricoles liés à des reconversions professionnelles accentuent les demandes de terres. L’an dernier, avec 79 installations aidées et autant de non aidées, un record a été battu dans le département « Il faut garantir l’usage du foncier pour tous les jeunes », a déclaré Marc Fauriel, président du comité technique Drôme de la Safer. D’ici la fin de l’année, l’organisme établira son programme pluriannuel d’activité. « En Drôme, des enjeux ont été listés tels que la perte de foncier lié au bâti résidentiel, la concurrence sur les terres ou encore leur appropriation par des associations environnementalistes », a-t-il expliqué.
Plan pollinisateurs, ZNT
Autre sujet d’inquiétude, le plan pollinisateurs et son arrêté « abeilles ». « On nous annonce qu’en 2022 on ne pourra traiter que cinq heures par jour, comment va-t-on faire ? Il faudrait au moins ouvrir un créneau le matin, entre 6 h et 9 h », a demandé Quentin Malossane, avant d’ajouter : « Nous avons 120 ruches sur l’exploitation et il n’y a jamais eu de problème ». Les JA dénoncent certaines positions dogmatiques des législateurs. « Sur les zones de non-traitement (ZNT), passer à vingt voire à trente mètres, c’est entre vingt à trente hectares de perdus sur mon exploitation ! » , estime Quentin Malossane. « Pourquoi est-ce toujours aux agriculteurs de reculer », questionne Henry Vignon.
« Il faut co-construire des zonages préservant l’agriculture et proposer des solutions de sortie à chaque problème », a conclu la préfète. Elle a aussi engagé les agriculteurs à communiquer davantage sur leur métier, en faisant appel à des soutiens comme les apiculteurs professionnels avec lesquels la profession agricole travaillent.
Christophe Ledoux